◆ Les autorités ont perdu pied dans la phase de gestion du déconfinement.
◆ Le Maroc traverse actuellement une crise sanitaire sévère, à l’instar de ce qu’ont vécu d’autres pays au début de la pandémie.
Par D. William
Elle semble bien loin cette époque où l’on tressait des lauriers au gouvernement pour sa bonne gestion de la pandémie de la Covid-19. En pleine crise sanitaire, alors que c’était la débâcle dans la plupart des pays, même très développés, le Maroc s’illustrait par la réactivité et la justesse dans ses prises de décision. Qu’elles relèvent du sanitaire, de l’économique ou encore du social, toutes les mesures décidées ont eu une adhésion massive de la population.
Rappelons-nous du fonds dédié à la gestion de la pandémie auquel la collectivité a apporté une contribution sans retenue, dans un élan citoyen et de solidarité. Rappelons-nous des aides massives aux salariés, entreprises et à l’informel. Rappelons-nous de l’agilité du tissu industriel qui a su rapidement se mobiliser et se reconvertir pour produire des masques, exportés par la suite dans plusieurs pays à travers le monde. Rappelons-nous de ce confinement strict qui a permis de contenir la propagation du coronavirus et sauvé des milliers de vies.
Cette gestion presque parfaite a fait taire toutes ces intelligences qui étaient, avant cette crise sanitaire, très virulentes envers le gouvernement, et a même valu au Maroc d’être cité en exemple à l’international. Ce gouvernement, si critiqué auparavant, était devenu subitement presque sympathique. Tout cela a duré… jusqu’au déconfinement.
Qu’est-ce qui n’a pas marché ?
Tant que les millions de Marocains étaient confinés chez eux, tout était… presque simple. Avec le déconfinement, tout est parti en vrille. Le nombre de contaminations a explosé, tout comme les décès.
Au 28 septembre, le Maroc comptait 119.107 cas pour 2.113 décès. Les autorités s’y attendaient-elles ? A l’évidence oui. Mais certainement ont-elles sous-estimé l’ampleur qu’allait prendre cette épidémie après avoir «affranchi» les Marocains des chaînes du confinement. Certainement ont-elles manqué de clairvoyance en autorisant, par exemple, la célébration de l’Aid Al-Adha qui a favorisé la mobilité de la population et contribué à la propagation du virus.
Certainement ont-elles péché dans leur façon de communiquer, à l’instar de la grosse polémique qui entoure encore cette rentrée scolaire. Il faut dire que l’approche du gouvernement, depuis le déconfinement, manque de lisibilité. C’est pourquoi, aujourd’hui, plusieurs voix s’élèvent pour dénoncer avec véhémence ce qui ressemble à une impréparation, voire même un certain laxisme postconfinement.
Son capital sympathie s’est littéralement effondré. Et conséquemment, les plumes braillardes de ses détracteurs se sont mises en orbite.
Le Parti du progrès et du socialisme (PPS) considère ainsi que «les circonstances difficiles que vit notre pays imposent plus que jamais, de la part du gouvernement, une forte présence politique, un sens aigu de la communication et une grande efficacité dans la gestion de l’épidémie, tout à l’opposé de ce que nous constatons dans la pratique gouvernementale caractérisée par une communication effacée et une présence timorée, une confusion manifeste dans les prises de décision lors de la deuxième phase de l’épidémie».
Abdellatif Maâzouz, ancien ministre, expert en stratégies de développement et président de l’Alliance des économistes istiqlaliens, ne dit pas autre chose. Selon lui, «malheureusement, le gouvernement n’a pas su mettre suffisamment à profit les grands acquis des trois premiers mois de la crise, bien au contraire. Les principales raisons en sont l’improvisation, le manque de coordination entre les différentes composantes du gouvernement et l’insuffisance de sa communication avec les citoyens».
Pour autant, si effectivement dans cette phase de la pandémie les autorités cafouillent, il faut reconnaître cependant, à leur décharge, que cette crise reste inédite et complexe. D’autant que, comme nous l’avions déjà écrit dans nos colonnes, elles doivent jongler avec trois paramètres : le sanitaire, l’économique et le social.
Et visiblement, nos gouvernants ne savent pas encore où placer le curseur. Comme beaucoup d’autres dans plusieurs pays. Et au final, le Maroc vit ce qu’ont vécu d’autres Etats au début de la crise sanitaire : il semble impuissant face à un virus plus meurtrier que jamais, avec une moyenne de 30 décès par jour ces dernières semaines.