5G : le Maroc prêt pour le grand saut

5G : le Maroc prêt pour le grand saut

Le compte à rebours est lancé. Après l’attribution en juillet dernier des licences 5G à Maroc Telecom, Inwi et Orange Maroc, le Royaume s’apprête à activer le levier technologique le plus attendu de la décennie. Derrière les chiffres, c’est tout un modèle industriel, réglementaire et territorial que le Maroc met en place pour entrer durablement dans l’ère du très haut débit.

 

Par K. A.

C'est une nouvelle ère qui s’apprête à s’ouvrir pour les télécommunications marocaines. Après avoir attribué, en juillet dernier, les trois licences 5G à Maroc Telecom, Inwi et Orange Maroc, l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT) s’apprête désormais à franchir la dernière étape : la publication du décret d’attribution au Bulletin officiel, condition préalable au démarrage commercial des services.

En effet, le lancement officiel de la 5G pourrait, selon plusieurs sources, coïncider avec le 6 novembre, date hautement symbolique marquant le cinquantenaire de la Marche verte. Tout a commencé le 11 juillet 2025, lorsque l’ANRT a lancé son appel à concurrence pour l’octroi des licences 5G. Cet appel s’inscrivait dans la stratégie «Maroc Digital 2030», qui vise à moderniser les infrastructures numériques du pays, renforcer la compétitivité technologique et favoriser l’inclusion digitale.

Deux semaines plus tard, le processus d’évaluation s’est achevé dans la transparence : les trois opérateurs historiques ont été retenus. «Le Maroc a fait le choix d’une régulation structurée et prévisible, fondée sur la transparence et la concurrence loyale», explique Salma Touzani, analyste télécoms basée à Casablanca.

«Cette méthode graduelle est ce qui distingue le Maroc de nombreux marchés émergents : elle permet d’assurer la stabilité des investissements et d’éviter le piège de la précipitation que d’autres marchés africains ont connu», ajoute-t-elle. Selon les résultats publiés sur le site de l’ANRT, Maroc Telecom (Itissalat Al-Maghrib) a obtenu une bande de 120 MHz pour un montant de 900 millions de dirhams TTC; Inwi (Wana Corporate) et Orange Maroc (Médi Telecom) se sont chacun vu attribuer 70 MHz pour 600 millions de dirhams TTC.

L’enveloppe totale atteint 2,1 milliards de dirhams, précise l’ANRT, et les licences ont une durée de validité de vingt ans renouvelables. Le régulateur impose également des engagements fermes : une couverture d’au moins 45% de la population d’ici 2026, et 85% à l’horizon 2030. Au-delà du ticket d’entrée, l’agence estime que le coût global du déploiement 5G au Maroc dépassera 80 milliards de dirhams d’ici 2035, en incluant les investissements en équipements, fibre optique, maintenance et énergie. Autrement dit, la 5G ne sera pas qu’un saut technologique : c’est un chantier industriel majeur.

Le Maroc en avance sur sa région

En procédant à cette attribution, le Royaume devance plusieurs économies régionales. Peu de pays africains disposent à ce jour d’un cadre réglementaire aussi complet : seule l’Afrique du Sud a réellement lancé ses services commerciaux à grande échelle. En Afrique du Nord, l’Égypte et la Tunisie sont encore à l’étape préparatoire. Avec cette décision, le Maroc consolide sa réputation de laboratoire numérique du continent.

L’ANRT, en concertation avec les opérateurs, a opté pour la bande 3,5 GHz, déjà utilisée par l’Union européenne et plusieurs pays d’Asie. Ce choix permettra d’assurer l’interopérabilité des équipements et une meilleure efficacité spectrale. Mais au-delà du positionnement régional, c’est surtout sur le terrain industriel que la 5G marocaine pourrait révéler tout son potentiel. Pour l’ANRT, la 5G n’est pas un gadget de confort numérique.

