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Art : Nature pas morte

Art : Nature pas morte

◆ On ne connaît pas, ou à peine, Afifi, cet artiste acquis aux nouvelles technologies. Ses peintures valent le détour. Elles portent sur le monde un regard sensible. Présentation.

Par R. K. Houdaifa

Enfourchant le lan gage passionné qui anime les archéolo gues, Afifi fait écla ter une véritable ivresse de la couleur pure et se joue - et se déjoue - de la perspective. A travers soit les procédés photogram métriques, ceux que l’on uti lise pour tracer des cartes géographiques, soit à partir de photographies aériennes ou satellitaires, l’artiste vient reconstruire quelque insi tuable quelque part, arborant l'œil d’observateur. Des outils et démarches scientifiques, il retient essentiellement l’em pathie avec les petits coins de «Terre» dépistés, puis affleurés et enfermés dans la durée.

«Est-ce que la réalité perçue par mes sens est bien celle du monde tel qu’il est ? Quelle est la place de l’imagination dans la façon dont j’interprète la réalité ?», se demande-t-il.

A peine avez-vous posé le regard sur les toiles qu’une orgie de couleurs vous happe. Vos yeux, une fois dessillés, discernent une farandole de sommets ou rivages com posant un portfolio de paysages comme mystérieux où le spectateur est progressi vement saisi d’un sentiment d’irréalité.

Mais contempler de la peinture demande du temps; elle ne se livre pas immédiate ment (si jamais elle se livre); elle résiste aux discours intel lectuels préfabriqués, aussi éphémères que les modes vestimentaires.

A y regarder de plus près, on remarque que l’artiste s’est trouvé une technique originale : à partir du logiciel Google Earth, il imprime différentes prises de vues sur lesquelles il intervient directement quand bon lui semble… Les réalisations possèdent donc une base figurative, le plus souvent invisible, perdue dans l’entre lacs des courbes colorées. Là encore, Afifi trouve un des sin personnel, fait de contours et de lignes de force de mon tagnes, de roches, et d’aspé rités du terrain. Du paysage ne restent que des masses colorées. La splendeur des couleurs, le jeu subtil entre les surfaces très travaillées et les surfaces laissées vierges; ce jeu et ces couleurs créent des espaces dans lesquels le regard s’engouffre et se perd, comme il se perd parfois, enivré par la fragile lumière que diffuse la toile peinte à l’acrylique.

Les trente-huit œuvres aux couleurs chaudes et froides, sourdes et vives, souvent irréelles semblent préserver un secret. Toute présence humaine est évacuée, le monde est figé, le temps sus pendu.

Nous, nous sommes tombés sous le charme envoûtant de ces peintures parfaitement maîtrisées, d’une grande élégance, au dessin subtil et délicat… ouf ! Sorties du rang, surtout, et d’une insolente réjouissance parce que justement démarquées des sentiers usuellement battus. On devine là encore, au-delà de la séduction, un véritable talent. Cependant, à elles seules, les œuvres offertes à voir ne suffiraient pas à exprimer son ampleur, mais elles disent la passion d’un artiste pour la couleur, et son plaisir contagieux à faire naître des images satellitaires des éclairs d’une gravité cha toyante.

*«Les constellations de la Terre», solo-show de Saïd Afifi. Du 1er février au 5 mars, à la galerie d’art casablancaise L’Atelier 21.

 

 

 

Saïd Afifi : Trente-neuf ans seulement, mais déjà un impressionnant parcours derrière lui. Lauréat de l’Institut national des beaux-arts de Tétouan en 2008 et de l’école de Le Fresnoy-Studio national d’arts contemporains en 2018. A l’Institut national des beaux-arts deTétouan, il sera enseignant uncertain temps : une activité propice aux rencontres et qui lui a sans doute ouvert l’esprit sur d’autres recherches. Said Afifi explore les nouvelles technologies et fait évoluer ses œuvres entre demultiplesmédiums : installations interactives, photographie, dessin ou vidéo.

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