Déficit hydrique: quel modèle agricole face aux sécheresses récurrentes ?

Déficit hydrique: quel modèle agricole face aux sécheresses récurrentes ?

Le Maroc a intérêt à privilégier les cultures adaptées à son climat.

Le Plan Maroc Vert a soutenu des filières de niche grosses consommatrices d’eau.

 

Par C. Jaidani

Le Maroc traverse une saison de sécheresse inédite, l’une des plus compliquées des trente dernières années. Conséquence  : le pays sera contraint d’importer une bonne partie de ses besoins alimentaires de l’étranger, notamment le blé, les oléagineux et le sucre. Cette situation interpelle le gouvernement quant aux stratégies adoptées, dont certaines ont montré leurs limites, à l’image des dispositions prises pour assurer l’autosuffisance alimentaire. A titre d’exemple, le Plan Maroc Vert (PMV) a incité, à coup de subventions, les petits exploitants à se départir des cultures dites conventionnelles, comme les céréales, pour privilégier d’autres à forte valeur ajoutée comme l’arboriculture, les fruits rouges ou ou encore d’autres filières plus rémunératrices.

Cette orientation a eu des effets pervers, quand bien même son objectif était d’améliorer le revenu des exploitants. Résultat : les superficies dédiées aux céréales ont baissé et les résultats sont mitigés, car il était question de compenser par une hausse de la productivité. Mais avec la sécheresse, les récoltes ne sont pas au rendez-vous. «Le PMV est un modèle techniciste considérant l’agriculture un secteur comme les autres, alors qu’il était opportun de prendre en considération d’autres aspects, notamment l’environnement géographique et socioéconomique du Maroc. Le succès de la stratégie est dû en grande partie au fait que sa réalisation a coïncidé avec des années pluvieuses. Une fois la sécheresse s’est invitée, tout le système est devenu fragile. Des limites sont apparues, remettant en cause plusieurs choix», souligne Rachid Maâroufi, professeur universitaire, spécialiste du monde rural à l’Université Hassan II de Casablanca. Le basculement des cultures céréalières vers d’autres filières a certes des avantages, mais il a aussi des inconvénients, surtout pour un pays semi-aride comme le nôtre. Il faut garder en mémoire que ces activités jouent un rôle d’appoint important pour les activités d’élevage.

 

Changement de paradigme

«Parmi les raisons ayant conduit à la flambée actuelle des prix des tomates, il y a le fait que les exploitations performantes se sont orientées vers l’export, marginalisant le marché local. De plus, certaines régions comme le Gharb et le Loukkos ont délaissé cette culture au profit des fruits rouges. Lesquels ont vu, sous l’effet de la hausse de l’offre, leur prix chuter au point que les exploitants ont enregistré des pertes importantes», explique Maâroufi. Autre exemple et pas des moindres : la recherche des filières de niche a poussé certains agriculteurs à opter pour la culture de la pastèque dans la région de Draâ. Grâce au PMV, les superficies dédiées à cette culture sont passées de 400 à 15.000 hectares. Mais cette plante est considérée comme grande consommatrice d’eau. Ce qui a poussé certaines associations locales à monter au créneau pour dénoncer cette situation, à savoir qu’elle engendre une pression sur les ressources hydriques générant des problèmes d’approvisionnement non seulement pour les autres activités agricoles, mais aussi pour l’eau potable.

«L’essor de la filière a permis d’augmenter les exportations du Maroc en pastèques de 44%, mais à quel prix ? Cette culture a généré une grave crise d’eau, puisqu’un hectare de pastèques consomme pas moins de 6.000 m3 d’eau. L’exploitation abusive et intensive de la nappe a causé la salinité du sol et impacté la qualité des produits, poussant les exploitants à chercher d’autres zones dans la vallée de Draa, notamment Tata, pour lancer cette culture», souligne Jamal Akchbabe, président de l’ONG «Les amis de l’environnement» à Zagora. Face à cette situation, le gouvernement a été contraint d’imposer des restrictions à la culture de pastèque. Elle est interdite dans les régions oasiennes comme Tata. A Zagora, les superficies ont été réduites de plus de 70% et les autorités sont devenues intransigeantes en ce qui concerne le niveau d’utilisation des ressources en eau. Le débit des puits est rigoureusement contrôlé et l’usage des techniques économes en eau, comme l’irrigation au goutte-àgoutte, est devenu obligatoire.

 

 

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