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Femme et médias: du pain sur la planche

Femme et médias: du pain sur la planche

Le Conseil national de la presse a organisé récemment une visioconférence à l'occasion de la célebration de la Journée internationale de la femme, sous la thématique : «La femme et les médias».

 

 

Par A. Najib. Écrivain-Journaliste

 

Malgré de nombreux acquis et de nombreuses avancées, la femme marocaine continue de subir la loi des hommes, et ce dans tous les domaines de la vie au Maroc. Au plan politique, social, économique, culturel et humain, la femme marocaine, malgré une Moudawana censée lui garantir des droits inviolables, ploie toujours sous le joug des archaïsmes, des idéologies rétrogrades et des préjugés sociaux couplés à l’hypocrisie et l’enracinement de cette mentalité stigmatisante et ségrégationniste, qui veut que la femme demeure la cinquième roue du carrosse, au sein d’une société qui dit vouloir gagner à la fois le pari de la parité et de l’égalité et celui du progrès. Ce qui vaut pour tous les autres domaines, vaut également pour la place de la femme dans les médias et la presse au Maroc.

Une réalité qui rend compte des urgences à régler et des décisions cruciales qu’il nous faut prendre, dans un véritable débat et projet de société. Le décor est planté par Fatima Zahra Ouriaghli, Vice-présidente du Conseil National de la Presse et modératrice de la rencontre. Ce diagnostic a le mérite d’être limpide et ne souffre d’aucune ombre au vu des réalités de la société marocaine qui avance à plusieurs vitesses. Dans ce sens, Younes Mjahed, président du Conseil national de la presse (CNP), est intervenu pour faire un tour d’horizon de la situation actuelle de la femme en insistant sur les acquis arrachés par la femme marocaine, qui fait preuve d’une grande détermination et d’une volonté certaine de gagner cette parité et cette égalité tant désirées, mais encore lointaines.

Même son de cloche de la part du ministre de la Culture, de la Jeunesse et des Sports, Othman El Ferdaous, qui, lui, a axé son intervention sur toutes les mesures qui ont été mises en place pour accompagner les jeunes filles et les futures femmes à pénétrer le marché du travail à chances égales avec l’homme. Il a énuméré toutes les avancées déjà réalisées en soulevant un point important, celui de la scolarité en milieu rural. Celle-ci pâtit d’un fléau qui handicape la bonne marche de la société, celui de l’abandon scolaire, surtout chez les filles. Ce qui pénalise en premier l’entrée des femmes dans le marché du travail.

Le milieu rural étant le parent pauvre quand on parle de la situation de la femme au Maroc. Ce qui requiert des décisions en urgence pour rectifier le tir, sachant que les femmes dans ce milieu constituent un large pourcentage, qui demeure coupé de toutes les opportunités de participer au progrès de la société. La question reste alors posée : comment connecter les foyers féminins en milieu rural au monde du travail et de l’indépendance financière ? Et comment peut-on résoudre ce paradoxe entre la généralisation du préscolaire et l’abandon scolaire à cause de cette épineuse question de la précarité des familles qui obligent les filles d’arrêter les études et de se couper, de facto, du monde du travail et donc de leur hypothétique indépendance ?

De son côté, l’ancienne ministre et actuelle DG de l’ONHYM, Amina Benkhadra, a soulevé de nombreux points noirs, chiffres à l’appui, dans une excellente intervention qui a mis le doigt sur les urgences nationales en expliquant clairement là où le bât blesse. Le diagnostic fait par Amina Benkhadra rend compte de toute la complexité de la question des parités, à la lumière de tous ces chiffres avancés sur le pourcentage des femmes dans tous les secteurs clefs au Maroc. Comment alors remédier aux disparités de ces chiffres qui ne laissent pas de place à l’optimisme ? Quels sont les défis qui restent à relever ? Et quelles sont les urgences nationales pour l’égalité des femmes et des hommes ? Ce sont là des questions capitales qui nécessitent un profond débat au sein d’une société qui se débat encore et toujours avec les archaïsmes hérités du passé.