Le communiqué de l’agence, publié à l’occasion de l’appel à concurrence, parle d’une technologie à «très haut débit et faible latence, adaptée aux besoins de l’industrie, de la logistique, de la santé et de l’agriculture». Autrement dit, l’objectif est clair : faire de la 5G un levier de productivité et de compétitivité nationale. Dans les zones économiques du pays, les perspectives sont déjà tangibles. Les industriels voient dans cette connectivité ultra-rapide une opportunité d’automatiser davantage leurs chaînes de production, d’améliorer la traçabilité logistique et d’optimiser la maintenance prédictive. Les opérateurs, eux, y perçoivent un nouveau marché : celui des réseaux privés 5G, destinés aux grands sites industriels et aux zones portuaires.

Des défis technologiques considérables

Mais la 5G n’est pas un simple «upgrade» de la 4G. Elle repose sur des architectures entièrement repensées. Selon Touzani, «les opérateurs devront déployer des antennes massive MIMO, densifier leurs sites radio, et renforcer la fibre optique de backhaul entre les stations de base. Cette montée en puissance suppose également un cœur de réseau virtualisé (5G Core), capable de gérer dynamiquement la bande passante selon les usages. Comme dans la majorité des pays, les opérateurs amorceront leurs réseaux en mode non-standalone (NSA) avant d’évoluer vers une 5G pleinement autonome (SA)».

Autrement dit, la 5G marocaine se construira par étapes : d’abord technique, ensuite stratégique, avant de devenir un véritable catalyseur d’innovation à l’échelle nationale. Par ailleurs, même si les licences sont attribuées, la mise en service commerciale dépend encore de la publication du décret d’attribution au Bulletin officiel.

Sans ce texte, aucune offre 5G ne peut être légalement commercialisée. Cependant, plusieurs sources indiquent que les opérateurs sont techniquement prêts pour un lancement avant la fin de l’année 2025. Cette temporalité permet de calibrer les obligations de couverture, de vérifier la conformité technique des équipements, et d’ajuster les stratégies tarifaires. Cette phase transitoire ouvre la voie à un lancement maîtrisé. D’ici la fin de l’année, chaque opérateur devra valider ses scénarios de charge, d’interconnexion et de qualité de service avant l’ouverture commerciale.

«Le Maroc a tout intérêt à éviter un lancement précipité», observe Touzani, notant qu’«une 5G stable, bien calibrée, aura plus d’impact sur la confiance du marché qu’un déploiement hâtif.»

 

5G : Où en est le monde en 2025 ?
Selon les dernières données d’Ookla Research (février 2025), les déploiements 5G SA connaissent une accélération après un démarrage timide. L’Asie-Pacifique domine largement la scène mondiale, avec la Chine (77,1%), l’Inde (51,1%) et Singapour (37,5%) en tête du classement. Aux États-Unis, la 5G SA progresse rapidement grâce à la stratégie dite du «layer cake» de T-Mobile, combinant couverture nationale et performance élevée (388 Mbps de débit médian au T4 2024). En revanche, l’Europe accuse un net retard, seules l’Espagne et l’Autriche figurant parmi le top 10 mondial. Les réseaux 5G SA affichent des vitesses de téléchargement supérieures de 50 à 80% et une latence réduite de près de 25% par rapport à la 5G non-autonome (NSA). La Corée du Sud reste le pays le plus performant avec 746 Mbps de débit médian, tandis que les États-Unis dominent sur la diversité spectrale et la maturité du réseau. Selon la GSMA, environ 28 millions d’appareils seront connectés à la 5G en Afrique subsaharienne d’ici 2025, soit 2,7% du total des connexions mobiles. La plupart des usages seront d’abord orientés vers les entreprises et les zones urbaines (ex. Afrique du Sud), tandis que les gouvernements sont invités à accélérer le déploiement de la 4G pour préparer la montée en puissance de la 5G. Le taux de pénétration de l’Internet mobile sur le continent reste limité à 24%, mais pourrait atteindre 66% d’ici 2025, soit 483 millions d’utilisateurs.

 

 

 

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