Difficile que de faire le choix d’une exposition plutôt qu’une autre tant les propositions pour un été arty sont nombreuses. L’une des plus alléchantes aura lieu du 25 juin au 25 août dans la sublime galerie Kent, à Tanger. Faouzi Laatiris, Batoul S’Himi, Kenza Benjelloun, Mounir Fatmi et Abdelkrim Ouazzani s’y installent pour s’exprimer, à travers une dizaine d’œuvres inédites (peintures, sculptures, installations, photographies et vidéos), sur la problématique du voyage.
Par R. K. Houdaïfa
Primo. Il convient de commencer par rappeler que de tout temps, le voyage a fasciné l’Homme. Sa réalisation provient d’un désir profond d’évasion et de découverte. Les artistes le représentent de manière imaginaire, réelle ou métaphorique, selon les thèmes abordés : sur la route, entre les deux rives, d’un monde à l’autre… Cependant, à l’heure où le déplacement «nous est actuellement empêché, ou en tout cas dont l’accès nous est terriblement restreint, tant par la pandémie que par les politiques européennes de visas», #Lmn’art (comme le Manar : le phare -ndlr) est une expo qui, concoctant un panel de fleurons des plus enchanteurs et des plus dérangeants de la création contemporaine, nous invite à relire le voyage d’une manière délicate, légère et sensuelle.
Secundo. Il n’y aurait pas lieu de s’étonner sur le choix du titre donné au rendez-vous. Indubitablement, il doit son nom à la sentinelle qui vogue sur le promontoire tel un bateau ivre, contre vents et marées, veillant sur la mer d'un œil vide et blanc pour éclairer la corniche, afin d’aider à la navigation en prévenant les marins croisant au large des dangers des rochers de la côte… Ainsi, si Aziza Laraki, la maîtresse de céans et le commissaire de l’expo, Omar Saadoune, ont opté pour le mot «Manar», c’est uniquement pour la fonction de ladite «chose». Car, quelle est la fonction d’une œuvre d’art si ce n’est nous aider, guider ou du moins inviter au voyage.
«#Lmn’art nous montre le chemin à emprunter pour nous évader», moyennant un nuancier assez élargi, ô combien puissant qui capte le regard. Une pure exaltation des sens s’ajuste à la contemplation du Burak à l’effigie d’Ibn Batouta de Faouzi Laatiris, des autocuiseurs et des Butagaz découpés de Batoul S’Himi, de l’effigie de l’Afrique dépouillée ou des baisers magrittiens interdits de Kenza Benjelloun, de la vidéo d’art From where comes the wind de Mounir Fatmi et du gentil monstre sacré d’Abdelkrim Ouazzani qui apporte une touche fantaisiste à #Lmn’art. Ici, on passe de la poésie à l’absurde en moins de temps qu’il n’en faut pour dire «Waow !», tant les univers, faits de contresens et de polysémies nous entraînent dans un tourbillon aussi délirant que juste jouissif.
«Mais les vrais voyageurs, selon Baudelaire, sont ceux-là seuls qui partent pour partir.» Sur ce, nous vous souhaitons un très beau voyage !
* Du 25 juin au 25 août 2021, Gallery Kent, 19 rue Jabha Watanya. Tanger