ONEE : Le Conseil de la concurrence préconise un électrochoc

ONEE : Le Conseil de la concurrence préconise un électrochoc

Le Conseil de la concurrence a publié un avis majeur sur l’avenir du secteur de l’électricité au Maroc, proposant un traitement de fond pour restaurer l’équilibre financier de l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE) et poser les bases d’une compétitivité durable.

 

Par. A. Hlimi

 

Après avoir réussi le défi de la disponibilité, le Royaume doit désormais affronter celui du coût et de l’efficacité, estime le Conseil de la concurrence. Ce dernier rappelle dans un avis repris dans ses grandes lignes par le rapport annuel du Conseil, publié cet été, que les acquis enregistrés au cours des vingt dernières années ont permis au Maroc de garantir la sécurité d’approvisionnement et éviter les coupures fréquentes qui fragilisaient jadis son tissu économique.

Le programme d’électrification rurale globale (PERG), qui a bénéficié à près de 13 millions de personnes, a permis une généralisation quasi complète de l’accès à l’électricité. Le pays s’est également engagé avec constance dans les énergies renouvelables, devenant un acteur reconnu sur le plan régional grâce à des investissements massifs dans le solaire et l’éolien.

Ces réussites n’occultent cependant pas les limites d’un modèle qui montre désormais ses faiblesses structurelles. Le système électrique reste dominé par les énergies fossiles et par des contrats d’approvisionnement à long terme peu flexibles, qui pèsent lourdement sur la santé financière du secteur et sur celle de l’ONEE.

Selon le Conseil, l’organisation actuelle du secteur, marquée par une forte centralisation au profit de l’ONEE, ne garantit plus ni transparence ni efficacité. L’Office, présent à toutes les étapes de la chaîne de valeur - de la production à la distribution en passant par le transport -, cumule des dettes importantes et voit ses marges de manœuvre limitées.

Ces dettes se répartissent en trois grandes catégories. La première concerne les investissements coûteux engagés pour généraliser le service public, grevés par des tarifs administrés insuffisants et par le soutien croisé à l’activité eau potable. La deuxième est liée à des investissements stratégiques dans le transport de l’électricité. La troisième provient de la distribution, particulièrement en milieu rural, où les pertes techniques et financières sont significatives.

 

Recentrer l’ONEE sur le stratégique

Le Conseil propose une transformation profonde de la gouvernance du secteur. L’ONEE devrait être recentré sur ses fonctions stratégiques : planification, transport et gestion de l’équilibre offre-demande. Il serait progressivement allégé de ses activités de production et de distribution, confiées à d’autres acteurs.

Pour accompagner ce recentrage, le Conseil recommande la création d’une structure de défaisance chargée de gérer les dettes liées à la production, aux déficits tarifaires et aux engagements sociaux. Les dettes relatives à la distribution seraient, quant à elles, transférées aux Sociétés régionales multiservices (SRM), appelées à jouer un rôle central dans la gestion locale. La dette liée au transport demeurerait sous la responsabilité de l’Office, en tant que gestionnaire du réseau national.

 

Vers une ouverture à la concurrence

Dans cette nouvelle configuration, la distribution de l’électricité serait assurée par les SRM. Ces entités deviendraient des pivots régionaux, responsables de la collecte, de l’injection et de la distribution de l’électricité produite localement, notamment par les producteurs d’énergies renouvelables et les auto-producteurs.

La production, elle, serait majoritairement confiée au secteur privé, qu’il s’agisse de producteurs indépendants dans le cadre de contrats d’achat d’électricité ou d’auto-producteurs régis par la loi n° 40-19. Les contrats fossiles jugés non compétitifs et non amortis devraient être cessés immédiatement, moyennant une compensation financière unique prise en charge par la structure de défaisance. Les contrats avec des producteurs indépendants toujours rentables seraient en revanche maintenus pour préserver la sécurité d’approvisionnement.

Le Conseil propose également de prolonger certains contrats conclus avec Masen afin de réduire plus rapidement les coûts pour l’ensemble du système.

L’un des objectifs affichés est la réduction significative du coût de production de l’électricité. Actuellement estimé à environ 0,9 dirham/kWh, ce coût pourrait descendre à 0,6 dirham/kWh d’ici vingt ans, grâce à un recours accru aux énergies renouvelables et à une meilleure organisation du marché.

Le développement massif de l’autoproduction domestique, en particulier en basse tension, est identifié comme un levier clé. Le Conseil note que plus de 50.000 installations solaires existent déjà dans le secteur agricole, mais qu’elles restent largement sous-exploitées. Une régulation plus favorable pourrait transformer ce potentiel en atout compétitif, en faisant des consommateurs des acteurs producteurs de leur propre énergie.

L’avis du Conseil insiste sur la nécessité d’une vision de 20 à 40 ans, alignée sur les orientations royales. Cette transformation, en rendant le marché plus ouvert et plus efficace, permettrait au Maroc de mieux valoriser ses ressources renouvelables, de renforcer sa souveraineté énergétique et de réduire sa dépendance vis-à-vis des importations.

Le Conseil de la concurrence estime que l’adoption de ce nouveau modèle ferait de l’électricité non seulement un service public universel, mais aussi un moteur central de compétitivité économique durable.

 

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