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La techno : une musique ultra bruitiste mais phénoménale

La techno : une musique ultra bruitiste mais phénoménale

Longtemps enclose dans des ghettos futuristes, la techno, musique électronique des années 80, secoue ses fers, déferle sur les ondes et règne sans partage sur les boîtes à la page. Voyage dans la technosphère.

Par R. K. H.

 

Bpm, rave, sampler… il y a quarante ans ces termes paraissaient chiffrés, aujourd’hui, ils sont usuels. Entre-temps, le domaine duquel ils ressortissent, la techno, n’est plus confiné dans les marges, il est devenu un phénomène de société. Qui pourrait encore faire la sourde oreille à cette mode musicale ?

D’ailleurs, la techno n’est plus seulement une mode, c’est une lame de fond : le 13-14 et 15 septembre 2019, plus de six mille de ravers se sont retrouvés sur le Fellah Hotel à Marrakech pour l’Oasis festival; près de 3000 personnes ont pris part à la troisième édition du Moga festival, à Essaouira. Colossal !

A sa naissance, au milieu des années quatre-vingt, la techno se présentait telle une collision du funk noir américain et de la pop synthétique européenne. Trois givrés en sont les créateurs : Derrick May, Juan Atkins et Kevin Saunderson. Un cinglé DJ en est l’inspirateur. Charles Johnson, qui, dans ses émissions radiophoniques, s’amusait à mêler Jimi Hendrix et kraftwerk, les B 52’s et Depeche Mode. Le trio de Detroit fut emballé par ces mélanges indus. Il en fit le principe directeur de sa musique.

Pendant ce temps à Chicago, un DJ fantasque, Frankie Knuckles, passait le plus clair de son temps à mixer disco et new-wave européenne. De jeunes Djs noirs lui emboîtèrent le pas : la house (contraction de Warehouse, un club chic et choc de Chicago) vit le jour. L’Angleterre fut la première à entrer dans la technosphère, l’Allemagne fêtera la chute du Mur au son de l’acide house, les fêtards belges s’encanailleront au rythme du new beat, les boîtes françaises select se laisseront emporter dans le flot de la pulsation et des basses telluriques.

 

House / Techno

Les deux vocables sont synonymes, mais le second tend à prendre le dessus parce que cette vogue musicale est beaucoup redevable à la révolution technologique. Pour s’y évertuer, les férus(es) avaient juste besoin d’«un séquenceur, un sampler et quelques bons disques… Faire de la house, c’est du Fisher Price ! En quelques semaines, t’as compris le truc et tu peux réaliser tes premiers morceaux», assure Etienne de Crécy, un DJ et producteur français de musique électronique ainsi que de trip hop. Son matériel : une bagatelle ! «Avec cette musique, tu peux tout faire à la maison, et presser ensuite quelques centaines de vinyles de tu déposes directement dans les magasins spécialisés. C’est comme ça qu’on a court-circuité le schéma traditionnel de la production». Du tout cuit. Le technopportunisme est en marche.

Qu’importe ! Musique machinique, inventée par des jeunes noirs américains séduits par les rythmes robotiques européens, la techno attire dans ses filets bioniques des hordes de technoïdes. Leur âge vacille entre 17 et 25 ans, leur look varie des seventies kitschisantes au Lycra moulant, avec incursions paramilitaires de treillis larges et d’Ellesse, la marque de rangers en vogue.

Le culte qu’ils rendent à la déesse techno consiste à «transer» furieusement dans un espace clos, autour duquel tournoient quinze kilowatts de son, au milieu d’un jeu de lumières psychédéliques. Délirant ! «Si tu veux, le truc de la techno, analyse un Dj, c’est la communication à travers la communion. La puissance du son fait qu’on ne peut pas se parler, alors on communique par des signes, des sourires, et on jumpe, parce que ça court-circuite l’intellect pour passer direct dans le corps, après une semaine de boulot où t’as fait que bouffer du discours».

Communion, communication. Les accros de la techno seraient, en quelque sorte, des hippies technologiques. La thèse est partagée par beaucoup de sociologues qui regardent cette vogue comme une résurgence du «baba-coulisme» des années soixante. Avec en surcroît, Internet et science-fiction. En tout cas, la musique électronique gomme indéniablement les frontières géographiques, raciales et culturelles. Ce par quoi elle tendrait vers l’universel. Pourquoi ne pas y voir une réaction instinctive à la folie «ethnique» ?
N’en déplaise aux contempteurs, la techno propose un message spirituel, qu’un étudiant résume ainsi : «Chacun s’est mis à projeter ses phobies ou ses utopies sur ce mouvement. De l’extérieur, on y voit le signe d’une société robotisée, déshumanisée, menacée par l’individualisme, la drogue et toutes sortes de perversions. Pour les ravers, au contraire, c’est l’espoir d’une société moderne, fraternelle et pacifique, qui ne serait plus uniquement gouvernée par l’argent».

