Jeudi 8 septembre, le consulat de France, suite à des refus, a enfin délivré les visas à la troupe de théâtre Jouk Attamtil Al Bidaoui, trois jours avant leur spectacle, Kabareh Cheikhats, programmé au Festival Arabesques, à Montpellier. Récit de rebondissements.
Par R. K. H.
Photo © Fadel Senna
«Nous sommes attendus, dimanche 11 septembre, à Montpellier. Mais tous les interprètes se sont heurtés à des refus de visa, excepté moi (…) Seulement un dossier fut accepté, alors que nous leur avions fourni les mêmes pièces justificatives», fait savoir Ghassan El Hakim, le metteur en scène. C’est curieux ? Et, ce n’est pas si bizarre que cela en a l’air.
Le consulat, procède-t-il selon des critères objectifs, précis, connus ? La troupe ne pense pas que leur action soit sous-tendue, dans ce cas, par une quelconque logique ni qu’elle soit conduite avec un souci d’objectivité. «Pourquoi donc ses refus ?», se demandent l’ensemble des comédiens.
Frustrations
En adressant leur demande de visa, ils connaissaient déjà ce qui les attendait. Ils n’en menaient pas large et se préparaient à faire leur deuil. C’est ainsi qu’ils décident de publier, sur la chaîne YouTube de la troupe, une magnifique vidéo de 6 minutes et 40 secondes - une mise en scène très cynique - pour dire leur peine de ne pouvoir jouer ailleurs. «On ne pourrait mieux résumer l’état d’esprit dans lequel nous nous trouvons.»
Un bureau pour tout décor, devant lequel défilent les candidats - Cheikha Houria Lâouma, Cheikha Warda Lahadaouia, Cheikha Lankoun, Cheikha Tam, Cheikha Ouitka, Cheikha Cannes et Colonel Boutankit - au voyage : une engoncée dans ses frustrations; l’autre veut y aller uniquement pour travailler; celle qui fixe seulement des yeux la préposée…et pour couronner le tout, celle qui ne parle pas aussi, mais ne fait que danser en agitant les bras.
Le texte est drôle. Le discours est précisément calibré. Le langage peut paraître cru. Avec une ironie mordante, nos «provocateurs et briseurs de tabou» dénoncent, entre les lignes de la vidéo, l’absurdité des règles mises en place. L’aberration des rejets de demande de visas apparaît dans toute sa limpidité dans les propos châtiés des comédiens.
«Il ne faut pas se voiler la face, la situation au niveau des visas est conflictuelle… il était bon d'aborder le sujet.» Jouk Attamtil Al Bidaoui n'avait voulu au départ que «rigoler un peu», pour conjurer la frustration qu'il ressent.
Le consulat a joué avec les nerfs de la troupe. Après bien des tergiversations, on lui a refusé ses demandes de visa pour, finalement, être acceptés. Coup de théâtre : «A ma surprise, le consulat m’appelle un matin, j-3 avant notre show, pour m’informer que la troupe pourrait finalement se rendre expressément à Montpellier pour présenter leur spectacle».
Situation ubuesque ou kafkaïenne ?
Les deux. Ubuesque si l’on considère le côté systématique et arbitraire des refus de visa opposés aux demandes d’artistes invités sous d’autres cieux, le lot d’humiliations qu’il leur faut endurer, le coût des visas refusés et des billets d’avion perdus, le temps passé par les artistes et les programmateurs qui les accueillent pour trouver une personne susceptible d’intervenir en cas de refus. Kafkaïenne dans la mesure où le nombre de papiers à fournir est à la discrétion des consulats et change au cas par cas, obligeant artistes et programmateurs à passer le plus clair de leur temps à régler les problèmes de visa.