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Zoom : Plan d’ensemble sur le cinéma marocain

Zoom : Plan d’ensemble sur le cinéma marocain

Depuis l’intervention du cinématographe, notre pays a été filmé régulièrement par les cinéastes les plus prestigieux. Tout est au mieux dans le meilleur des mondes donc ? Pas sûr. Car comment expliquer que notre production cinématographique soit si insignifiante.

Par R. K. H.

Légende photo : «Razzia», by Nabil Ayouch, est allé… se faire voir ailleurs, même dans les salles mexicaines, où iI a recueilli un franc succès.

 

Une foire sans empoigne, en raison de la piteuse pâture, à quelques heureuses exceptions, qu’offre le cinéma marocain aux palais délicats de ses hôtes. Serait-on en droit de lui en tenir rigueur alors qu’il a eu pied dans la tombe ? Comble d’infortune, notre production, qui s’essouffle à en rendre l’âme, est embrumée. Pourtant, le Maroc constitue un champ propice à l’activité cinématographique. Cela, seuls les étrangers l'ont compris et depuis l’aube du 7ème art.

Chez nous, la qualité n’accompagne pas toujours la quantité. Débusquer une œuvre marocaine revient à chercher une aiguille dans une botte de foin. Au terme de la quête, nous sommes parvenus, en se donnant beaucoup de mal, à mettre la main sur quelques opus.

Ces six dernières années, nous avons juste eu 54 longs métrages. Et surtout de divines surprises. On en voudra pour exemples l'étonnant «Burn out (produit en 2016)» troussé par l’ondoyant Nour Eddine Lakhmari. Comment ne pas mentionner les sublimes «Razzia (en 2017)» et «Haut et fort (2021)», mijotés par l’inénarrable Nabil Ayouch ? Et de la même eau rafraîchissante, «Mica (2021)», d’Ismaël Ferroukhi. Enfin, le très émouvant «Adam (2019)», de Maryam Touzani, sans doute dopé par la prestation tonitruante de Lubna Azabal et au fil duquel Nisrin Erradi étala toute l’étendue de son charme.

Faute d’émules et sevrés de graves, les spectateurs se contenteront de ces merles là, qui ne sont pas, loin s’en faut, l’oiseau rare. Tout cela donne la mesure de la décrue progressive de la vitalité du cinéma marocain. Temporaire baisse ou prémices d’un déclin irréversible ? Difficile de trancher.

Du lot, en dépit de leur valeur intrinsèque, seuls les cinq auparavant cités emportèrent la conviction du public. Ce n’est pas l’inhabilité technique des cinéastes qui est en cause, mais les maladresses scénaristiques qui truffent les films.

Soit ! Les profonds travers de notre cinéma : insuffisance de producteurs «suicidaires», chose qui incite les réalisateurs à s'improviser; manque incompréhensible de scénaristes et de dialoguistes; rareté d'acteurs rayonnants, d'où l'omniprésence dans les films des Aziz Hattab, Meryem Zaïmi, Asmaa Khamlichi, ou Samia Akariou. Palliatif obligé : le cumul.

 

Un bon film !


Au premier chef, un bon scénario; rien de tel qu’une bonne histoire, contée dans les règles de l'art. Las ! Peu de gens savent raconter, d’autant plus qu’il y a cette confusion dans les esprits : un scénariste se prend souvent pour un écrivain. Un récit ou une nouvelle n’est pas systématiquement transposable à l'écran. Impossible à réaliser sur le plan filmique. Il arrive parfois qu'un scénario possède tous les atouts; il est cependant rejeté parce qu'il brode sur un fait historique, une aventure fantastique ou une épopée flamboyante. Autant de registres qui requièrent une technicité dont le producteur ne dis pose pas, et coûts mirobolants, auquel ce dernier ne peut faire face.

Produire un film marocain de fiction relève de l’aberration économique. Du coup, le producteur n’ayant pas la manne nécessaire pour la réalisation du scénario, le remanie. Ainsi, il ne préservera point son esprit. D’où l’obligation pour les réalisateurs qui cherchent à s’exprimer, de s’autoproduire et de s’autoproclamer «Producteurs».

Quand le scénariste écrit, il faut qu'il pense à l'image, mais pas au coût de la conversion de son œuvre en film. Car, pour produire un film, tout le monde aujourd’hui le sait, il faut de l’argent. Il n’y a tout simplement pas lieu de parler d’industrie locale s’il n’y a pas d’investissement.

Le budget investi dans le cinéma marocain est ridicule face aux sommes englouties dans les réalisations étrangères, qui font souvent plus de 300 fois celui du marocain, dont le budget moyen oscille autour de 2,5 MDH.

Nous aurions aimé recueil lir la version de la Chambre marocaine des producteurs de films (CMPF) sur ce ténébreux handicap qui s’ajoute à ce mal aussi étrange qu’incu rable dont pâti notre cinéma, mais nous nous sommes heurtés à un mur. Que ceux qui souhaitent voir clair dans ce débat s’arment de patience, en attendant que la CMPF accepte de mettre fin à son mutisme. Cela ne pourrait que servir la cause du cinéma marocain.

Malgré tout ce pessimisme, le cinéma marocain continue, vaille que vaille, d’exister et de rêver à des lendemains meilleurs pour nous faire vivre nos rêves et nos émotions à travers Nabil Ayouch et bien d’autres… Après tout, pour quoi serions-nous obligés de rêver seulement en américain ? 

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