Trop de tapage pour pas grand-chose jusqu’à présent.
Le ministère de l’Energie sollicité par le chef du gouvernement pour fournir un complément d’informations.
Quelle que soit la décision qui va être prise, le gouvernement n’échappera pas aux critiques.
Par David William
Le plafonnement des marges des distributeurs de carburants participe davantage de la démagogie que d’une réelle volonté du gouvernement de préserver le pouvoir d’achat des citoyens. Car libéraliser le secteur des hydrocarbures à partir de 2015 et vouloir réguler les prix quatre ans après semble être un non-sens.
Un non-sens qui sous-tend une chose : cette décision de plafonnement est juste la conséquence d’un processus de libéralisation qui aura été mal négocié, et dont les heureux bénéficiaires, en l’occurrence les distributeurs, veulent être aujourd’hui exposés à la vindicte populaire, sous prétexte que leurs marges sont conséquentes. Ce qui n’est pas faux. Mais est-ce leur faute ?
Le Conseil de la concurrence (CC) l’a bien dit en février dernier, estimant que cette libéralisation était «mal préparée», excluant plusieurs facteurs «qui auraient dû alerter le gouvernement sur l’opportunité de son entrée en vigueur et les modalités de sa mise en œuvre».
Aujourd’hui, l’Exécutif se rend compte de la difficulté de légiférer contre les marges des distributeurs. Les déclarations contradictoires se multiplient. Après les certitudes du ministre délégué chargé des Affaires générales et de la Gouvernance, Lahcen Daoudi, qui affirmait, après la sortie médiatique du CC, que le gouvernement est prêt et déterminé à appliquer le plafonnement, on bafouille et on cafouille de plus en plus du côté autorités.
Car, nous rapportent nos confrères du quotidien Akhbar Al Yaoum dans leur édition du 9 mai courant, c’est ce même Daoudi qui, répondant à des questions orales à la Chambre des représentants, a admis que sa promesse sur le plafonnement des prix des carburants allait tarder à être mise en œuvre. Voire ne va jamais l’être, puisqu’il avance comme argument du non plafonnement la nécessité de «donner une image positive du pays aux investisseurs».
Malgré ce capharnaüm, en réalité, aucune décision n’a été prise jusqu’à présent, au terme notamment de plusieurs réunions entre les pouvoirs publics et les professionnels.
«Le processus est en cours. Le ministre délégué chargé des Affaires générales et de la Gouvernance a effectivement fait une proposition au chef de gouvernement, qui a demandé des clarifications et des informations complémentaires au ministre de l’Energie», nous indique une source gouvernementale bien au fait du dossier.
«Actuellement, le chef de gouvernement attend donc l’avis de Aziz Rabbah. Une fois qu’il l’aura, il prendra la décision de plafonner ou non», ajoute-t-il.
Conséquences néfastes
A ce stade, personne ne peut dire ou non s’il y aura plafonnement des marges des distributeurs. Mais peut-être qu’au moment de décider, faudrait avoir en mémoire l’avis du CC, qui estime qu’«agir uniquement sur les marges des distributeurs de gros et de détail ne va pas changer la réalité des prix, et corrélativement ne conduira pas à protéger le consommateur et à préserver son pouvoir d’achat».
Il faut plutôt initier une refonte globale du secteur des hydrocarbures car, pour le Conseil, «le marché souffre de dysfonctionnements de nature structurelle auxquels les réponses conjoncturelles ne peuvent avoir que des effets limités».
Son avis sera-t-il entendu ? En tout cas, le gouvernement a moins de pression qu’il y a quelques mois, période de fortes contestations sociales sur le pouvoir d’achat, marquée notamment par une campagne de boycott de certaines marques, dont justement un distributeur de carburants. Il n’est donc plus dans l’urgence.
Mais quelle que soit la décision qui sera actée, les conséquences sont déjà là, et bien néfastes :
• Le plafonnement donnera un mauvais signal aux investisseurs et sera la preuve que le gouvernement a failli lors de la libéralisation;
• Le non plafonnement sera, après tout ce tapage, un cinglant discrédit de la parole politique;
• Et laisser traîner les choses en mettant tout le monde dans le flou sera un cruel aveu d’incompétence. ◆