A l’instar des pays à revenu intermédiaire, le Maroc se voit confronté à la question de l’étroite relation entre la compétitivité d’une économie et son processus de transformation structurelle comme élément fondamental à prendre en considération dans la mise en place d’une politique économique.
Pour mieux comprendre cet impératif, le centre de recherche Links a réuni une équipe de chercheurs pour débattre de cette question, à la lumière d’un travail académique réalisé sous la houlette de l’OCP Policy Center, le laboratoire d’économie appliquée de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales Rabat Agdal (FSJES) et la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies. Un travail qui a fait l’objet d’un ouvrage des plus utiles, en analysant les défaillances des marchés au Maroc qui se répercutent inéluctablement sur les politiques publiques mises en place.
Le professeur Mohamed Berrada, président de Links, plante d’emblée le décor :
«Le Maroc a connu un niveau d’investissement des plus importants durant les 15 dernières années, pourtant la machine (de la croissance et de l’emploi) ne tourne pas», en évoquant l’épineuse question de la compétitivité de la productivité. «Ces investissements sont à 90% publics, donc créent des emplois temporaires. Le véritable investissement qui crée de la valeur est l’investissement productif», soutient-il.
Quelques membres du comité scientifique ont ainsi fait le déplacement à la rencontre des étudiants de l’Université Hassan II de Casablanca pour expliciter cette corrélation entre les trois éléments fondamentaux que sont équilibres externes, compétitivité et processus de transformation structurelle de l’économie marocaine.
«Nos universités sont restées longtemps cloisonnées et renfermées sur elles-mêmes. Les entreprises et les banques mènent leurs politiques entre elles et, par conséquent, n’ont pas tellement de relation avec les universités, c’est pour cela que j’ai loué cette initiative de OCP Policy Center qui a créé un thinktank et fait participer les universités», a insisté M. Berrada.
«Le problème est général. On mène au Maroc des politiques sectorielles sans les placer dans un contexte global et de complexité. C’est-à-dire avoir à la fois une vision et établir des liens parce que c’est par les liens qu’on s’enrichit. Si on crée une multitude de secteurs sans créer de liens entre eux, on s’appauvrit», déclare-t-il à FNH.
L’ouverture de la séance a été l’occasion pour Lahcen Oulhaj, universitaire et membre du comité scientifique, de rappeler les notions de structuralisme et de transformation structurelle en économie.
Sur un autre volet, l’un des problèmes endémiques de notre économie, et qui fait l’objet d’une analyse de ce travail de recherche, est le déficit de la balance commerciale qui cache en réalité un tissu productif qui s’essouffle, une faible intégration industrielle et une concentration géographique des marchés, notamment européen qui ne permet pas une large marge de croissance, note Idriss El Abbassi, enseignant chercheur en économie à l’Université Mohammed V de Rabat
La faiblesse du secteur industriel marocain demeure un réel obstacle dans le passage vers une structure productive dominée par des secteurs technologiquement plus sophistiqués, à plus forte valeur ajoutée et à productivité plus élevée. L’ouvrage présenté à Links note que dans le processus de la transformation structurelle de l’économie marocaine, la productivité du secteur manufacturier ne peut augmenter sans chercher à corriger les distorsions issues de la mauvaise allocation des ressources.
Sur un autre niveau d’analyse, le travail des chercheurs s’est attardé sur le faible effet d’entraînement des IDE, sur la croissance et sur l’importance de la diversification des exportations, en analysant le rôle de la qualité des institutions et du gap technologique. Le troisième axe a été dédié à la relation entre la politique macroéconomique et la compétitivité, en particulier la politique de change. Notamment les effets négatifs des désalignements du taux de change réel sur la compétitivité des entreprises marocaines, dans un contexte international marqué par une croissance accrue des flux économiques et financiers. Des effets qui seront estompés avec la migration du Maroc vers un régime de flottement libre dans le cadre de la convertibilité totale du Dirham.
Il est utile de souligner que le pays prévoit d'entamer en juillet le processus de libéralisation du Dirham, comme l’a annoncé le gouverneur de la Banque centrale récemment, avançant ainsi le calendrier pour un pan essentiel du programme de réformes économiques du Royaume. Le ministre des Finances, Mohamed Boussaïd, a expliqué, pour sa part, que la fermeté actuelle du Dirham permettait d'avancer le calendrier comme souhaité par la Banque centrale. ■
Par I. Bouhrara