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Le marathon d’une galeriste

Le marathon d’une galeriste

Méticuleuse, précise et organisée. Aziza Laraki est une personne comblée qui se dépense sans compter pour l’art. Entretien sans détour.

 

Propos recueillis par R. K. Houdaïfa

 

Finances News Hebdo : Pouvez-vous présenter Gallery Kent ?

Aziza Laraki : Gallery Kent a été ouverte à l'automne 2017 dans un espace légué par mon père et dans lequel je tenais à perpétrer son esprit et sa vitalité d'entreprendre. Les premiers mois, j'en ai fait un lieu où meubles, design et tableaux cohabitaient harmonieusement. Puis, en juillet 2018, j'ai décidé de faire le grand saut en dédiant exclusivement Gallery Kent à la peinture et à la sculpture en accueillant une exposition consacrée à Selfati.

 

F. N. H : Qu’est-ce qui vous a amené à créer une galerie d’art ?

A. L. : L'art est «une maitresse exigeante» qui remplit mes jours et mes nuits. Mais grâce à mon mari, à mes enfants, je garde les pieds sur terre, même si souvent ma tête est dans les étoiles !

 

F. N. H : Quels sont les artistes que vous avez choisis dès les premières expositions ? Quel caractère ont-ils de particulier ?

A. L. : Selfati, Tangérois avec une carrière internationale, Madrane, de Berkane, avec une formation en France et une démarche sociétale, Nadia Chellaoui, Omar Saadoune, Mahi Binebine, Fouad Bellamine, El Haitout, Tnana, Amina Rezki.., sont autant de compagnons de route qui, chacun à sa manière, déclare que l'art interpelle, l'art dénonce, l'art dérange et qu'il est essentiel à toute société digne de ce nom !

 

F. N. H : Et comment déniche-t-on de nouveaux artistes ? Quelles sont vos grandes lignes de choix ?

A. L. : Se tenir au courant de ce qui se passe au Maroc, en Espagne, en France permet de découvrir des talents. Mais également certains viennent spontanément, dans un mouvement de va et vient fructueux. A chaque fois, un coup de cœur, une même longueur d'onde qui permettent de travailler ensemble.

 

F. N. H : Et comment travaillez-vous avec les artistes que vous représentez ?

A. L. : Chaque artiste est écouté, chouchouté, une relation de confiance s'établit.

 

F. N. H : Qui fixe le prix d’une œuvre ?

A. L. : Le prix des œuvres est établi de concert, en fonction également du contexte tangérois.

 

F. N. H : Quel bilan faites-vous depuis l’ouverture de Gallery Kent ?

A. L. : Le marché de l'art dans la ville du Détroit n'a rien de comparable avec Casablanca ou Marrakech. C'est d'ailleurs ce qui fait son originalité, son attractivité; et à cela s'ajoutent quelques collectionneurs avisés.

Le bilan actuel, malgré la crise liée à la Covid-19, est largement positif. L'audace, l'atypisme assortis d'une certaine sensibilité ont permis de belles rencontres, d’acquérir une certaine notoriété, de fidéliser des artistes et de pérenniser des évènements tels que l'exposition consacrée à des femmes-peintres au moment du 8 mars, et INBA Génération mettant en scène des lauréats de l'Ecole des Beaux-Arts de Tétouan, en partenariat avec l'Institut Cervantès.

 

F. N. H : A quel niveau vous différenciez-vous des autres galeries ?

A. L. : Chaque galerie à Tanger qui a pignon sur rue a ses particularités et représente une mosaïque dans la constellation. Gallery Kent est orientée vers l'art contemporain et l'expérimentation, de temps à autre, de techniques parfois insolites.

 

F. N. H : Ne trouvez-vous pas que nos artistes ne sont pas surfaits ?

A. L. : Je ne pense pas que nos artistes ici au Maroc soient surfaits. Chacun apporte son univers, son vécu et c'est au galeriste de remettre les choses en perspective. Il est un amoureux de l'art, mais il est également soucieux de vendre dans l’intérêt des deux parties. Il est à la charnière de deux mondes et doit préserver un équilibre fragile.

 

F. N. H : Comment voyez-vous l’avenir des arts au Maroc ?

A. L. : Le Maroc est porteur d'un dynamisme extraordinaire. Des lieux consacrés à l'art s'ouvrent de plus en plus; les privés, les institutionnels, le Nord, Rabat, Casablanca, Marrakech sont autant de lumières dans la galaxie. Mais l'art contemporain est si jeune au Maroc; un demi-siècle d'émancipation face à l'orientalisme où on l'avait enfermé.

 

F. N. H : Qu'est-ce qui rend réellement heureuse Aziza Laraki, la galeriste que vous êtes ?

A. L. : Ce qui me rend heureuse ! Un chemin relativement court mais bien rempli, la certitude de nouvelles rencontres, des soirs de vernissage où le public est de plus en plus nombreux et qui, malgré les contraintes sanitaires, est au rendez-vous. Une petite équipe motivée et dévouée qui m'entoure et le désir de voir vibrer les murs au rythme de l'inspiration des artistes.


 

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