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Exposition : Abderrahmane Rahoule, l’art est la matière

Exposition : Abderrahmane Rahoule, l’art est la matière

Explorateur averti des genres plastiques, il sautille de la peinture à la sculpture, puis de la sculpture à la céramique, les mêlant parfois dans une alchimie explosive autant que poétique. Avec ces précieux matériaux, Rahoule a sculpté son art à nul autre pareil.

Par R. K. Houdaïfa

 

Drôle de gus, ce Rahoule qui a aujourd'hui 78 ans : traits tendus comme un arc prêt à libérer sa flèche, sourire énigmatique affiché en permanence, il ressemble à un sphinx qui se serait acoquiné avec Lucifer. Un être de feu et de glace, dont l'œuvre embrase; dont la compagnie frigorifie. Plus chichiteux que lui en paroles, tu meurs ! De fait, il peut demeurer des heures sans moufter. Et pendant ce temps, son regard dont la braise est attisée par des lunettes indiscrètes, scrute, sonde l’intime de son vis-à-vis.

Depuis qu’il a déboulé sur la scène artistique comme un diable de sa boîte à l’orée des prolifiques seventies, Rahoule n’a cessé d’imposer sa carrure, sa densité, sa fièvre froide, cette façon qui n’est qu’à lui d’être à la fois unique et multiple, secret et disert, secrètement disert et pourtant présent sur tous les fronts de l’art : peinture, sculpture, céramique.

Il avait fait ses gammes dans la sculpture, s’est initié ensuite à la céramique et s’est exercé à la peinture. Mais des trois arts, c’est la sculpture qui emporta sa conviction. C’est pour elle qu’il a une grande dévotion au point de s’en constituer le fervent prêcheur. Chose qu’il a toujours défendue et militée pour qu’elle ait sa place au soleil. Las ! Ce Don Quichotte se bat contre les moulins à vent.

Mais Rahoule, ce manieur d’argile, est fait de marbre. Imperturbable, il poursuit obstinément son chemin. Avec éclat. Ogre jamais rassasié, il s’est rué sur l’inépuisable répertoire iconographique, puisé dans les racines marocaines et abreuvé dans les sources africaines et arabo-musulmanes, en jetant ses filets fureteurs. Il en a ramené un art aussi vivifiant qu’inoxydable.

Ceux qui désirent prendre l’exacte mesure du talent de Rahoule n’ont qu’à visiter la rétrospective que lui consacre, jusqu’au 8 avril, la galerie gadirie Le Sous-Sol*. Elle se présente comme un aperçu éloquent de l'œuvre de l’artiste. Dans cet espace odorant, on hume goulûment des formes carrées, rectangulaires, cubiques et circulaires trempées dans les tons ocre, vert et bleu.

De la peinture, on saute à la sculpture. Là s’offrent à voir des corps entremêlés. On se retient de les toucher tant ils sont magnétiques, tant ils sont vivants, tant ils sont vibrants. Quelle interprétation en donner ? Sauf à couper les cheveux en quatre, il n’y en a pas de plausible. L’art de Rahoule ne peut souffrir la glose. Ou plutôt, se suffisant à lui-même, il s’en passe allègrement.

Avant de rentrer, jetez un œil sur les œuvres, et vous apercevrez qu’elles sont nimbées de cet inexplicable et invisible rayonnement qui s’appelle la grâce. 

 

* La galerie présentera également la première monographie complète de cet artiste moderne en termes de médiums et de périodes significatives de l’œuvre du peintre et sculpteur casablancais.

 

 

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