Agriculture : Le plan antisécheresse, un aveu d’échec du PMV ?

Agriculture : Le plan antisécheresse, un aveu d’échec du PMV ?

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L’heure de vérité pour le Plan Maroc Vert a sonné avec l’arrivée de la sècheresse. La stratégie qui tend à moderniser le secteur de l’agriculture et le rendre résilient n’a pas réussi à nous épargner un plan antisécheresse. Braqué sur le marché international, ce plan a péché en ignorant le bas de la pyramide.

 Il est triste de constater que la citation de Théodore Steeg, le Résident français successeur du Maréchal Lyautey, «Au Maroc, gouverner c’est pleuvoir» est toujours d’actualité.
Le spectre de la sécheresse faisait trembler le plus costaud des ministres marocains de l’Agriculture, et Aziz Akhannouch n’a pas échappé à cette règle malgré le Plan Maroc Vert !
Lancé en 2008, ce plan, qui vise à faire de l’agriculture un moteur de croissance, moderne et résilient, notamment face aux aléas climatiques, «qui font la pluie et le beau temps» au Maroc, a vacillé en raison de la faible pluviométrie en fin 2015 et début 2016. D’ailleurs, pour nombre d’observateurs, le plan d’urgence lancé en janvier 2016, doté de 4,5 milliards de DH, est la preuve saillante des limites du PMV. Un aveu d’échec alors, à près de 10 ans de vie de ce plan qui a drainé des investissements à coups de milliards de DH ?
La question est d’autant plus légitime à poser si le Maroc entrait dans un nouveau cycle de sécheresse comme celui qui a duré cinq ans entre 1980 et 1985 et qui marque encore les esprits !
Pour un ingénieur agronome ayant souhaité garder l'anonymat, le cycle entre années grâces et années sèches est le même aussi bien avant qu’après le Plan Maroc Vert, bien que des avancées sont tout de même à saluer. «Malgré ce plan très ambitieux qui péche parfois du fait qu’il est décollé de la réalité du terrain, et malgré les milliards de DH injectés, le Plan Maroc Vert n’a pas réussi à opérer une rupture notable dans les indicateurs du secteur : emploi, PIB agricole et contribution au PIB qui sont à peu près similaires à ceux de la campagne de 1996/1997. Pis, certains sont même en recul, notamment l’emploi qui est à la base très précaire. Pour preuve, à la première sécheresse, nous revoilà sur le même schéma des années précédant le PMV», assure notre source.
En effet, ce plan n’a jamais été réellement confronté à la sécheresse et a, depuis son lancement, profité d’un ciel bien clément. «Même dans son plan antisécheresse, Aziz Akhannouch n’a pas réellement innové par rapport à ses prédécesseurs, si ce ne sont les 1,25 milliard de DH d’indemnisation dans le cadre de l’assurance multirisque climatique pour les cultures céréalières et printanière», poursuit cet ingénieur aux trente années d’expérience sur le terrain. Pour lui, si certaines cultures se portent bien comme la culture oléicole, le principal indicateur demeure celui de la culture céréalière qui, autant le dire, a été très fortement impactée par les effets de la sécheresse. «Je qualifierais le Plan Maroc Vert par un éléphant aux pieds d’argile. Car à force de lorgner le marché international, il a fini par oublier le développement d’une agriculture moderne et durable, et des surfaces irriguées grâce entre autres à des technologies nouvelles comme le pompage solaire…» note-t-il.
2016 serait donc l’année de vérité pour les départements de ce ministère afin de revoir également leur copie en matière d’agrégation dont les avancées sont très limitées par rapport aux objectifs initiaux. En effet, la loi 04-12 relative à l’agrégation n’a pas encore réussi à fédérer les différents intervenants, ce qui explique d’ailleurs que l’Agence de développement agricole a pris son bâton de pèlerin pour vulgariser davantage les nouvelles dispositions de la loi qui se veulent moins contraignantes, notamment pour les petits agriculteurs. Sinon, tout prête à croire que le PMV n’atteindra pas son objectif de 961 projets d’agrégation, mobilisant 75 milliards de dirhams d’investissements et bénéficiant à quelque 540.000 agriculteurs à l’horizon 2020.


L’académique, un précieux outil d’aide à la décision
La communauté scientifique n’oubliera jamais les conditions dans lesquelles le PMV a été concocté par un bureau d’études américain, parce qu’elle n’y a pas été associée. «Aujourd’hui, ce n’est pas un luxe de dire l'importance du monde académique et de la recherche au département de l’Agriculture et les différents offices lancés, dans les conditions actuelles pour mieux analyser toutes les données, à profusion d’ailleurs, permettraient d’en extraire des actions applicables sur le terrain avec des résultats probants. Seule une approche intégrée permettra d’atténuer sûrement et durablement les effets des aléas climatiques sur le secteur agricole. À l’heure actuelle, au lieu de se focaliser sur le marché international, le PMV gagnerait à ériger la sécurité alimentaire du pays comme prioritaire ainsi que la modernisation des petites exploitations, et bien sûr les grandes. Sans cela, le secteur restera largement tributaire des caprices du ciel avec toutes les conséquences économiques et sociales que nous connaissons», conclut cet agronome.
En effet, cette question de sécurité alimentaire ne doit pas être sacrifiée à l’autel des exportations, surtout à une période qui connaît des tensions palpables sur les matières premières à travers le monde et sur un marché international aux prix très volatiles ! De ce fait, le PMV doit intégrer toutes les filières et pas seulement celles identifiées comme filières de croissance. A défaut, les exclus constitueraient un boulet pour le secteur qui laissera ainsi plusieurs milliers de fellahs en marge du développement de l'agriculture.
Aussi, le PMV est-il appelé à mieux activer son pilier II qui reste largement désavantagé par rapport au pilier I, et soutenir beaucoup plus le bas de la pyramide pour asseoir une base très forte du secteur en vue d’une croissance harmonieuse à tous les niveaux.
En attendant, l’année 2016 se poursuit donc sur fond d’inquiétudes des opérateurs et des agriculteurs dans une conjoncture particulièrement difficile !
Mais qu’à cela ne tienne, le PMV a encore quatre années devant lui avant d’aboutir, en espérant que sa gouvernance tirera les enseignements nécessaires pour rectifier le tir… tant qu’elle le peut.

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