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«Lumière sur lumière» : Les métamorphoses artistiques de Sara Ouhaddou

«Lumière sur lumière» : Les métamorphoses artistiques de Sara Ouhaddou

Le Comptoir des Mines Galerie clôture l'année 2023 en dévoilant l'exposition tant attendue de l'artiste Sara Ouhaddou : Lumière sur lumière.

 

Née en 1986 et évoluant entre la France et le Maroc, Sara nous plonge dans un univers artistique polymorphe à travers lequel elle explore les défis auxquels font face les artisans marocains, interrogeant l'art en tant qu'instrument de développement économique, social et culturel, notamment dans le monde arabe.

 

«Le travail de Sara Ouhaddou s’inspire à la fois de pratiques spirituelles, d’imaginations intuitives et d’une recherche sur les enjeux profonds de la catégorie de ‘’tradition’’. C’est un travail sur les continuités de la création, à l’échelle mondiale : l’artiste a produit en 2017 une pièce pour la ville de New York, une commande publique dédiée à l’histoire du quartier de Little Syria, elle se préoccupe aujourd’hui d’ ‘’histoires d’objets’’ entre Japon et Maroc»,  avance la curatrice, critique d’art et enseignante de l’Histoire de l’Art, Eva Barois De Caevel, à l’occasion de la nomination de l’artiste pour le Prix Aware, 2021

 

À travers cette exposition, Sara met en lumière la mutation de son héritage en juxtaposant les arts traditionnels marocains avec les codes de l'art contemporain, offrant ainsi une perspective unique sur des réalités culturelles souvent négligées. Sa démarche artistique, bien loin de la simple préservation des savoirs-faire en péril, vise à les adapter et à les faire évoluer. Chaque œuvre devient ainsi une célébration de la collaboration patiente, une préservation créative des traditions menacées, éclairant le chemin vers un dialogue intemporel entre deux mondes en perpétuelle transformation.

 

Scripts et Calligraphie : Une œuvre circulaire majestueuse

À la demande du Ministère de Culture d'Arabie Saoudite, Sara Ouhaddou propose une œuvre circulaire majestueuse en verre coloré et bois suspendue, projetant un prisme linguistique vibrant.

Organisée par le ministère de la Culture d'Arabie saoudite, Scripts et Calligraphie est une exposition temporaire qui se tient tous les deux ans depuis 2021. La première édition, intitulée Scripts et Calligraphie : Un voyage intemporel, qui s'est tenue au Musée national d'Arabie saoudite à Riyad, a présenté les origines de l'écriture arabe et le développement de l'art de la calligraphie. Elle a rendu hommage à des maîtres calligraphes saoudiens et internationaux, à des artistes contemporains et à des designers, et a mis en lumière la relation artistique entre la calligraphie et l'intelligence artificielle, démontrant ainsi l'intemporalité de la calligraphie arabe et son voyage sans fin vers l'avenir de l'art.

 

«Script and calligraphy», Madina art center, Arabie Saoudite, 2023.
 

Réimaginer l’artisanat de demain

En écho à la tendance qui interroge, au Maroc comme ailleurs, la relation entre art et artisanat, l’exposition «Hirafen» en banlieue de Tunis imagine ce que pourrait être l’artisanat de demain. Une collaboration inédite entre artistes contemporains et artisans de la fibre et du textile en Tunisie.

Sara Ouhaddou part à la recherche des secrets de fabrication de la tente nomade présente dans le sud tunisien. Redécouvrant la technique oubliée du Flij permettant de tisser, à même le sol, à partir de fibres naturelles de poils de chameaux, de chèvres ou de moutons, elle érige une architecture sensible ouverte aux quatre vents dans laquelle les matériaux naturels se mélangent à des teintures industrielles, en provenance de Chine.

 

«Hirafen», Tunis, Tunisie, 2023.

 

Dialogues entre deux mondes en perpétuelle transformation

Sara Ouhaddou vit et travaille entre la France et le Maroc, abordant les défis auxquels sont aujourd’hui confrontées les communautés d’artisans. Elle étudie, avec elles, de quelle manière l’art peut être utilisé comme un instrument de changement économique, social et culturel du monde. Elle place au cœur de ses recherches la complexité de la construction des symboles par nos sociétés. L’étoile est ainsi le sujet d’une étude qu’elle a menée au Maroc puis dans l’ensemble du monde arabe. Symbole également très présent en Amérique, Sara Ouhaddou poursuivra cette recherche dans une approche comparative des usages sociaux et politiques de l’étoile entre les États-Unis et le monde arabe. Dans le cadre de sa résidence à la Villa Albertine elle se rendra à Houston, ville du «Lone Star State», à Los Angeles, berceau du mythe hollywoodien et ira à la rencontre des Américains, collectant les traces parmi eux de la puissance de ce signe.

 

«La villa albertine», Houston, Los Angeles, 2022.

