«Parfois, alors que je suis endormie, je vois comme des flashs, des faisceaux de lumière qui viennent estomper mon regard. Comme si, en plein sommeil, je rêve tout en ayant l’impression, la sensation, la certitude qu’une partie de moi reste éveillée. Je me vois en train de rêver. Et, quand je me réveille, je vois les choses autrement. Au travers de ce mi-rêve, mi-éveil, je constate que mon univers de femme, parmi les femmes, subit des électrochocs, par intermittence mais à cadence régulière, chronométrée à la millionième seconde près», lit-on.
Elle cherchait l’air, elle suffoquait, elle était roulée par des vagues d’angoisse. Certes, au fond du regard, il y a une étincelle de vie. Ce n’est guère le regard d’une morte. Malgré qu’elle eût longtemps cru qu’elle l’était. Elle n’est pas morte, en effet, elle nous a survécu ! Et ce qui a failli la détruire il y a longtemps, devrait être sa force aujourd’hui. Il lui faut, néanmoins, des années et des années pour qu’elle retrouve son souffle, l’usage de ses bras, de ses jambes, et qu’elle se remette.
Le diable est dans les détails et Najib Bensbia sait où il cache le bout de sa queue. Sa nouvelle publication est fine, cruelle et complexe, d’autant qu’il revient, non seulement avec un goût certain pour les faiblesses, mais aussi avec du piquant, sur la vie émaillée de drames et des turbulences des femmes. Cette création divine dotée de beauté, d’intelligence et de bon sens.
Ecrit avec une plume poétique, solaire et mystérieuse, «Lettre à mon homme» est un récit qui revient sur le statut de la femme marginalisée, répudiée à travers les âges de la civilisation humaine. Parce que justement, désarticulée par la toute-puissance masculine qui, à travers l’histoire, s’est évertuée - et continue - à se tailler la part du lion sans cesse et sans relâche.
Au fil des pages, la femme; l’amie; l’amante; l’épouse; la sœur ou même la fille, jette à la face de l’homme, mochement macho, ce qu’il a fait depuis l’aube des temps à l’encontre de la gent féminine.
Il ne s’agit pas tant pour Najib Bensbia, ici, de mener la quête du passé, mais davantage de s’efforcer d’en dénoncer les enchevêtrements.
«Lettre à mon homme» est un texte emblématique qui se révèle, par ailleurs, une métaphore du malaise de toutes les femmes du monde, quelles que soient leurs religions, leur culture, leur appartenance...saisies par la mélancolie et la dépression quand elles s’aperçoivent que leur condition, privée de tout droit, s’avère factice.
«Lettre à mon homme» est un texte qui tombe juste, autant qu’il sonne juste.
(«Lettre à mon homme», de Najib Bensbia. Roman, Orion éditions, Juillet 2020)
Par R.K.H