En 2022, le Maroc devrait enregistrer une croissance marquée des défaillances de ses entreprises.
Des solutions de hedging peuvent être une alternative crédible à l'inflation constante des coûts.
Entretien avec Hicham Bensaid Alaoui, CEO de Allianz Trade Maroc.
Propos recueillis par Y. Seddik
Finances News Hebdo : Selon votre dernière étude, les défaillances au niveau mondial croîtront de 10% en 2022 et de 14% en 2023. Quels sont les principaux facteurs derrière cette hausse ?
Hicham Bensaid Alaoui : Les facteurs de fragilité sont malheureusement assez clairs. Mais si le diagnostic est relativement aisé, les réponses concrètes permettant une réelle sortie de crise le sont malheureusement significativement moins. Tout d'abord, le monde n'a toujours pas digéré deux années de décroissance économique (cumulée) induite par la pandémie du Covid, ce qui s'est traduit aussi bien par une baisse de la demande que par une obération des perspectives futures de croissance à travers des investissements moindres, notamment en capacités, mais également en recherche et développement. Ensuite, la guerre en Ukraine a induit de profondes perturbations au niveau des circuits d'approvisionnement, notamment en matières premières, agricoles ou non. Cela a engendré, dans son sillage, des croissances très marquées des besoins en fonds de roulement des entreprises d'économies majeures, particulièrement en Asie et en Europe, d'un point de vue géographique dans les secteurs des biens de consommation des ménages, et en électronique d'un point de vue sectoriel. Enfin, il convient évidemment de souligner le rôle déterminant joué par les plans étatiques de sauvegarde qui, au-delà même de la pérennisation de certains secteurs d'activité et de certaines entreprises, ont même abouti à d'assez contre-intuitives décélérations des défaillances d'entreprises en 2020 et 2021. C'est donc une conjonction de facteurs qui explique nos prévisions, entre phénomène mécanique de 'rattrapage' là où les plans de sauvegarde étatiques avaient eu pour effet de masquer quelque peu l'étendue des dégâts, et guerre en Ukraine ayant engendré, au-delà du drame humain qui est en train de se jouer, de profondes implications économiques négatives.
F. N. H. : Sommes-nous à des niveaux normatifs par rapport à la période d’avant-crise sanitaire ?
H. B. A. : Bonne question ! Car il est vrai que, factuellement, la croissance des défaillances d'entreprises en 2019 était de l'ordre de 8%, soit moins que nos prévisions pour l'année en cours et l'année suivante, mais pas radicalement inférieure aux 10% et 14% escomptés pour ces deux années. En corrigeant l'analyse des deux années 2020 et 2021 dont le niveau de défaillances, comme indiqué précédemment, était anormal, il apparaît qu'au niveau mondial, les défaillances escomptées pour 2023 devraient décroître de 2% comparativement à 2019, ce qui semble quelque peu révélateur d'un certain retour à la stabilité.
F. N. H. : Qu’en est-il des données concernant le Maroc ?
H. B. A. : Le Maroc, au titre de l'exercice 2022, devrait enregistrer une croissance marquée de ses défaillances d'entreprises à 12% comparativement à l'exercice 2021. Cette croissance, en tous points similaire à celle de la zone Euro, qui comprend les principaux partenaires économiques de notre Royaume, s'avère donc parfaitement cohérente. En revanche, et c'est là un excellent motif d'espoir, dès 2023, notre pays devrait être l'un des rares à enregistrer une décroissance des défaillances de ses entreprises, signe que les mesures mises en place depuis 2020 semblent pleinement porter leurs fruits.
F. N. H. : Avec l’enlisement de la guerre en Ukraine, quelles sont, selon vous, les difficultés que les entreprises marocaines pourraient rencontrer dans la deuxième partie de l’année ?
H. B. A. : Le Maroc, dont l'économie est comparativement aux pays de la région l'une des plus intégrées mondialement, devrait supporter, en toute logique, le contrecoup de cette guerre. Ainsi, la raréfaction de certaines matières premières et composants-clés devrait malheureusement se normaliser, impactant négativement l'économie marocaine dans sa globalité, et particulièrement ses activités d'offshoring automobile et aéronautique. Contrecoup mécanique d'une telle perturbation des circuits d'approvisionnement, le renchérissement des prix devrait maintenir l'inflation à des niveaux assez inédits, même si le fort ancrage du Dirham sur l'Euro et le Dollar devrait permettre de mitiger très significativement les chocs inflationnistes, là où d'autres économies de la région aux monnaies autrement plus volatiles devraient enregistrer des dévaluations assez inquiétantes de ces dernières.
F. N. H. : Quelles solutions s’offrent aux entreprises pour gérer ou anticiper des tensions de trésorerie ainsi que les hausses des coûts ?
H. B. A. : Pour répondre à votre seconde partie de la question, en théorie, des solutions de hedging peuvent être une alternative crédible à l'inflation constante des coûts. Mais elles présentent un écueil majeur (en cas de baisse subite des prix qui n'est jamais à exclure, les entreprises qui y souscrivent se retrouvent 'prises en otage', ce qui peut parfois engendrer des 'drames' financiers) et une limitation évidente (au regard de la raréfaction des matières au niveau mondial). De manière pragmatique, il apparaît acquis que seule une poignée d'entreprises marocaines peuvent se targuer d'avoir un pouvoir de négociation à même de leur permettre d'orienter les flux vers elles à des coûts a fortiori intéressants. Quant aux solutions offertes aux entreprises afin de gérer au mieux leurs tensions de trésorerie, le concours de l'assurancecrédit, dont les principaux piliers demeurent la prévention du risque, l'optimisation du recouvrement et bien entendu l'indemnisation en cas d'impayé, demeure un levier particulièrement efficace. Allianz Trade, leader marocain en la matière, se porte bien évidemment à la totale disposition de toute entreprise qui souhaite mettre à profit cette option de plus en plus incontournable.