Dégradation des perspectives économiques pour 2022

Dégradation des perspectives économiques pour 2022

Par Omar Fassal

Le Fonds monétaire international a actualisé ses prévisions économiques pour 2022 et 2023, laissant apparaître une tonalité plus pessimiste. La croissance mondiale est revue à la baisse pour 2022, passant de +4,9% à +3,6%. Cette dégradation concerne aussi bien les économies avancées (baisse de +4,5% à +3,3%) que les pays émergents (de +5,1% à +3,8%). Aux Etats-Unis, le tour de vis de la FED, qui augmente ses taux pour contenir l’inflation, va peser sur la croissance. Elle a été revue à la baisse, passant de +5,2% à +3,7%. En Europe, la guerre en Ukraine et l’inflation qui pèse sur la consommation ne sont pas sans conséquence  : revue à la baisse de la croissance de +4,3% à +2,3%.

Même l’Asie émergente est en ralentissement  : croissance de +5,4% contre +6,3% auparavant. Seule exception  : l’Afrique, qui maintient son dynamisme, avec une prévision inchangée à +3,8%. Autre marque s’il en fallait du dynamisme africain  : alors que la croissance mondiale devrait stagner entre 2022 et 2023 à +3,6%, l’Afrique est l’une des seules régions au monde où la croissance devrait repartir à la hausse en 2023 pour s’inscrire à +4,0%.

Ces perspectives économiques laissent apparaître une croissance inférieure de -2% par rapport à son niveau potentiel au sein des économies avancées, et inférieure de -4% au sein des économies en voie de développement. Et pourtant, malgré le fait que la croissance soit inférieure à son rythme structurel, la majorité des Banques centrales n’ont eu de choix de resserrer leur politique monétaire, avec tous les risques que cela comporte, en vue de réussir à maîtriser l’envolée de l’inflation. Ces nouvelles prévisions viennent confirmer encore une fois que la surchauffe de l’inflation est un phénomène mondial qui ne fait pas d’exception. La prévision pour les économies avancées fait plus que doubler pour passer de +2,3% à +5,7%, et il en va de même pour les économies en voie de développement, où l’inflation passe de +4,9% à +8,7%.

Le resserrement monétaire est d’ailleurs déjà bien avancé. Aux Etats-Unis par exemple, le taux d’intérêt réel (taux nominal diminué de l’inflation) sur le 10 ans est sur le point de redevenir positif. Il a augmenté de -1% en février 2022 à -0,04%, en raison de l’envolée des taux. Autre indicateur, le stock mondial de la dette gouvernementale dont les rendements réels sont négatifs, continue de baisser. Il est passé de 14 trillions de dollars en début d’année à 2,7 trillions. Cette baisse s’explique par le recul de la dette à rendement négatif aussi bien aux EtatsUnis qu’en Allemagne. Le stock de dette négative de cette dernière est passé de 7 trillions de dollars en décembre - ce qui représentait la quasi-totalité de la dette allemande -, à seulement 400 milliards. Aujourd’hui, seul le Japon reste surtout concerné. En effet, la dette japonaise représente dorénavant 80% de la dette à rendement négatif au niveau mondial. La Banque du Japon n’a toujours pas annoncé de resserrement de sa politique monétaire.

Il faut noter que ces prévisions du FMI ont été construites avec l’hypothèse d’un baril de pétrole à 107 dollars en 2022, en ligne avec le prix actuel du Brent qui se situe à 108 dollars. Le FMI anticipe une détente l’année prochaine sur le prix du pétrole, en prenant comme hypothèse de travail un baril de pétrole qui baisserait à 93 dollars en 2023. Plusieurs défis à l’horizon risquent de ralentir la croissance économique. D’abord, il y a l’endettement cumulé pour faire face à la pandémie, aussi bien par les Etats, les ménages que les entreprises. La dette globale est passée de 225% du PIB à 250% en 2020. Si l’on considère uniquement la dette privée (entreprises et ménages), la hausse fut plus marquée dans les économies avancées (+15 points pour le ratio Dette / PIB) que pour les économies émergentes (+7,5 points).

Au sein des économies avancées, la dette des ménages a progressé après plus d’une décennie de consolidation de leur dette suite à la crise financière de 2008. En effet, la dette des ménages est passée de 87,5% du PIB en 2009 à 72,5% en 2019, puis cette baisse progressive fut brisée à partir de 2020 avec une remontée vers 77%. Cette hausse de l’endettement pèsera sur la croissance : sur les trois années à venir, elle freinera la croissance dans les économies avancées à hauteur de 0,9% du PIB, et dans les économies émergentes à hauteur de 1,3%. Ensuite, les difficultés du commerce international devraient également peser sur la croissance. Le commerce international de biens, qui s’était subitement effondré de -12,5% début 2020 en raison de la pandémie, a poursuivi un trend haussier sur le reste de 2020 et de 2021 pour arriver à un niveau supérieur de 7,5% au volume d’avantcrise.

Ce constat ne tient pas pour le commerce des services  : il se situe encore à un niveau inférieur de 13% au volume d’avant-crise, en raison du voyage qui peine à reprendre. Mais cette reprise est dorénavant compromise en raison de deux facteurs. Premièrement, la guerre en Ukraine qui impacte l’approvisionnement mondial. Deuxièmement, les confinements en Chine dans la lignée de la politique zéro pour la maîtrise de la propagation du Covid. Plusieurs villes industrielles majeures, dont Shenzhen et Shanghai, connaissant des restrictions, ce qui ne manquera pas d’impacter les chaînes de valeur mondiales. Les prévisions de l’OMC pour le commerce international en 2022 ont été revues sensiblement à la baisse, passant de +4,7% à +2,4% dans le scénario le plus conservateur. Pour le Maroc, le FMI prévoit désormais une croissance de +1,1% contre +3,3% précédemment; l’exécutif annonce une croissance légèrement plus optimiste entre +1,5% et +1,7% contre +3,2% précédemment dans la Loi de Finances.

Pour l’inflation, le FMI prévoit désormais +4,4% contre +1,2% précédemment, un déficit du compte courant de -6,0% contre -3,3% auparavant, et un taux de chômage à 11,7% contre 11,5% auparavant. Il en va de même pour la majeure partie des pays importateurs de pétrole de la région Moyen-Orient et Asie centrale, dont la croissance a été dégradée de +4,3% à +3,9%. Ceux qui tirent leur épingle du jeu sont les pays producteurs de pétrole, qui profitent d’une embellie  : croissance revue à la hausse à +3,9% à +5,0%. Pour l’Arabie Saoudite, la prévision passe de +4,8% à +7,6%.

A moyen terme, ce nouveau rapport attire l’attention sur le fait que pour réussir les objectifs de développement durable, il faut faire migrer une portion des travailleurs, des métiers émetteurs de carbone et polluant vers des métiers verts. Les métiers émetteurs de carbone concernent davantage les emplois peu qualifiés et ruraux, ce qui posera un défi de réallocation, et nécessitera des politiques d’accompagnement ,notamment par la formation. Cette transition sera plus difficile au sein des pays émergents car leurs économies sont structurellement plus exposées aux industries fortement émettrices (matières premières, secteur minier…); ces pays devront faire migrer deux fois plus de travailleurs des secteurs polluants vers les secteurs propres.

 

(*) : Omar Fassal travaille à la stratégie d’une banque de la place. Il est l'auteur de trois ouvrages en finance et professeur en Ecole de commerce. Retrouvezle sur www.fassal.net.

 

 

 

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