En un mot, la techno est une contre-culture.

 

Et au Maroc ?

L’avancée de la techno est encore timide. Certes, les boîtes branchées en diffusent, mais en tant que musique parmi d’autres. Aucune ne s’y spécialise, quoique le «Vanity Club» (Casablanca) s’y livre progressivement. Ceci dit, tant qu’il existe une forte demande de disques techno, les manifestations commencent à pousser comme des champignons. Ce qui laisse présager un avenir radieux pour cette vogue musicale.

 

Causez-vous techno ?

Ambient : tendance de la techno qui se caractérise par de lentes nappes de synthés planants.
BPM : battements par minute. Tempo d’un morceau impulsé par la grosse caisse.
Chicago : c’est dans cette ville qu’est née la house music, ancêtre de la techno.
DJ (disc-jockey) : à l’origine, animateur qui passait des disques dans les soirées. Grâce au « mix », il est devenu un artiste à part entière.
Echantillonneur : (sampler en anglais). Appareil qui permet d’enregistrer et de stocker des échantillons sonores (les samples) sous forme numérique.
Garage : il s’agit d’une sublimation de la house dans laquelle les morceaux s’étirent et se remixent pour durer des heures.
Hardcore : style qui s’inscrit dans la filiation de deux courants, rock, la musique industrielle et l’électronic body music.
House : mélange de musique afro-américaine et de sonorités électroniques. Elle se décline en italo-house, hip-house (rap et techno), after-house, acid-house…
Jungle : un courant qui jette des passerelles entre jazz, rock, techno, reggae et d’autres musiques.
Mixer : enchaîner et mélanger les disques.
Rave : (de l’anglais to rave : s’extasier, délirer). Soirée où l’on danse sur des musiques électroniques.
Séquenceur : logiciel qui permet de composer de la musique sur un ordinateur.
Techno : la techno naît à Detroit aux environs de 1992. Un de ses principaux apôtres est Jeff Mills. Très vite, le son techno apparaît comme unifiant les diverses familles de la house.
Vinyle : support favori des DJ, indispensable pour mixer. Le modèle concurrent à l'époque était la platine vinyle : Technics SL-1200 MK2. 

Qui plus est 

CDJ : C’est la contraction de CD et DJ, l’acronyme désignant une gamme de platine CD à plat de la marque Pioneer.
DJM : cet acronyme signifie «DJ Mixer» et désigne une gamme de tables de mixage créée dans les années 1990 par Pioneer DJ.
Waveform : la waveform d’un titre est la silhouette du signal sonore, telle que vous la voyez sur Soundcloud par exemple. Sur une platine, elle permet d’anticiper les drop et les break sur un morceau inconnu.
Phrase rythmique : elle correspond au nombre de mesures avant un changement dans un morceau (introduction d’un nouvel objet sonore). Dans la techno, les phrases rythmiques comportent en général 4 ou 8 mesures.
Cue : le point Cue est le point de départ de la lecture d’un morceau. Par défaut, c’est le début du morceau mais il peut être déplacé pour les besoins d’un mix.
Loop : une boucle sonore; une séquence musicale destinée à être répétée indéfiniment et dont on peut paramétrer le point d’entrée et le point de sortie sur une platine.
Beatmatching : le beatmatching est la technique de base que tout bon DJ doit, a minima, maitriser pour réaliser une transition correcte. Elle consiste à ajuster le BPM d’un morceau sur le suivant, tout en calant les battements du premier morceau sur ceux du second.
Breakbeat : le breakbeat est constitué uniquement de son de percussions et est annonciateur du breakdown.
Break ou Breakdown : c’est la partie d’un morceau située entre le breakbeat et la montée avant le drop. On n’y trouve généralement aucun son de percussion, uniquement des instruments plus légers.
Montée : située entre le break et le drop, la montée est annonciatrice du moment le plus énergique de la track. Elle permet de faire monter en pression le dancefloor.
Drop : dans la musique électronique, le drop est le moment où un morceau libère toute son énergie. C’est le point d’introduction du lead et de la bassline.
ID : un titre identifié comme «ID» correspond à un son joué en live par un DJ mais dont on ne connait pas encore officiellement le titre et/ou l’artiste.
EDM : abbreviation d’Electronic Dance Music. Ce diminutif est utilisé pour parler de la musique électronique généralement commerciale (out la techno et les styles plus hard).

 

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