Plusieurs œuvres d’artistes aborigènes, passeurs de récits et légendes, sont exposées, jusqu’au dimanche 28 janvier 2024, au Musée Yves Saint-Laurent de Marrakech.
Par R. K. Houdaïfa
Photo : © Fondation Opale – Bardayal Lofty Nadjamerrek
C’est une exposition assez psychédélique ! Concocté sous le commissariat de Bérengère Primat et de Georges Petitjean, grâce aux prêts généreusement accordés par Bérengère Primat et la Fondation Opale, «Serpent» est sorti de sa chrysalide pour se glisser au cœur du Musée Yves Saint-Laurent de Marrakech (mYSLm), qui propose un aperçu riche et varié de l’art aborigène d’Australie.
Ainsi, comme le suggère son titre, l'exposition se concentre sur des œuvres d'art dans lesquelles le serpent joue un rôle primordial.
En général, lorsqu’on évoque le vocable «serpent», on pense tout de suite au Nahashe - ce serpent de la Genèse, qui entraîna la chute d'Adam et Ève -, ou encore à cette hypnotique Méduse : femme fatale et sanglier. Elle, qui a été violée par Poséidon, a subi la vengeance de la déesse Athéna et a donné son nom à des animaux gélatineux urticants; qui a des yeux au pouvoir pétrificateur et un nid de serpents sifflants sur la tête; qui a été décapitée par Persée et a donné naissance au corail grâce aux gouttes de sang tombées de sa blessure… la seule mortelle des trois sœurs Gorgones.
Soit. Pour l’artiste australien, Danie Mellor dont l’œuvre «Perpetual (ngaray)» est présentée au «Serpent», cette créature «se présente dans une grande diversité de cultures et modes d’expression artistique, notamment chez beaucoup de peuples autochtones et de cultures aborigènes (…) Dans la culture aborigène australienne, le serpent et, plus précisément, le Serpent Arc-en-ciel est l'une des créatures ancestrales les plus importantes (…) le motif ou la forme du serpent figure dans de nombreuses cultures à travers le monde, où il tient souvent un rôle important dans les mythologies locales».
Monstrueux ou fabuleux
Agressifs, tentateurs, poétiques, charmés ou divins... Lorsqu’on découvre les toiles de style pointilliste, de l’art aborigène australien, peintes par des artistes femmes et hommes, la plupart du temps avec des cotons-tiges, on y retrouve ladite créature tantôt identifiée à l'arc-en-ciel, tantôt associée à l'eau sous forme de pluie, de rivières et de mares. Symbole de fertilité, elle est à la fois père et mère de toute vie et constitue ainsi un lien essentiel entre l'homme et la nature. En plus d'être une force créatrice, le Serpent Arc-en-ciel peut aussi se manifester de manière destructrice, notamment lorsque des personnes bafouent les lois de la terre, dont le serpent est souvent considéré comme le gardien.
La soixantaine d’œuvres rassemblées révèle de belle manière la profonde singularité de la peinture dite du désert central. En plus de sa force plastique, elle nous permet de connaître une certaine culture, une dimension importante pour celui qui se voit comme un passeur d’images, d’histoires, de rêves.