Il est des photographes qui exercent leur métier de manière engagée, avec le cœur sur l’objectif.
Le cliché, splendide certes, est d’une beauté trompeuse, prenant parfois une allure de fiction ou de mise en scène sophistiquée. Pourtant, rien n’est fabriqué. On est frappé par la mélancolie du visage cadré-serré, de l’être faible.
Si l’atmosphère est lourde dans la prise -insolite-, elle s’avère tout aussi pesante pour le photographe de cœur. Les ravages de l’immigration, on les devine parce qu’on voit toutes les miettes. Courageux, Tarek Ananou partage par le biais de son art quelques moments de réalités dures, l’angoisse particulière d’un enfant sans aucune assistance.
Le visage raviné, griffé et meurtrie. Les blessures du sujet cadré sont toujours mises à nu. On entrevoit dans son regard une lueur d’espoir. Le résultat est saisissant. Viscéralement remué, le portrait est si juste qu’il résonne en nous. La «mal-vie» de cet enfant en quête constante de «bonheur» devient la nôtre, le temps d’un regard compatissant.
Tarek nous rapporte que lorsqu’il a commencé ce travail, il a tout simplement voulu «immortaliser certaines scènes, circonstances ou réalités que tout le monde trouve, même devant chez lui, et qui refuse de les observer. La photographie constitue donc, pour moi, un témoignage dans lequel je mets en valeur les indigences qu’on n’aimerait pas entrevoir».
Tarek Ananou focalise son objectif sur une certaine détresse, sous toutes les formes qu’elle peut prendre. Il plonge dans les petits enfers divers, lot des damnés de la vie. C’est ce qui fait courir ce militant qui jette à la face de la société ses défaillances, à coup de photos-missiles mettant en scène les enfants de rues et les immigrés clandestins. Tant bien que mal immortalisés avec amour.
« Je n’aime pas qu’on les désigne par Chamkara et Haraga, car ce sont des Personnes - des êtres humains-, qui font partie de notre quotidien. Ils ont des sentiments, ils respirent, écoutent et parlent... Ces gens-là m’ont beaucoup aidé à comprendre certaines choses. Non seulement sur la société, mais aussi sur moi-même. Tout ce que je voulais faire pour eux -les aider-, ils l’ont fait pour moi !», rappelle Tarek.
Capteur de vies, des rêves sur les frontières…les sujets n’ont pas fière allure et sont loin de nager dans le bonheur. Tarek Ananou met en scène ces enfants de rues privés d’avenir, et porte un regard révolté sur eux.
Les clichés de Tarek tentent d’explorer les ressorts du désenchantement et le désir d’émigrer qui agite la jeunesse marocaine, voire africaine. Tarek Ananou ne fait que refléter une sombre réalité à travers des photos qui refuse tout effet de masque. Son monde en noir et blanc est un prisme sans spectacle. Pas de quoi séduire le quêteur d’exotisme. Autant que le regard est franc et direct. Chargé d’émotion, pétri de générosité, débordant d’humanité. Notre photographe a le cœur sur l’objectif.
Par R. K. H.