◆ La pandémie du coronavirus accentue davantage la pression sur les finances publiques, fragilisées, entre autres, par un taux d’autosuffisance fiscal qui tourne depuis longtemps autour de 60%.
◆ Durant cette période de crise exceptionnelle que traverse le pays, la conversion d’une partie de la dette intérieure, qui représente le plus gros paquet de la dette publique, permettrait au pays d’élargir ses marges de manœuvre budgétaire.
Par M. Diao
La crise sanitaire liée à la progression du coronavirus a généré un choc au niveau de l’offre et de la demande au Maroc. La crise économique que traverse le pays, illustrée par un quasi arrêt de la plupart des activités marchandes, mettra à rude épreuve les finances publiques qui étaient déjà fragiles avant l’apparition de la pandémie. Pour preuve, depuis de nombreuses années, le taux d’autosuffisance fiscale du Maroc tourne autour de 60%. Ce qui révèle l’incapacité du système fiscal à générer suffisamment de ressources financières pour l’alimentation du budget général de l’Etat (BGE).
Cette situation pour le moins inconfortable pour les finances publiques rend dès lors le recours à l’endettement inéluctable, avec des conséquences néfastes sur le BGE de 2020. Pour avoir un ordre de grandeur, les dépenses liées aux services de la dette au titre du BGE avant la crise du covid-19 tournaient autour de 97 Mds de DH pour quasiment le même montant emprunté afin de parer au déficit de ressources dû à l’inefficacité du système fiscal.
Pression sur les finances publiques
La dernière étude d’Attijari Global Research qui, en raison de la pandémie du coronavirus, prévoit une baisse substantielle des recettes fiscales, couplée à la hausse des dépenses publiques, fait ressortir un déficit budgétaire pouvant atteindre 6% du PIB en 2020 (contre 3,5% du PIB prévu par la Loi de Finances 2020). D’où l’intérêt de s’interroger sur les marges de manœuvre budgétaire dont dispose l’Exécutif qui, faudrait-il le rappeler, a résolument pris la décision de limiter les dépenses futures.
Ces dernières seront orientées vers les priorités imposées par la gestion de la crise liée au Covid-19. Désormais, l'Administration ne peut plus engager de dépenses sans l'aval du ministère de l’Economie et des Finances et celui du ministère de tutelle. Au-delà du dessein manifeste de rationaliser les dépenses publiques, force est de constater que le Fonds de solidarité, dédié à la gestion de la pandémie du coronavirus est de nature à élargir la marge de manœuvre financière de l’Etat pourvu qu’il n’y ait pas un grand écart entre les promesses de dons (autour de 35 Mds de DH) et les sommes effectivement récoltées par la Trésorerie générale du Royaume.
L’effort de l’Etat allant dans le sens de parer à la crise de l’offre et de la demande (moteur de la crois-sance économique), induite par la progression de la pandémie, sollicitera indubitablement les ressources publiques. La phase de relance après la crise risque également d’être coûteuse pour les finances de l’Etat.
«Le gouvernement est convaincu qu’il est nécessaire de sortir de cette crise par le haut, en mettant en place un plan volontariste et ambitieux, mais à condition qu’il soit orienté vers les besoins accentués par la crise du Covid-19, notamment les secteurs de la santé, l’éducation, la lutte contre les inégalités sociales, la couverture médicale et sociale, et les investissements dans les infrastructures de base en milieu rural», analyse Najib Akesbi, professeur et économiste.
Ce dernier concède que l’accroissement des ressources publiques par l’augmentation du déficit budgétaire qui risque d’être largement supérieur à 6% en 2020, est d’une nécessité impérieuse au regard des enjeux du moment, parmi lesquels il y a lieu de citer la préservation des revenus des Marocains et le sauvetage des entreprises menacées de faillite.
Conversion de la dette intérieure en investissements
L’adoption du décret loi n° 2.20.320 autorisant le gouverne-ment à dépasser le plafond des financements extérieurs (voir p.13) montre que l’élargissement des marges de manœuvre budgétaire, est érigé en priorité par l’Etat. D’autres recours pourraient être mis à profit. «La conversion d’une partie de la dette publique intérieure en investissements élargirait la marge de manœuvre budgétaire de l’Etat sans accentuer le niveau d’endettement du pays», recommande Najib Akesbi, qui rappelle que sa proposition est réaliste puisque le Maroc a eu recours à la conservation de la dette extérieure en investissements entre 1996 et 2004.
«La conversion d’une partie de la dette publique intérieure, détenue par les institutionnels marocains (banques, compagnies d’assurances, etc.), permettrait de transformer par exemple la moitié des 97 Mds de DH du BGE 2020, dédiés au service de la dette en investissements. Ce qui donnerait une marge de manœuvre confortable à l’Etat», soutient-il. Et de conclure : «Dans ce cas de figure, il ne s’agit pas de transformer les créanciers en bienfaiteurs. Dans le cadre d’un partenariat win-win, une négociation avec l’Etat définirait les règles de partage des produits issus des investissements dans les secteurs jugés prioritaires dans le contexte actuel».