Le Maroc a récupéré aux alentours de 84% de touristes en 2022.
Le Conseil régional du tourisme de Casablanca-Settat (CRT-CS) entend mettre les petits plats dans les grands afin de donner un vrai coup de boost au secteur.
Par M. Boukhari
La pandémie du Covid19, dont les effets se sont amoindris mais qui sont loin d’être un souvenir lointain, a fragilisé plusieurs secteurs. Sans surprise, le secteur du tourisme en a grandement pâti suite à la décision du Maroc de fermer ses frontières. Aujourd’hui, les chiffres laissent entrevoir les prémices d’une bonne reprise touristique. Un constat qui a été confirmé par la ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Economie sociale et solidaire, Fatim-Zahra Ammor. En effet, elle a, le 23 janvier 2023, en réponse à une question orale à la Chambre des représentants, affirmé que le Royaume est parvenu à récupérer près de 84% de touristes au cours de l’année 2022 par rapport à 2019, soit 11 millions de voyageurs.
La destination «Maroc» semble marquer des points, comme en atteste l’engouement dont elle jouit ces derniers mois. Et ce, en dépit d’un contexte économique international défavorable marqué par l’inflation, et à l’heure où le taux de recouvrement mondial est en deçà des 65%. A noter que les recettes touristiques se sont établies à 81,7 milliards de dirhams à fin novembre, soit un taux de recouvrement de 112%. En ce qui concerne le tourisme interne, Ammor a précisé que le taux de reprise dépasse les 101% par rapport à 2019, soulignant l’importance de l’appui apporté par l’Etat dans le cadre du plan d’urgence et de soutien au secteur touristique, d’une valeur de 2 Mds de DH. Ces résultats sont tributaires, selon la ministre, du processus de promotion et de commercialisation, de garantie des vols à destination du Maroc, et de la pleine implication des professionnels et autres partenaires. Ne partageant pas totalement «l'enthousiasme» de la ministre, Zoubir Bouhout, expert en tourisme, déclare que «sur les 84% d’arrivées, environ 50% représentent les Marocains résidant à l’étranger, ce qui veut dire que sur les 11 millions des touristes, plus de 5 millions sont des MRE.
Finalement, nous n’avons pas récupéré beaucoup de touristes, puisque les MRE ont l’habitude de rentrer au Maroc et cette envie s’est davantage fait ressentir en raison de l’ancien blocage qui a duré deux ans à cause des restrictions sanitaires». Par ailleurs, l’expert déplore une mauvaise répartition des flux touristiques au niveau de toutes les régions marocaines. «Certaines zones ont bien récupéré parce qu’elles ont une connexion aérienne très importante, tandis que d’autres continuent de souffrir, comme c’est le cas de la région de Drâa-Tafilalet, surtout la ville de Ouarzazate qui, je suppose, récupérera à peu près 40% du flux enregistré en 2019. Globalement, je pourrais dire qu’il y a une bonne récupération, mais inégalement répartie avec des marchés notamment allemand et latinoaméricain qu’il faudra encore reconquérir», affirme-t-il.
Aux grands projets, les grands moyens
A l’instar de l’ensemble du territoire marocain, la région de Casablanca-Settat cherche à reprendre du poil de la bête en termes de performance touristique. Quelques jours après l’intervention de la ministre du Tourisme au parlement, le CRT Casablanca-Settat a tenu son premier conseil de l’année en présence notamment de la vice-présidente du Conseil, Asmaa Belkeziz, le président de la Confédération nationale du tourisme, Hamid Bentahar, ainsi que le président de l’Observatoire du tourisme marocain, Ali Ghannam. Lors de cette assemblée, il a été question d’exposer les principales activités et stratégies pour la coopération avec les régions touristiques du Royaume. Le but étant d’encourager les professionnels du CRT-CS à persévérer dans la dynamique collective et stratégique pour Casablanca-Settat.
