Agriculture : la pénurie de main-d'œuvre qualifiée frappe les campagnes

Agriculture : la pénurie de main-d'œuvre qualifiée frappe les campagnes

De nombreux ouvriers dans le monde rural ont migré vers d’autres activités comme le commerce, le transport, l’artisanat... Certains métiers sont essentiellement assurés dans le cadre de l’emploi non rémunéré.

 

Par C. Jaidani

Déjà élevé sous l’effet de la mauvaise conjoncture, le taux de chômage a augmenté de nouveau au troisième trimestre 2024, passant de 13,5% à 13,6%. Il stagne à 17% en milieu urbain, et en milieu rural, il s’est accentué, grimpant de 7 à 7,4%. Force est de constater que les années successives de sécheresse sont responsables des pertes d’emploi dans les campagnes. Le secteur de l’agriculture, forêts et pêche a ainsi perdu 124.000 postes au troisième trimestre, selon la dernière note du hautcommissariat au Plan (HCP).

Dans la réalité, une bonne partie des chômeurs dans le monde rural a migré vers d’autres activités à titre temporaire ou permanent, notamment le commerce, le BTP, l’artisanat, le tourisme rural ou le transport. Ces activités sont moins vulnérables aux aléas climatiques et assurent des revenus plus ou moins réguliers. Pour le démarrage de la campagne actuelle, plusieurs exploitants redoutent l’indisponibilité de façon suffisante de main-d’œuvre, surtout qualifiée.

«L’agriculture demeure le plus gros employeur au niveau national. Le faible taux de mécanisation du secteur impose de faire appel à beaucoup de main-d’œuvre. Pour les filières nécessitant plus de technicité, il faut des profils pointus. Parfois, les exploitations ne trouvent pas facilement les ressources humaines nécessaires, et cela peut se répercuter sur la production. Il faut noter aussi la faible mobilité des travailleurs à travers le territoire national. Certaines régions ont un excès de main-d’œuvre qualifiée et d’autres n’en ont pas assez. Pour des considérations culturelles et sociales, la plupart des travailleurs agricoles préfèrent rester dans leurs patelins d’origine ou près de leur parents, et ne veulent pas se déplacer pour décrocher des emplois», affirme Mohcine Belarbi, ingénieur en génie rural.

«Face au renchérissement du coût de la vie, les ouvriers agricoles exigent de plus en plus des salaires plus élevés, dépassant nettement le salaire minimum garanti (SMAG), particulièrement lors des récoltes ou de la période du travail du sol. Ils optent pour le travail à la tâche plutôt que pour des horaires fixes, et cela engendre des effets négatifs sur le rendement», explique-t-il. Cette problématique de la maind’œuvre remet en selle les difficultés du secteur agricole national.

En dépit des efforts alloués par l’Etat dans le cadre du Plan Maroc Vert (PMV), les objectifs visés semblent loin d’être atteints. Véritable baromètre de l’activité, les ventes des tracteurs agricoles ont culminé à une moyenne de 4.500 unités/an lors des premières années de la stratégie agricole, avant de chuter entre la période 2018-2023 à une moyenne de 2.500, soit le même niveau qu’avant le lancement du PMV. C’est le même constat observé pour les autres engins agricoles.

«La plupart des exploitations n’ont pas un rythme de travail régulier, notamment les filières de production végétale. Il y a des moments de pointe où la main-d’œuvre est très sollicitée, surtout pour les activités saisonnières. Les ouvriers profitent de cette occasion pour augmenter le prix de leurs prestations. Et même en offrant des prix dépassant la moyenne, certaines exploitations n’arrivent pas à recruter suffisamment de travailleurs. Cela représente un véritable casse-tête pour les exploitants. Actuellement, c’est la période de récolte des olives. Bien que le rendement soit en forte baisse, avec le renchérissement des intrants et la hausse du prix de la main-d’œuvre, le prix de production de l’huile d’olive s’inscrit dans un trend haussier. Du coup, le prix à la consommation a augmenté à son tour. Il varie actuellement entre 100 et 150 DH/litre selon les régions, un tarif jamais atteint auparavant. Autre exemple, chez les éleveurs, il est difficile de trouver un berger pour le bétail. Souvent, c’est un membre de la famille qui s’occupe de cette activité dans le cadre de l’emploi non rémunéré», explique Belarbi. 

 

 

 

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