À la question, est-ce qu’il y a une volonté politique de changer la donne et d’agir dans le sens de garantir ses droits à la femme au Maroc ?, l’ancienne ministre a répondu, sans détours : «Non, car il reste encore de nombreuses questions posées, qui ne sont pas du tout une priorité au Maroc. Et la question de la parité en fait partie. Elle est en quelque sorte la cinquième roue du carrosse», résume Amina Benkhadra. L’ancienne ministre de la Solidarité, de la Famille, de l’Egalité et du Développement social, Bassima Hakkaoui, a insisté sur «les progrès accomplis en matière de droits et de libertés, citant à titre d’exemple la loi contre la violence à l’égard des femmes, qui fait du Maroc l’un des rares pays dotés de ce type de législation. La Moudawana, adoptée en 2004, a notamment consacré les principes d’égalité des époux dans la gestion de la famille et a permis à la femme marocaine de transmettre sa nationalité à ses enfants issus d’un mariage mixte…».

Bassima Hakkaoui a soulevé un autre grave problème qui frappe la société marocaine, celui de la violence faite aux femmes. Un énorme chantier où tout reste encore à faire dans cette longue marche des femmes vers ce vœu d’égalité dans une société encore rétrograde. Ce qui a permis à la journaliste et fondatrice du magazine Le Reporter, Bahia Amrani, d’embrayer sur une série de chiffres qui rendent compte avec exactitude sur la situation désastreuse que traverse la femme marocaine dans son combat pour arracher ses droits.

A la question, en tant que journaliste, quels sont pour vous les points noirs à traiter dans l’urgence pour aller dans le sens de la parité femme/homme ?, Bahia Amrani a insisté sur l’éducation, sur la détermination qui anime la femme marocaine et sur les nombreux exemples de réussite qui doivent servir d’exemples à toutes les jeunes filles marocaines qui savent que la lutte est dure, mais qui sont assez fortes pour relever tous les défis, par le travail, par l’exigence envers soi et par la rigueur.

Dans son intervention, Fathia Elaouni, rédactrice en chef de Radio 2M, qui est intervenue également avec la casquette d’initiatrice des Panafricaines, a mis le doigt sur les inégalités qui frappent encore la société marocaine, et ce malgré le long combat des femmes qui se battent au quotidien et qui ont prouvé leur maîtrise dans tous les domaines, sans exception. Pourtant, les archaïsmes ont la peau dure et handicapent profondément l’inscription du Maroc dans une modernité portée également par l’équité et la parité entre les femmes et les hommes. Quant à Leila Doukkali, elle a soulevé un autre aspect qui ne joue pas en faveur de l’émancipation des femmes, à savoir leur manque de courage et leur manque de confiance en elles-mêmes pour prendre les devants, pour s’assumer et assumer leurs rôles au sein de la société. A la question claire : «Est-ce que les femmes chefs d’entreprises influent aujourd’hui sur la prise de décisions au moins économique ?», Leila Doukkali, présidente de l'AFEM a été tout aussi claire : «Non».

Une négation massive qui en dit long sur tout ce qui reste à entreprendre dans notre pays où l’implication de la femme dans tous les domaines apporterait entre 20 et 30 pour cent de gains au PIB national. A la fin de la conférence, la modératrice de la rencontre a rappelé tous les points forts des interventions des uns et des autres en insistant sur les questions qui restent posées et auxquelles il faut répondre en urgence : Y a-t-il réellement une volonté politique de porter les femmes et de leur donner les places qu’elles méritent au sein de la société ? Comment les femmes peuvent-elles occuper des postes clefs quand l’ascenseur est toujours pris par les hommes ? Ya-t-il une prise de conscience politique pour régler ce handicap criard, qui paralyse la bonne marche de la société ? Le climat politique est-il propice à l’indépendance de la femme ?

«Les intervenants ont fait le tour de plusieurs questions sur la situation des femmes au Maroc. De nombreux points importants ont été évoqués et mis en avant, avec l’insistance sur les urgences nationales pour avancer vers cette parité tant désirée, mais qui semble toujours lointaine au vu des réalités politiques et idéologiques marocaines», a résumé la Vice-présidente du CNP.

Et d’ajouter que : «Ceci étant dit, il faut aussi signaler que des avancées considérables ont été réalisées dans tous les domaines. Reste cette question cruciale de l’éducation de la jeune fille qui sera la femme de demain. Et surtout la question de la représentativité politique qui pâtit encore d’un manque criard de visibilité. Le mot de la fin est clair : une prise de conscience est urgente et c’est la femme qui doit se prendre en main. Car, nous sommes loin de la parité, mais on y croit fermement. La lutte continue».

 

 

 

 

 

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