La cible implicite de l’inflation : le grand non-dit de BAM

La cible implicite de l’inflation : le grand non-dit de BAM

Certes, le silence est une vertu, mais quand il couvre le taux d’inflation ciblée par la Banque centrale, il vire au malentendu. Rappelons-le, un point focal est indispensable à l’ancrage des anticipations de l’inflation et les délais de transmission de la politique monétaire se mesurent par rapport à un terminal. À cet égard, il s’en faut de beaucoup. Et à défaut d’une cible d’inflation officiellement annoncée par les autorités monétaires au Maroc, un exercice de déduction s’impose. La finalité en est de révéler la valeur implicite de l’inflation ciblée par BAM, avec comme hypothèse de départ, candide soit-elle, qu’il ne s’agit là que d’un sous-entendu.

La parité du pouvoir d’achat, dans sa version absolue et ô combien utopique, suppose que les prix au Maroc seraient alignés sur leur niveau général dans la zone Euro, compte tenu de la valeur de conversion d’un Euro en Dirham, captée par le taux de change nominal. Là-dessus, l’empirie a eu son mot à dire : à court terme, il n’en est rien. Or, il a suffi de relativiser la parité du pouvoir d’achat, tout en y ajoutant le taux de change réel, pour qu’elle devienne une véritable grille de lecture des tendances économiques. L’idée est qu’une politique monétaire de ciblage d’inflation se solde, à moyen terme, par un taux de change réel qui profile une fluctuation tendancielle égale au différentiel entre la cible d’inflation dans le pays en question et celle adoptée par le reste du monde. De sorte que la variable d’ajustement n’est autre que le taux de change nominal, dont le flottement tend à clôturer les gaps et à maintenir la parité du pouvoir d’achat, à moyen et à long terme.

Dans le régime intérimaire qu’est le nôtre, et en dépit de l’élargissement de la bande de fluctuation du taux de change nominal, ce dernier demeure relativement fixe. Il est donc intuitif de déduire que la variable d’ajustement dans la parité relative du pouvoir d’achat n’est autre et ne peut être que notre cible d’inflation, puisque celle de nos partenaires commerciaux demeure exogène, car officiellement déclarée et constamment maintenue à 2%, tant en zone Euro qu’aux États-Unis. Dans cet ordre d’idées, la cible d’inflation serait endogène et BAM choisirait à sa guise un objectif qui rime avec la conjoncture économique, et ce dans le cadre d’une politique monétaire discrétionnaire. De ce cas, le taux de change réel, plutôt que nominal, serait la variable d’ajustement servant à maintenir la parité relative du pouvoir d’achat.

Cependant, la fluctuation tendancielle du taux de change réel ne peut aucunement se soustraire à une autre parité, celle des taux d’intérêts réels de long terme, ou les fameux «taux neutres». En d’autres termes, la dépréciation de la composante tendancielle du taux de change effectif réel serait, en moyenne, alignée sur le différentiel entre, d’un côté, le taux neutre au Maroc, situé aux alentours de 1% selon les estimations du FMI, et d’un tout autre côté, de celui de la zone Euro et des États-Unis que la FED estime, respectivement, à 0,91% et 0,58 %. De ce fait, et abstraction faite d’une éventuelle prime de risque entre ces taux, la dépréciation potentielle du taux de change effectif réel peut être approximée à 0,2%.

En résonnance avec la parité relative du pouvoir d’achat, ce potentiel de dépréciation réelle est compensé par une faible dépréciation tendancielle du taux de change nominal, dont la moyenne affiche une valeur de 0,2% sur les quinze dernières années. Si bien que le différentiel d’inflation entre le Maroc et ses partenaires commerciaux se réduit à la nullité, puisque la valeur vers laquelle devrait converger le taux d’inflation observé à moyen terme au Maroc, serait analogue aux cibles de la BCE et de la FED. Voici donc le tacite dans la conduite de la politique monétaire au Maroc et en voici l’objectif implicite, le point d’ancrage, le repère à l’horizon : une inflation de 2% à moyen terme.

Somme toute, le silence perd sa vertu quand il cède aux calculs pervers. Ces spéculations sur la cible d’inflation au Maroc sont probablement inexactes et simplistes et, tout arrogantes qu’elles sont, s’offrent à la rectification. Une rectification que seule BAM peut mener à bonne fin, si et seulement si, elle brise le silence à ce sujet. Et, bien entendu, il suffirait d’un chiffre pour ce faire.

 

 

Par Hachimi Alaoui, Professeur d'économie monétaire et directeur d'équipe de recherche

 

 

 

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