Le taux d’activité de la gente féminine a observé au cours des dernières années une trajectoire baissière.
Il est passé de 25,9% en 2010 à 19,9% en 2020. Le gouvernement s’est fixé l’objectif ambitieux de changer la donne.
Par M. Diao
La sous-représentation, pour ne pas dire l’exclusion des femmes de l’activité économique constitue un obstacle de taille pour l’émergence du Royaume en quête d’un nouveau modèle de développement (NMD). Les données officielles en lien avec l’activité de la gente féminine sont édifiantes.
Il ressort de la DEPF Policy brief de mars 2022 (numéro 30) que l’emploi des femmes, dont le taux d’activité a baissé à 19,9% en 2020 (contre 25,9% en 2010), a contribué négativement à la croissance du PIB par habitant à hauteur de -9,3% entre 2017 et 2019, après -7,5% entre 2014 et 2016. Ces quelques chiffres confortent le caractère néfaste du faible taux d’activité des femmes sur la dynamique économique, sachant que le taux d’activité des hommes en a été de 70,4% en 2020. C’est dire le long chemin à parcourir pour le Maroc sur le chantier de l’égalité homme-femme sur les fronts économique et social.
Dans le même ordre d’idées, il convient de faire remarquer que l’analyse sous le prisme genre fait état d’une dégradation du chômage des femmes de 3,9 points entre 2010 et 2019 pour se situer à 13,5%. Ce qui représente un niveau supérieur à celui des hommes qui s’est amélioré, passant de 8,9% à 7,8%. Recul du taux de féminisation pour quelques secteurs Face aux inégalités passées en revue, le gouvernement a visiblement décidé de prendre le taureau par les cornes.
Le chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, a confirmé récemment au Parlement la détermination de l’exécutif à augmenter le taux d'intégration des femmes sur le marché du travail. Ceci dit, force est d’admettre que l’accroissement du taux d’activité de la gente féminine ne se décrète pas, surtout si l’on sait qu’une croissance forte, pourvoyeuse d’emplois au Maroc, n’est pas toujours au rendez-vous, comme cela risque d’être le cas pour cette année. D’ailleurs, pour la Banque mondiale, le développement économique ne s’est pas traduit par un nombre suffisant d’emplois à haute productivité capable d’absorber l’ensemble de la main-d’œuvre marocaine.
De plus, l’on assiste ces dernières années au recul du taux de féminisation de secteurs qui emploient davantage les femmes. A titre illustratif, le taux de féminisation de la branche agriculture, forêt et pêche est passé de 35,1% en 2010 à 30,8% en 2020, celui de l’industrie y compris l’artisanat s’est contracté à 25,2% en 2020 (contre 37,7% en 2010). Par ailleurs, les dernières prévisions émanant d’entités habilitées tablent toutes sur un taux de croissance inférieur à 2% du PIB.
Or, faudrait-il le rappeler, le gouvernement actuel s’est fixé l’ambitieux objectif de créer près de 200.000 emplois par an, soit un million de postes de travail sur 5 ans. Ces projections sont taxées d’irréalistes par bon nombre d’économistes qui rappellent que l’économie marocaine crée en moyenne annuelle moins d’emplois que le nombre de postes d’emplois fixé par le gouvernement.
Des doutes légitimes
Pour Aziz Akhannouch, qui a rappelé, entre autres, au Parlement que deux femmes sur dix ont une activité rémunérée hors de leur foyer et une femme sur dix seulement dispose de la rémunération correspondant au travail effectué, le pourcentage de l'activité économique des femmes devrait atteindre 36%, compte tenu des fondements de l’économie nationale. Rappelons que la feuille de route cadrant les grandes orientations du NMD aspire à un niveau élevé d’inclusion et d’activité des femmes.
Une multiplicité de cibles est fixée à atteindre à l’horizon 2035. Il s’agit de l’augmentation du taux d'activité des femmes pour atteindre le niveau de 25% en 2025 et 45% en 2035. L’économiste Mehdi Lahlou se montre perplexe quant à la possibilité de l’atteinte de ces objectifs. «Il faut savoir que selon les derniers chiffres du HCP, le taux de chômage des femmes tourne autour de 18% (contre un taux de chômage national de 11%). Dans le contexte économique actuel en proie, entre autres, à la sécheresse et aux conséquences économiques de la guerre en Ukraine, il est illusoire d’envisager l’augmentation du taux d’activité des femmes à court terme», explique-t-il. Et d’ajouter : «Au regard des perspectives d’investissement du secteur privé, de l’Etat et des opérateurs internationaux, l’atteinte du taux d’activité des femmes de 25% en 2025 relèverait de l’ordre de l’improbable». Notre interlocuteur, qui établit un lien mécanique entre l’augmentation du taux de croissance et celui de l’activité des femmes, fait remarquer la difficulté pour l’Etat de relancer la machine économique en raison de l’étroitesse de la marge de manœuvre en matière d’endettement et de finances publiques.