◆ La crise sanitaire et la sécheresse pèsent lourdement.
◆ Les exploitants craignent que le pouvoir d’achat des citoyens soit impacté.
Par Charaf Jaidani
Le mois sacré est là. Le jeûne pendant le Ramadan est un précepte très suivi par les citoyens marocains. Outre l’aspect religieux marqué par l’abstinence de manger ou de boire pendant la journée, cette période est marquée également par les prières (Taraouih), la préparation de gâteaux et de mets culinaires typiquement marocains aux multiples saveurs.
Conservateur et très attaché aux traditions, le monde rural observe le rituel avec une attention particulière sur la portée et les significations intrinsèques du mois béni ainsi que ses acquis et bienfaits spirituels.
Contrairement aux villes où l’activité tourne au ralenti durant tout le mois, dans les campagnes le rythme de travail reste quasiment le même. Il n’y a pas de répit dans les exploitations, d’autant que le mois sacré coïncide cette année, dans sa majeure partie, avec le mois de mai, période de moisson par excellence.
Certes, la saison a été marquée par une sécheresse impitoyable, mais les fellah restent optimistes et ont su, au fil des ans, cohabiter avec les caprices du climat. Crise sanitaire oblige, la situation est compliquée, et les opportunités d’activités alternatives à l’agriculture sont restreintes.
Ce qui contraint les exploitants à faire face à de nouveaux défis. Et nul besoin de préciser que le Ramadan de cette année sera très difficile dans les campagnes, mais les fellahs sauront garder le sourire, comme à l’accoutumée, et envisageront l’avenir avec optimisme et sérénité en attendant des jours meilleurs.
A ïd Al-Adha devrait se dérouler cette année le 30 juillet. Trois mois et dix jours nous séparent de cet événement très suivi par les citoyens marocains. La plupart des éleveurs ont d’ores et déjà commencé les préparatifs. Ils choisissent les antenais dédiés à l’engraissement, aménagent des ateliers d’élevage et emmagasinent l’aliment de bétail. Si la sécheresse et la crise sanitaire pèsent lourdement sur l’activité, à l’Association nationale ovine et caprine (ANOC), on affirme que «la situation demeure globalement normale dans l’ensemble des régions du Royaume même si la sécheresse a eu un impact défavorable sur les cours de l’aliment de bétail.
Le cheptel présente une bonne condition sanitaire et les prix seront quasi similaires aux précédentes années». Interrogés à ce sujet, plusieurs éleveurs n’ont pas caché leurs inquiétudes du fait que cette saison est très particulière et que plusieurs incertitudes planent à l’horizon. «Généralement, je prépare entre 400 à 450 moutons.
Cette année, j’ai réduit l’effectif de moitié. D’une part, il est difficile de maîtriser les charges en ces temps difficiles, et d’autre part, il n’y a pas assez de visibilité quant à l’écoulement des produits sur le marché. Le pouvoir d’achat des acheteurs pour la plupart issus de la classe populaire, est fortement impacté par la crise sanitaire. D’ici trois mois, auront-ils les moyens pour observer le rituel ?», s’interroge Lakbir Ould Hlima, exploitant de la région des Mdakra.
L’analyse du marché fait état d’un renchérissement sans précédent des cours de l’aliment de bétail. Le département de l’Agriculture a lancé un programme pour la distribution de 2,5 millions de quintaux d’orge subventionnée concernant la période d’avril, mai et juin pour un prix fixe de 2 DH le kilo.
«La dotation d’orge subventionnée que j’ai reçue ne dépasse pas les deux quintaux. Elle est nettement insuffisante pour subvenir aux besoins de mon troupeau. Pour l’engraissement des moutons, je dois rajouter du son facturé à 3 DH le kilo, du maïs 3,5 DH le kilo et de la paille à plus de 30 DH la botte», martèle Bouazza Sakir, éleveur de la région de Benslimane.
Les exploitants redoutent également la baisse de la demande. En effet, depuis que l’Aïd Al-Adha coïncide avec la période estivale, plusieurs familles préfèrent partir en vacances.