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«La situation de la femme est en stagnation»

«La situation de la femme est en stagnation»

Omayma Achour, présidente de l’association Jossor et docteur en droit privé


 

Au Maroc, 3 obstacles majeurs freinent l'émancipation de la femme, à savoir l’arsenal juridique, les barrières socioculturelles et l’appropriation de l’espace public.

Le point avec une militante de la première heure de la cause féministe.

 

Propos recueillis par O.L

 

Finances News Hebdo : Beaucoup critiquent la situation de la femme actuellement au Maroc. Est-ce vraiment aussi négatif ? Quels sont les principaux obstacles à l'émancipation totale de la Marocaine ?

Omayma Achour : Le Maroc a franchi un grand cap : beaucoup de réformes juridiques, institutionnelles, sociales et économiques envers la parité et l’égalité ont été faites. La loi suprême de la nation consacre la parité et l’égalité dans son article 19. Mais la situation de la femme est actuellement en stagnation.

Je peux citer trois obstacles à l'émancipation de la  femme marocaine. Premièrement, l’arsenal juridique : l'accompagnement de l'émancipation des femmes avec des textes de lois; les politiques publiques qui permettraient aux femmes d'allier les différents rôles dans la société; le travail des femmes non rémunéré et non reconnu; l’octroi de protection sociale et de droits sociaux pour les femmes pour leur permettre non pas d’avoir des faveurs mais des droits.

Le deuxième obstacle est socioculturel : le patriarcat; les stéréotypes; quelques attaches populaires négatives, qui discréditent le rôle de la femme mais qui font partie de notre culture et de l’éducation des générations.

Le troisième est l’appropriation de l’espace public et privé. Nous sommes en train d’assister à beaucoup de violences à l’égard des femmes dans l’espace public, et même plus que cela, cette violence se propage dans les réseaux sociaux d’une manière quotidienne. Nous assistons de plus en plus à un dénigrement du statut de la femme dans l’espace privé, que ce soit au niveau du travail, du foyer que de l’entreprise.

Tant que nous n’aurons pas des valeurs de respect, d’égalité, de citoyenneté, ces trois obstacles persisteront et freineront l'émancipation de la femme.

 

F.N.H. : Récemment, beaucoup d'intellectuelles femmes mais aussi des hommes se sont mobilisés pour un assouplissement du code pénal en matière de libertés individuelles. Quel regard portez-vous à ce sujet ?

O. A. : Aujourd’hui, le dossier de la révision du code pénal est prioritaire et le Parlement se penchera sur la révision du code pénal. Il est devenu impératif et nécessaire de réviser non seulement le code pénal, mais aussi la procédure pénale et la Moudawana. C’est pour cette raison que nous sommes en train de débattre de l’harmonisation des textes de loi avec les conventions internationales, afin de permettre aux hommes et femmes de vivre dans le respect des droits universels de l’Homme, dans la sérénité, le respect et l’égalité des droits et des chances.

Plusieurs dossiers ont éclaté ces dernières années et nous estimons qu’il est nécessaire aujourd’hui de prendre en considération les changements sociétaux, l’évolution de la femme et du statut de la femme, le développement générationnel et le changement que nous vivons dans un monde globalisé.

 

F.N.H. : Comment inciter les femmes à se présenter à des postes de responsabilité ?

O. A. : Ce n’est pas facile. Pour prétendre à un poste de responsabilité, on avance toujours la compétence. Pourquoi évoquer la compétence quand il s’agit de la femme, mais pas des hommes. Pour justifier son poste, une femme doit être bardée de diplômes, avoir de grandes expériences dans plusieurs postes auparavant, des compétences extraordinaires, … alors que les mêmes critères ne s’appliquent pas aux hommes.

Pour que les femmes accèdent aux postes de responsabilité, le travail doit se faire quotidiennement et dès le jeune âge, à travers l’éducation, la culture inculquée aux jeunes générations qui seront les dirigeants et dirigeantes de demain. C’est un travail de transmission qui doit se faire à travers l’école, les médias. Il faut aussi parler des success-stories. Les femmes qui ont réussi, doivent raconter leur parcours pour que d’autres femmes s’en inspirent. Partout dans le monde, on communique beaucoup sur les leaders hommes, qui sont nombreux, mais peu sur les leaders femmes.

 

F.N.H. : Jossour fêtera l'année prochaine ses vingt-cinq ans. Avez-vous une idée précise sur ce que vous souhaiteriez réaliser au cours du prochain quart de siècle ?

O. A. : Jossour a réussi à franchir un quart de siècle avec des projets innovants, des passerelles entre diverses franges de la société, à contribuer au débat sociétal sur l’avancement de la situation des droits des  femmes. Notre association a réussi à enregistrer, avec d’autres associations,  pendant un quart de siècle, les grandes avancées que le mouvement des droits des femmes est parvenu à mettre en place. Toutes ces belles réalisations nous encouragent à continuer notre plaidoyer pour améliorer la situation de la femme, promouvoir leurs droits afin qu’elles puissent accéder aux postes de décision. Notre grand challenge est une société égale, de parité, et que la femme soit au coeur du nouveau modèle de développement inclusif, égalitaire et paritaire.◆

 

 

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