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Confidences : Samira Haddouchi, fée main

Confidences : Samira Haddouchi, fée main

Quand elle ne peaufine pas ses modèles, Samira Haddouchi s'adonne au plaisir de la recherche, explorant et approfondissant sans cesse sa démarche. De fil en aiguille, avec une créatrice qui a tissé sa route avec passion et créativité.

Propos recueillis par R. K. Houdaïfa

 

Finances News Hebdo : Quel a été votre premier contact avec la couture ? Une personne vous a-t-elle donné envie de l’imiter?

Samira Haddouchi : Mon initiation à la couture a été plutôt simple. A l'âge de sept ou huit ans, mes cheveux naturellement bouclés me poussaient à fréquenter assidûment le salon de coiffure. Pendant que les femmes attendaient leur tour au salon, elles s'adonnaient régulièrement à des activités manuelles telles que le crochet, le macramé ou la broderie. Je posais mon regard ébloui sur les signes transcrits avec un rare doigté par ces femmes dont je ne lassais pas de contempler la virtuosité.

Je dépensais mon argent de poche non pas en friandises, comme le faisaient habituellement les filles de mon âge, mais en investissant dans des crochets, de la laine, des toiles, des fils et des aiguilles. Ces acquisitions ont nourri ma passion pour la couture, m'incitant à poser de nombreuses questions sur comment les manipuler.

Ma première réalisation a été un tableau de broderie, conservé précieusement depuis cette période marquante. Au collège, même pendant les cours d'arabe, j'étais occupée à coudre (rires). Je donnais même des conseils vestimentaires en suggérant des associations d'habits... Ma réputation de référence en matière de style m'a valu le surnom affectueux de «la princesse».

À l'âge de quatorze ans, pendant les vacances estivales, je fréquentais assidûment l'école de couture où ma mère m'avait inscrite. Je confectionnais avec fierté des jupes, des robes à manches bouffantes, plongeant ainsi davantage dans l'art de la couture. La passion pour la création textile était solidement ancrée en moi.

 

F.N.H. : La famille voyait-elle d’un bon œil cet attrait de la couture ?

S. H. : Elle aimait bien ce que je faisais. Mais il n’était pas question que j’en fasse un métier. D’autant que les artistes, à l’époque, vivotaient et tiraient le diable par la queue. Faute de reconnaissance sociale.

 

F.N.H. : Elle contrariait votre vocation ?

S. H. : Ma mère, qui me surveillait comme le lait sur le feu, ne l’entendait pas de cette oreille. Il était impossible de lui faire entendre raison. Enfin, ma raison. Alors, j’ai coupé la poire en deux... Mais il faut dire que j’ai réussi à la persuader de manière rapide. Mon parcours dans la couture marocaine a débuté avec le CAP, suivi du BEP. Cependant, cela ne suffisait pas à satisfaire ma soif d'apprentissage, et j'ai choisi de poursuivre avec des années supplémentaires en stylisme. Ma progression s'est faite étape par étape, débutant par du modélisme avant de me spécialiser dans le stylisme.

L'obtention du titre de technicienne de mode, bien qu’honorifique, ne correspondait pas à mes aspirations. De plus, j'ai été la première de ma promotion. Après l’obtention de mon diplôme, j’ai été nominée professeure pour les deuxièmes années, qui étaient également mes amis, trois mois après. Mais, je n'ai pas mis fin à mon parcours. J'ai poursuivi en m'inscrivant à la Chambre syndicale à Paris, dans une démarche de professionnalisme.

 

F.N.H. : Pour s’épanouir dans un métier que vous exercez, la vocation, à elle seule, suffit-elle ?

S. H. : C’est un métier qui requiert, outre un talent certain, une grande intelligence sociale, le sens du contact étant une nécessité, une curiosité concernant les événements du domaine, une ouverture d’esprit et une notable humilité.

 

F.N.H. : Que de vertus ! Mais ont-elles réellement cours dans le milieu ?

S. H. : L'univers de la haute couture est sans merci. Ceux qui manquent de résilience, de détermination et d'audace n’y peuvent survivre. Il faut continuellement se battre.

 

F.N.H. : Comment s’affirmer dans ce monde dur ?

