La profession de l’intermédiation en assurance a de nombreux challenges, dont plusieurs sont portés par la Fédération nationale des agents et courtiers d'assurance au Maroc.
La protection du revenu de l'intermédiaire est érigée en priorité par la Fédération.
Entretien détaillé avec Farid Bensaid, président de la FNACAM.
Propos recueillis par Y. Seddik
Finances News Hebdo : Tout d’abord, comment a évolué le secteur de l’intermédiaire d’assurance en 2022 ?
Farid Bensaid : D’une manière globale, 2022 a été l'année post-Covid. Le secteur des assurances a enregistré une belle croissance supérieure à 9%, avec des primes émises qui ont atteint les 55 milliards de dirhams. Toutefois, pour les intermédiaires, la situation a été un peu plus différente. Certains ont toujours du mal à se relever après la crise sanitaire, puisqu’il y a eu notamment un manque de moyens financiers et une perte de clients qui n’ont pas pu être renouvelés. En somme, les gros intermédiaires ont pu amortir le choc, alors que ceux de tailles plus petites ont beaucoup plus souffert.
F.N.H. : Et pour cette année, comment l'activité démarre-t-elle ?
F. B. : Nous avons fait un renouvellement où il n’y a pas eu beaucoup de mouvements. Certains intermédiaires ont pâti de la sous-tarification de quelques compagnies d'assurances sur certains risques. Mais en général, la tendance demeure la même comparativement à 2022. Pour le moment, nous essayons de retrouver nos performances d'avant-Covid, et cette crise a laissé beaucoup de traces dans le secteur. D’autant plus qu’avec l’inflation qui touche actuellement plusieurs pans de l’économie, nous risquons de voir nos marges s'éroder davantage.
F.N.H. : Les nouvelles technologies et la distribution sont des sujets majeurs pour plusieurs secteurs. Comment appréhendez-vous ces sujets au niveau de la Fédération ?
F. B. : Le digital est un sujet sur lequel nous sommes en relation avec l’ACAPS. Certaines branches du secteur sont concernées plus que d’autres, particulièrement l’automobile. Je pense que la réglementation est en train d'évoluer assez rapidement pour que nous puissions faire des souscriptions et des ventes de bout en bout, malgré la problématique de la signature électronique qui persiste. Ou encore les problèmes du paiement et de la dématérialisation de l’assurance automobile. Bien évidemment, dans cette nouvelle configuration, le rôle de l'intermédiaire doit changer. Entre les compagnies d'assurances, l’ACAPS et la FNACAM, des discussions ont commencé sur la protection du revenu de l'intermédiaire qui risque d'être bypassé partiellement dans la vente, ne serait-ce que dans les contrats d'assurances automobile.
F.N.H. : En plus du digital, quels sont les principaux challenges auxquels fait face la profession ?
F. B. : La profession de l’intermédiation en assurance a de nombreux challenges, dont plusieurs sont portés par la FNACAM. Le premier est d’ordre financier : c'est le revenu de l'intermédiaire que nous essayons de préserver, voire de faire évoluer positivement parce que tous les intermédiaires ne s'en sortent pas forcément. Nous essayons donc de trouver des solutions pour protéger ce revenu. Des solutions sont possibles, notamment l’idée de permettre aux intermédiaires d’assurance d’aller sur des métiers annexes qui peuvent permettre à certains d’entre eux d'avoir des revenus complémentaires pour les aider à faire face à leur charge. Je peux citer les opérations de transfert de fonds, de paiement des factures ou encore de recouvrement des taxes et impôts… Pour nous, le point qui est très important concerne le problème de la TVA. C’est sans doute le combat de l’année.
Depuis quelques années déjà, nous essayons de convaincre le ministère des Finances et la DGI que c’est une TVA qui est indue. Nous ne devrions pas l'appliquer sur nos commissions étant donné que dans la prime d'assurance, elle-même, la TVA est calculée et réglée. Une taxe dans la taxe est une exception au Maroc. C’est un combat que l’on va encore porter lors de la prochaine Loi de Finances. Sa suppression permettrait en effet de donner une bouffée d'oxygène aux intermédiaires. Nous sommes également engagés pour que notre métier retrouve ses lettres de noblesse. En fait, notre vrai métier est l’assurance-conseil. C'est un métier à valeur ajoutée, qu'il faut mettre en avant. Nous ne sommes pas une simple boîte aux lettres ! Dernier point : nous nous efforçons au niveau de la FNACAM d'avoir beaucoup plus d'adhérents, pour pouvoir être en force de défendre l'intérêt de notre corporation.
F.N.H. : Quelles sont aujourd’hui vos principales attentes de la refonte du livre IV du code des assurances ?
F. B. : Pour l’heure, nous n'avons pas de visibilité sur cette refonte du livre IV du code des assurances, dossier qui est crucial pour nous. Il y a des sujets sur lesquels nous intervenons et sur lesquels nous avons engagé des discussions. Je cite par exemple la suppression de l'examen professionnel, essentiellement pour les agents. Pour notre part, nous nous posons la question de savoir si cela ne va pas toucher la qualité de service, la qualité du réseau… Il y a aussi le sujet des succursales que peuvent avoir les intermédiaires. Chose qui n'est pas possible aujourd'hui. Le traité de nomination des agents doit également être examiné au niveau du livre IV pour garantir les droits globaux des agents, notamment en proposant qu’il y ait un traité type rédigé par l’ACAPS. D’une manière globale, il y a plusieurs sujets d’importance capitale sur lesquels le code doit travailler, et notamment le volet digital.
F.N.H. : Qu’en est-il de l’apurement des créances dues sur les intermédiaires. Une solution a-t-elle été trouvée ?
F. B. : Il y a eu des propositions de protocoles entre les compagnies d'assurances et les intermédiaires qui n’ont pas été faits pour tout le monde, puisque les cas sont différents. A la FNACAM, nous pensons que le sujet n'a pas été pris à bras-le-corps. Nous n’avons pas de visibilité pour pouvoir aboutir à une solution pour le régler. Au niveau de la Fédération, nous avons impulsé une commission paritaire avec la FMSAR pour se pencher sur cette problématique. Nous avons tenu une réunion il y a quelques jours et la balle est dans leur camp. À notre niveau, nous avons fait des propositions concrètes pour essayer de faire avancer les choses. Il faut dire que c’est une problématique qui ne peut pas être traitée comme un couperet, mais plutôt il faut que chacun y mette du sien pour aboutir à une solution. D’ailleurs, lors de la prochaine rencontre de la FNACAM le 6 juillet prochain, l'un des deux panels va être dédié à la question de l’apurement des créances de recouvrement entre les intermédiaires et les compagnies d'assurances.