Une augmentation des prix des produits d’assurances n’est pas à exclure.
Le marché des capitaux sera impacté.
Par Badr Chaou
Le secteur des assurances au Maroc se prépare à un changement majeur au niveau de sa réglementation, suite à la mise en place de la nouvelle norme de Solvabilité basée sur les risques (SBR).
Rappelez-vous, les acteurs du marché avaient d’ores et déjà annoncé l’année passée le déploiement de la phase du «stress test» en se basant sur les nouvelles mesures, afin d’évaluer l’impact de ces dernières sur leur activité. Un processus piloté par l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), mais intégrant toutefois les professionnels du secteur.
En effet, c’est la première fois qu’on assiste à l’incorporation des acteurs dans un processus de renouvellement de cadre d’activité. Cette approche traduit le progrès que connait le marché et dans lequel les assureurs réagissent de manière responsable et positive.
Pour une harmonisation des procédures
Ce procédé de l’ACAPS vise à mener à bien l’instauration généralisée de ces nouvelles mesures du risque, et surtout une harmonisation des processus de gestion, de reporting, mais également de supervision de risque.
On s’attend donc à ce que les nouvelles normes SBR aient une influence significative sur l’organisation interne des spécialistes d’assurances. Le pilotage des risques, la gouvernance et les fonds propres seront impactés en raison de l’harmonisation de calcul et des provisions techniques.
«La réforme détermine des exigences quantitatives à respecter, notamment sur l’harmonisation des provisions et l’instauration d’un minimum exigé en fonds propres. De même, elle impose l’introduction de plusieurs dispositifs de gouvernance liés aux risques (dont la responsabilité, production et suivi d’indicateurs…). La SBR consacre également une grande importance en matière de discipline de marché en fixant de nouvelles obligations en termes de reporting et de transparence», a indiqué Zouhair El Alaoui, président d’Actuaris Consulting, lors de la 5ème édition du Forum international du Risk-management (FIRM), tenue récemment à Casablanca.
Impact sur le marché des capitaux
En termes d’ajustements de fonds propres et de marges de solvabilité, les assureurs pourraient revoir leurs niveaux de placements financiers.
«Ce facteur risque sans aucun doute de se répercuter directement sur le marché des capitaux, au regard des fonds importants engagés par les compagnies d’assurances et de réassurance sur la place casablancaise. La limitation des risques par les assureurs entraînera un transfert des fonds vers des actifs moins risqués, chose qui pourrait induire un ajustement non négligeable dans les portefeuilles des assurances», nous confie un trader. Autrement dit, afin d’éviter des augmentations de fonds propres qui pourraient s’avérer coûteuses pour les assureurs, ces derniers pourraient revoir à la baisse leurs niveaux de placement en Equity.
En ce sens, il est nécessaire de rappeler qu'à fin novembre 2018, les placements nets des entreprises d’assurances et de réassurance ont atteint 154,69 milliards de dirhams, contre 145,86 milliards une année auparavant, soit une progression de 6,1%, peut-on lire dans un rapport de l’ACAPS. Durant la même période, l’actif actions détenu par les entreprises d’assurances représentait 47,2% des placements, soit près de 73 milliards de dirhams contre 69,84 milliards de DH, marquant une augmentation de 4,6% en glissement annuel. 27,6% de cet encours sont représentés par des actions directes (actions cotées et non cotées), soit 43,6 milliards de dirhams, alors que 17,7% restants sont investis en OPCVM (actions, diversifiés et contractuels), soit 27,3 milliards de dirhams, indique le même rapport.
Potentielle hausse des cotisations
On peut supposer que la nouvelle norme permettra de voir clairement les caractéristiques des produits d’assurances et leur solvabilité pour un assureur. En cela, l’idée relative au prix des cotisations suscite des interrogations. «Les produits d’assurance ou produits assortis de garanties et d’options exposés aux changements des risques de souscription peuvent avoir besoin d’un soutien plus important de fonds propres, et donc voir leurs prix de souscription augmenter pour les assurés», indique notre source.
Et d’ajouter : «rappelons que les risques de l’assurance vie sont très différents de ceux de l’assurance non-vie. En assurance vie, ils se situent essentiellement dans les taux d’intérêt garantis, la bonne adéquation entre engagements donnés et rendements obtenus. En assurance non-vie, les incertitudes tiennent à l’aléa couvert, à l’évolution des risques et à leur environnement juridique».
De manière globale, les nouveaux fondements des mesures de la «SBR» instaurent des exigences de fonds supérieures, afin de permettre aux assureurs de faire face en permanence à n’importe quelle sinistre. Même si le montant des cotisations des assurés peut par conséquent augmenter, ce dispositif protège mieux les assureurs, car il s’appuie sur une analyse des risques très exigeante. Les prix peuvent rester les mêmes, dans le cas où les sociétés d’assurances ou de réassurance comptent plus sur les activités de marché pour faire du profit. Affaire à suivre… ◆
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