Parmi les segments prioritaires de la feuille de route, figurent le tourisme de MICE (tourisme d’affaires), le tourisme rural, culturel et de croisière. «La première lecture qu’on en fait, est que le CRT a une vision élargie pour faire bénéficier toutes les provinces de la région Casablanca-Settat de la dynamique touristique. Surtout quand on sait qu’il existe différents produits touristiques, une richesse et un arrière-pays qui vont permettre cela. Il est aussi question de faire développer les segments précités dans les endroits qui s’y prêtent», explique Bouhout. Pour l’expert, les efforts déployés par le CRT sont louables. Mais tout compte fait, il considère que les objectifs fixés à l’horizon 2030, soit 5 millions de touristes en 2030 contre moins de 1,5 en 2019, sont beaucoup trop ambitieux comparés aux chiffres annoncés par le ministère. Il estime par ailleurs qu’en 2019, l'essentiel de l’activité touris tique était concentrée à Casablanca, avec 1.105.000 arrivées, suivie d’El Jadida avec 142.000.
«En 2022, la région n’a récupéré finalement que 80% du flux de 2019, soit un total de 1,2 millions d’arrivées, et donc le fait d’atteindre 5 millions en 2030 veut dire que le chiffre sera quadruplé dans 8 ans, ce qui nécessite des investissements colossaux en termes de capacité d’hébergement. En partant d’un volume d’arrivées de 1.105.166 à Casablanca en 2019 et un taux d’occupation des chambres de 50% en 2019, l’accueil d’un nombre considérable de touristes est tributaire du doublement, voire triplement de la capacité actuelle. D’où la nécessité alors d’attirer plus d’investisseurs et de tripler la capacité d’hébergement actuelle», poursuit-t-il. S'agissant de l'incitation à l'investissement et de la mise à disposition de ressources financières, Fatim-Zahra Ammor a précisé que son département a réorienté l'intervention de la Société marocaine d'ingénierie touristique (SMIT) vers l'encouragement de l'investissement public et privé, et le développement de partenariats dans différentes régions du Royaume.
L’union fait la force
En vue de dessiner les contours d’un avenir touristique prometteur pour la région Casablanca Settat, il a été décidé, à l’issue du Conseil, de planifier la réalisation d’une feuille touristique pour cette zone géographique du Maroc. Cette ambition s’inscrit dans le cadre de la feuille de route du ministère du Tourisme et de la CNT 2027/2030, du Programme de développement régional 2022-2027 et du plan communal de Casablanca. Considérant que la région touristique de Casablanca-Settat se distingue par une grande variété de produits, le CRT CS voit grand et estime, comme dit plus haut, à plus de 5 millions le nombre de visiteurs nationaux et étrangers à l’horizon 2030. Pour ce faire, il a été recommandé de signer incessamment les conventions de partenariat et de coopération pour les années 2023 et 2024 avec le Conseil de la région CasablancaSettat, la ville de Casablanca et l’Office national marocain du tourisme (ONMT).
D’autres partenaires institutionnels seront également de la partie, notamment l’Office national des aéroports (ONDA), l’Agence nationale des ports (ANP), l’Office national des chemins de fer (ONCF) et les compagnies aériennes marocaines. «Outre l’apport des professionnels du tourisme et du ministère de tutelle, il est essentiel qu’il y ait une implication des instances élues. En effet, c’est seulement grâce à une intelligence collective combinant tous les acteurs qu’on pourra atteindre des résultats salutaires. Au niveau de la mairie de Casablanca, ils sont en train de préparer un plan communal et qui, à mon sens, devrait tenir compte des promoteurs touristiques», soutient Bouhout. En somme, il semblerait, d’après lui, que le CRT de Casablanca-Settat ait pris conscience des enjeux dominants et est en train d'opérer «une action élitiste vis-à-vis des pouvoirs publics et des instances élues, ce qui ne pourrait qu’être bénéfique pour le développement du tourisme. De fait, c’est la meilleure démarche pour que le secteur touristique joue pleinement son rôle, étant donné qu’il permet de créer des emplois, en sus d’une distribution des richesses à tous les niveaux», conclut-il.