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Amrani: Modeste jusqu’au bout du pinceau

Amrani: Modeste jusqu’au bout du pinceau

Loin d’être essoufflé, comme nous le font accroire les esprits chagrins, notre art pictural ne cesse de se vivifier. Et d’être célébré sous d’autres cieux. Avec d’autres artistes, Ahmed Amrani, ce peintre nordiste, prend d’assaut le Musée national centro de Arte Reina Sofia de Madrid.

 

Par R. K. Houdaïfa

 

Il est malaisé de brosser le portrait d’un personnage jaloux de son anonymat. D’un personnage qui s’évertue, douillettement, à se faire oublier, à dissoudre au profit de son art. Non par mauvaise volonté… «Le sage et discret Ahmed Amrani serait un réel artiste de l’insoumission (dixit Philippe Guiguet Bologne).»

Né à Tétouan en 1942. Ahmed Amrani a fait des études à l’Ecole des beaux-arts de sa ville natale (de 1945 à 1959), suivies d’une année fructueuse à l’Ecole des beaux-arts Santa Isabel de Hungria à Séville. Un an plus tard, cap sur l’Ecole des beaux-arts San Fernando de Madrid où il décroche une licence en arts plastiques. Sans oublier son escapade enchantée à l’Ecole des arts graphiques où il eut son diplôme.

Sa première exposition remonte à 1957. Il avait participé à «Gran exposicion collectiva hispano-marroqui de pintura y escultra» à Tétouan, aux côtés de Mariano Bertuchi, Saad Ben Cheffaj, Mohamed Serghini ou Meki Megara. Et quoi qu’il fasse partie de la première génération des artistes peintres marocains issus de l’Ecole des beaux-arts de Tétouan, érigée lors du protectorat, Ahmed Amrani n’est pourtant connu que par un cercle limité d’amateurs d’art. Car trop timide, forcément. Plus humble que lui, tu meurs ! La joie bon enfant lorsqu’il communique sur son travail…

Aussi, bien qu’il soit issu d’une culture, traditionnellement fermée à la peinture de chevalet, Amrani a développé un langage distinct, très personnel. Il s’appliqua à revisiter certains thèmes qui ont tant de fois été peints par les peintres occidentaux (quitte à se voir taxé d’hérésie). Mais à sa façon, de sorte qu’ils se trouvent dessertis du sens dont ils sont porteurs.

Amrani s’est préoccupé, par-dessus tout, à affiner son art dans le sens de la rigueur, de l’austérité, de la puissance évocatrice et de l’intensité fiévreuse... Il avait, depuis les sixties, poussé plus en avant ses recherches, lesquelles débouchèrent sur une prédilection pour le collage et l’utilisation du papier fin ainsi que le relief des couleurs. Les papiers (superposés les uns sur les autres) fondent si bien avec la couleur qu’il serait difficile de dissocier ce qui est peint : l’homme, et particulièrement le couple. Ceci constitue le sujet favori de ses tableaux. Il tente de percer les arcanes de la rencontre entre deux personnes. 

Sa peinture, elle ne se laisse pas au demeurant prendre du premier regard, elle nécessite du temps pour révéler ses secrets. Une œuvre qu’il convient de scruter, de décrypter, si l’on désire en pénétrer l’intimité, car chaque composition consiste en une histoire. L’histoire de son démiurge. Ses états âmes… que ce gentil-papier n’a pas décliné, peut-être, et vous a pompé l’air de votre quiétude.

 

* «Trilogia Maroqui (Trilogie marocaine) 1950-2020», au musée de la reine Sofia à Madrid, jusqu’au 27 septembre.

*L’expo met en lumière la peinture et les peintres d’art contemporain et leur évolution à travers ces sept dernières décennies, depuis l’indépendance à nos jours. Pas moins de 200 œuvres réunies. Celles d’Amrani («Sans titre», «La protestation», «Vers l’avant» et «Trois noms») font partie de la période 1950-1969.

 

 

 

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