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C’est tout ce(ux) qui content

C’est tout ce(ux) qui content

Jusqu’au 20 février se tiendra à Marrakech la première édition du Festival international du conte. Occasion propice pour remettre en selle ce fabuleux genre qui a du mal à retrouver un second souffle.

Par R. K. H.

 

«Kan ya ma kan, hetta kan lahbaq wa soussan fhjer nbi lâadnan (il était une fois du basilic et du lys posés dans le giron du Prophète)». C’est par cette formule rituelle que les parents ou les grands-parents entonnaient leurs contes adressés aux enfants pendant que ceux-ci attendaient le passage du «marchand de sable». C’étaient essentiellement des récits peuplés de fées, de sorcières, de géants, d’ogres et de dragons.

 

L’héroïsme, l’exaltation des valeurs chevaleresques, l’abnégation, la loyauté, la rouerie féminine; le triomphe du bien sur le mal sont récurrents dans les contes, sous tous les climats. La plupart avaient une portée didactico-morale, certes, il s’en trouvait aussi qui étaient truffés de préjugés…

 

Or, ce qui fait la valeur d’une histoire, c’est moins son propos ou son contenu que la manière dont elle est racontée. Sur la place Jemâa el Fna pullulent les conteurs. Mais certains ne font pas recette, tandis que d’autres sont connus. En raison de leur savoir-dire. Le conte n’est bon que lorsque le conteur sait soigner ses effets.

 

Mais le temps des contes de fées semble révolu, celui des conteurs compté. La spectacularité triomphale a fait ranger ogres et ogresses, méchants et bons, belles au bois dormant et princes charmants au magasin des vieux accessoires. Les «dadas» et les nounous ont d’autres chats à fouetter que de «dégrossir» les enfants à coup de contes à dormir debout. La folie du béton a eu raison de ces halqas qui égayaient le quotidien. Pour autant, le conte n’a pas dit son dernier mot. Il tente de revenir à la vie par la voie du Festival international du conte de Marrakech (Marrakech International Storytelling Festival)*. Un rendez-vous organisé avec le soutien de plusieurs partenaires dont l’ambassade de Grande-Bretagne, l’Union des conteurs de Marrakech et l’Association Al Muniya.

 

Simon Martin, qui n’a pas hésité à troquer son habit d’ambassadeur de Grande-Bretagne au Maroc contre le bâton du conteur pour raconter une partie de la vie du grand homme politique, à la fois écrivain et peintre à ses heures, Sir Winston Churchill, tout en rappelant l’amour et la passion qu’il cultivait à l’endroit de Marrakech, s’est dit «ravi de se joindre à ce carrefour de cultures et d’offrir la possibilité à des esprits curieux de voyager à travers des histoires et d’explorer différentes cultures».


Cette manifestation qui connaît la participation d’une quarantaine de conteurs issus des cinq continents, propose une série d’événements dont la thématique principale repose sur la tradition narrative. 

 

«Le conte et la narration sont toujours présents dans notre vie au quotidien que ce soit lors de discussions avec des amis, des membres de la famille, lors des appels téléphoniques, les fêtes ou autres occasions, estimant que l’art du conte a toujours sa place dans le mode d’aujourd’hui en dépit du foisonnement numérique», souligne le célèbre conteur américain Baba-C.

 

Soit ! Les figures les plus diverses du récit ponctuent nos vies. Dans les prières, on récite ces paraboles édifiantes dont abondent les livres sacrés; à l’école, on apprend des fables moralisatrices; sur le palier, on se raconte ses petites histoires entre voisins; dans les lieux de convivialité, on meuble son ennui de ragots, potins et cancans; les journaux font leur beurre de faits divers et les enfants aiment à faire distraire leurs couchers anxieux de contes… 

 

Pour clore, le jeune conteur et directeur du festival, Zouhair Khaznaoui, rappelle que «cette initiative vise à promouvoir le partage ainsi que l’échange, à mettre en exergue le rôle du Maroc en tant que terre de promotion du vivre-ensemble et de la paix. Elle vise aussi à faire découvrir les cultures des différents pays et familiariser le public marocain avec les contes d’autres parties du monde».


L’effort est louable, mais il ne restitue pas au conte son piment ni son sel, ces ingrédients auxquels l’accommodaient les mamies et les conteurs publics.

 

Aïcha Rmida ne trouvera plus pantoufle à son pied… wou khraftna mchat maâ louad.

 


* Le festival est multilingue. L’anglais, le français, la darija et l’amazigh sont utilisés par des conteurs issus des cinq continents. Pour ce faire, ils ont élu domicile dans plusieurs lieux emblématiques de la ville, tels la place Jamaâ el Fna, le centre Al Muniya, le café Clock, l’Université Cadi Ayyad et le complexe administratif et culturel Mohammed VI.

 

 

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