Après une bonne pluviométrie, les pronostics des différents organismes de prévisions économiques (BAM, HCP, CMC, BM…) convergent vers une reprise pour l’année en cours, soit un taux de croissance oscillant autour de 4,2%. Globalement, ils tablent sur une reprise plus ou moins forte du cycle de production suite à une demande intérieure plus soutenue s’adressant aux principaux secteurs d’activité. Cette orientation positive relayée du côté de la demande s’explique par le comportement de consommation qui a connu une progression assez soutenue depuis le début de l’année, dans un contexte marqué par une inflation maîtrisée.
En matière d’offre, les estimations de croissance au terme du premier trimestre de l’année retiennent une progression du PIB de 4,3%, en hausse de 2,6 points par rapport à la même période de l’année 2016. Toutefois, les analystes du Centre marocain de conjoncture nuancent ces orientations positives qui ont marqué le premier trimestre de l’année en cours.
D’après eux, les efforts consentis depuis plus de trois années successives, en vue d’une atténuation des déséquilibres financiers, ne doivent pas dissimuler les fragilités structurelles de l’économie et les menaces qu’elles font peser sur la dynamique de croissance. Ils passent en revue les facteurs d’incertitude qui pèsent sur l’économie, et qui vont de l’instabilité de l’environnement international jusqu’aux fluctuations pouvant affecter les marchés d’exportation ou les prix de l’énergie et des matières premières. Ils arguent leurs propos par le fait que le retour à un cycle de croissance stable et auto-entretenu au plan international est loin d’être acquis avec les divergences de plus en plus évidentes des trajectoires des principaux foyers de croissance à l’échelle mondiale. Ils citent l’exemple de l’Europe, qui constitue l’un des marchés pertinents pour les exportations.
Le Maroc n’est donc pas à l’abri d’un choc externe de reflux de la demande, exacerbé par le déficit de compétitivité.
A ce titre, il est à rappeler que le déficit commercial s’est creusé davantage et donne déjà des signes précurseurs des risques à venir. Ce déficit relatif aux transactions sur biens et services a dépassé au terme du premier trimestre la valeur de 30 Mds de DH, en aggravation de 44% par rapport à la même période en 2016. Le taux de couverture s’est réduit en conséquence de 6 points au terme des trois premiers mois de l’année, en passant de 79,5% en 2015 à 73,3% en 2016. A l’heure des épineuses négociations sur le Brexit et du flou entourant l’économie américaine et toutes les mesures protectionnistes qui peuvent surgir, le déficit commercial pourrait s’aggraver.
Ajoutons à cela que les principaux flux financiers entrants (recettes voyages, transferts MRE, IDE), qui contribuent largement à l’atténuation du déficit commercial, enregistrent un repli significatif. Autre élément édifiant : l’instabilité qui marque le marché pétrolier parce qu’en cas de remontée des prix, un risque pèserait à la fois sur le solde commercial et sur les tensions inflationnistes.
Face à la montée des risques, les conjoncturistes appréhendent que les instruments de politique économique susceptibles d’en atténuer les effets fassent défaut. Ils mettent en avant le retard pris pour l’adoption de la Loi de Finances.
L’un des aspects les plus importants de ces répercussions concerne l’effort d’investissement public qui n’a pu être pleinement engagé tout au long du premier semestre. Les dernières données sur l’activité et l’emploi révèlent en effet que le taux de chômage a atteint au premier trimestre 10,7%, en hausse de 0,3 point par rapport à la même période en 2016. Et pour couronner le tout, l’annonce d’une réforme profonde du système de change allant dans le sens d’une plus grande flexibilité de la monnaie nationale constitue pour les opérateurs soucieux de stabilité, un autre facteur d’inquiétude. Désormais, ils devront faire face à des coûts supplémentaires liés à l’instabilité des cours de la monnaie.
Quels instruments adopter ?
Suite à toutes ces incertitudes, le profil conjoncturel au premier semestre paraît fort contrasté. Et surtout l’amélioration des équilibres financiers demeure fragile et très dépendante des fluctuations externes. En ce qui concerne la sphère réelle, la faiblesse de la croissance dans les marchés pertinents, la contraction de la demande étrangère et le déficit de compétitivité annoncent une faible contribution des secteurs d’exportation à l’essor de l’activité. Du coup, dans ce contexte peu favorable, le redressement du rythme de croissance attendu après le creux conjoncturel de l’exercice précédent n’en est pas un. «La mise en oeuvre des nouvelles dispositions budgétaires sur les six mois à venir, notamment en matière d’investissement, s’avérera vite de faible incidence, vu les délais nécessaires pour les rendre effectives», annoncent les conjoncturistes.
Et d’ajouter : «Le budget 2017 apparaît ainsi comme une programmation conçue pour solder une longue période de stabilisation enclenchée depuis plus de cinq années avec l’aggravation des déficits interne et externe». Ils prônent de se projeter dès à présent au-delà de la perspective annuelle pour s’inscrire résolument dans une vision pluriannuelle comme le prévoit la Loi organique des Finances. Le budget 2018 devrait ainsi être pensé dans le cadre d’une véritable vision de soutien à la relance de la dynamique de croissance. ■