 

Une production et un discours sur les formes, sur leur retour et leur puissance tout autant que sur leur histoire, dans toutes ses dimensions politiques et économiques. Ses protocoles de travail impliquent ainsi, presque toujours, le recours à un·e tiers, artisan·e de profession. C’est un travail en commun, effectué dans le lieu de l’artisan·e. Les œuvres produites sont des tapisseries, des céramiques, des bijoux, des vitraux, des alphabets inédits ou encore des artefacts qui miment les vestiges qu’on peut trouver dans les musées.

 

Entre tradition et contemporanéité

Sara Ouhaddou questionne le rôle de l’art comme outil de développement économique, social et culturel, tout particulièrement dans le monde arabe. En nous faisant partager ses interrogations sur les transformations de son héritage, elle met en tension les arts traditionnels marocains et les codes de l’art contemporain afin de mettre en perspective les réalités culturelles oubliées.

 

En résidence à FRAEME, à Marseille, durant quatre mois, en 2019, elle poursuit ses recherches sur l’histoire des alphabets, révélatrice de celle des identités et des développements – voir des remplacements – successifs d’une civilisation par une autre. Elle se penche sur l’histoire de Marseille, s’intéressant aux passages peu connus et aux objets retrouvés dans les différentes fouilles archéologiques de la ville et ses alentours, qui introduisent un doute ou déconstruisent les histoires complexes de la ville.

 

Biennale manifesta 13, Marseille, France, 2020.

 

«Je voyage beaucoup pour rencontrer des gens, voir ce qu’ils font. Je m’intéresse particulièrement aux ruralités, aux gens qui continuent à produire des objets du quotidien d’une façon traditionnelle, ou parfois qui travaillent en direction du marché touristique. Si ce qu’ils font m’intéresse, je les invite à réfléchir avec moi, par exemple à se demander pourquoi cet endroit est figé, pourquoi il ne bouge pas depuis des années et des années. A partir d’un moment, on réfléchit ensemble à des protocoles ou à la création d’outils autour d’une œuvre. L’œuvre devient la preuve des outils que l’on a développés. Lorsque je parle d’outils, ce sont des outils matériels mais aussi immatériels, des outils que j’appelle de création d’autonomie, d’émancipation. Dans ce processus, j’apprends. Ce qu’en échange je leur apporte, ce sont des outils que l’on crée ensemble et dont ils peuvent se servir par la suite de manière complètement autonome. Il y a des endroits où ça n’a pas du tout marché. Dans d’autres cas, ça fonctionne au contraire très bien. Ce qui m’intéresse, c’est de trouver comment des populations complètement dépendantes du système peuvent devenir autonomes», explique Sara Ouhaddou dans une interview avec Jean-Philippe Cazier pour Diacritik (2021).

 

Géométrie islamique et formes modernes

Dans le cadre de sa résidence à New York, Ouhaddou adapte ses explorations antérieures dans le domaine du textile et des carreaux de céramique, mais aussi du verre.

Imprégnée d'une forte signification spirituelle et culturelle, la géométrie islamique constitue un langage culturel de longue date utilisé dans l'artisanat, l'architecture, l'habillement et l'art à travers le monde islamique. Motivée par la curiosité d'adapter ce langage visuel à des formes modernes, ainsi que par le désir de soutenir les techniques artisanales traditionnelles qui risquent d'être oubliées dans la société marocaine contemporaine, Ouhaddou a entrepris de collaborer avec des artisans et des femmes dans son pays d'origine. Elle a ainsi créé des modes de dialogue entre les artisans et soutenu des micro-économies.

 

«Dans une société américaine de plus en plus polarisée, comme dans une société arabe où les écarts idéologiques se creusent, je souhaite dénouer les opinions complexes liées au nationalisme et à la peur du pluralisme dans un effort de transcender les divisions locales et mondiales. Pour ce faire, je vais documenter le symbole de l'étoile et ses multiples rôles dans la société américaine. J’irai à la rencontre des populations de plusieurs villes au Texas et à Los Angeles. À travers la documentation de celui-ci : photographie, film, interview, collecte d’objets... Je dresserai un tableau de la politique contemporaine et conflictuelle de ces deux régions du monde, sous un nouveau prisme. J’envisage ce voyage comme un miroir où ces deux territoires du monde se croisent à des endroits insoupçonnés, l’étoile pour preuve », dit-elle à Arnaud Laporte pour Radio France (2023).

 

 

Palmarès
Son travail a rayonné dans des expositions d'envergure à travers le monde, parmi lesquelles : Connectivité au Mucem à Marseille, La trilogie marocaine 1950-2020 curatée par Abdellah Karroum et Manuel Borja Villel au musée national Reina Sofía à Madrid, QALQALAH: plus d'une langue curatée par Virginie Bobin et Victorine Grataloup à la Kunsthalle de Mulhouse et au CRAC de Sète, Déracinement au Z33 à Hasselt, Manifesta 13 à Marseille, Global(e) Résistance curatée par Christine Macel, Alicia Knock et Yung Ma au Centre Pompidou à Paris, et Notre monde brûle curatée par Abdellah Karroum au Palais de Tokyo à Paris.

 

 

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