S. H. : Par un travail, surtout cohérent. Pour illustrer, lors de la présentation d'une collection, il est essentiel qu'elle repose sur un argument spécifique, qu'il soit d'ordre culturel, religieux, culinaire, ou autre, et que cet argument soit développé. Au fond, un défilé de mode peut être comparé à un film, porteur d'un mes- sage transmissible au public.

 

F.N.H. : Qu’en est-il de votre message ?

S. H. : Fière de mes racines, je m'efforce de les sublimer. Je constate un manque d'appréciation de notre singularité culturelle et je m'engage à lui rendre justice à travers mes créations.

 

F.N.H. : Caftan 2000 a-t-il eu une incidence heureuse sur votre carrière ?

S. H. : Absolument. Suite à cet événement, de nombreuses personnes ont manifesté un intérêt pour mes créations. Cela était tout à fait compréhensible, car je venais tout juste de débuter.

 

F.N.H. : Tout le monde se souvient de l’étonnante silhouette en forme de sablier que vous avez composée pour «Caftan» 2002. Vous la regardez comment, 21 ans plus tard ?

S. H. : À cette époque, créer un caftan moderne présentait un défi considérable. Il nécessitait une modernisation tout en conservant l'essence du caftan. J'ai innové en intégrant des ceintures ornées de perles, apportant ainsi une approche rafraîchissante et surprenante au traditionnel caftan.

 

F.N.H. : Lors du 8ème Caftan, une de vos parures présentées a été cosignée par Medi Qotbi qui a peint sur la soie du vêtement. Vous aviez déjà un goût pour la peinture ?

S. H. : Approche singulière. Ils nous avaient assigné quatre thèmes à explorer, individuellement. J'ai choisi le thème des quatre continents et les ai intégrés tous ensemble dans un unique caftan. Pour ajouter une touche distinctive, j'ai sollicité Mehdi Qotbi pour apposer sa calligraphie sur la tenue.

La fusion des traditions et du moderne représente un défi pour tout créateur. Cependant, en effectuant des recherches approfondies, il devient possible d'unir toutes les cultures dans un même caftan.

 

F.N.H. : Vous vous évertuez à entremêler dans un désordre harmonieux paillettes, perles, fourrures, plumes, laçages, déchirures et crantage...

S. H. : Je suis particulièrement attirée par des éléments tels que les paillettes, les perles et les fourrures, considérés comme des attributs de noblesse. La dentelle, par exemple, a marqué l'habillement des rois et princesses aux XVIIème et XVIIIème siècles, tout comme les plumes et les perles. C'est cette noblesse des matériaux qui m'a profondément inspirée à les manier. J'ai décidé d'explorer cette fascination en l'appliquant à un contexte où l'utilisation de ces matériaux n’était pas courante, notamment dans la conception de caftans. Mon objectif était d'innover dans la confection du caftan en introduisant des matériaux qui n'avaient jamais été utilisés auparavant. Cela m'a conduit à repousser les limites de la créativité, en incorporant même des éléments tels que le fer forgé et le bois dans mes créations. Mon approche était résolument axée sur l'innovation et l'expérimentation.

 

F.N.H. : Comment procédez-vous avec votre clientèle ?

S. H. : Je n'adopte jamais une approche simplement «couturière». Lorsque je reçois une cliente, je m'investis pleine- ment dans la découverte de sa personnalité. Des discussions approfondies me permettent de cerner son caractère, afin de lui proposer un style et des couleurs qui la mettent en valeur. Et je dois dire que les femmes qui font appel à mes services, me font confiance de manière totale. Elles sont convaincues que mes créations, tant les modèles que les cein- tures que je conçois, sont originaux.

 

F.N.H. : Vous travaillez chez vous ?

S. H. : Oui parce que, d’une part, je soustraite car cela me donne également la flexibilité nécessaire pour me concentrer sur les aspects créatifs et conceptuels. D’autre part, travailler dans mon atelier me permet d'organiser l’espace selon mes besoins, maximisant ainsi la qualité et la créativité dans mon travail.

 

F.N.H. : Vous êtes chère ?
S. H. :
Le coût de mes créations varie en fonction de deux principaux critères : la qualité du tissu utilisé et les exigences spécifiques de la confection. La tarification est ajustée en conséquence pour refléter la qualité des matériaux choisis et les détails particuliers requis par la cliente. Ainsi, la personnalisation des créations et l'utilisation de tissus haut de gamme sont des éléments qui influent sur le prix final de chaque pièce. 

 

 

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