◆ Dans ce dernier article de la série, nous aborderons les défis méthodologiques que pose la mesure du risque climatique.
◆ Les avis sur les approches sont partagés et le manque de données historiques sur ce type de risque est important.
Par Y. Seddik
La mesure des risques financiers n’est pas chose aisée. Et quand il s’agit d’évaluer les risques émanant du changement climatique, la tâche devient encore plus compliquée. Jusqu’à présent, les Banques centrales et les autorités de réglementation financière n’ont pas trouvé une méthodologie universelle pour son calcul. En attendant, plusieurs questions restent en suspens : est-il possible de modéliser le risque climatique ?
Sur quel horizon le risque doit-il être modélisé ? Quelles sont les approches possibles ? Doit-il être considéré comme une composante d’un autre type de risques (par exemple du risque de crédit) ? Comment les banques peuvent-elles intégrer la question climatique dans leur dispositif de pilotage des risques ?
D’ailleurs, le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, était clair sur ce sujet, en précisant que les risques liés au changement climatique, qu’ils soient physiques, générés par les événements climatiques extrêmes, ou de transition, induits par la mutation vers des modèles économiques à bas carbone, sont complexes à appréhender et à mesurer.
Pour lui, la complexité est accentuée en l’absence d’un langage ou d’une taxonomie commune permettant de distinguer les actifs verts et bruns, d’un manque de données et d’outils d’évaluation… Or, s’il n’existe pas de standards de place en la matière, la littérature actuelle permet de dégager quelques idées.
Secteur bancaire : deux approches possibles
Ainsi, selon l’Institute for Climate Economics (I4CE), qui fournit des analyses sur les questions économiques liées aux politiques climatiques et énergétiques dans le monde, deux approches permettent d’aborder le débat : l’approche par le risque et l’approche de politique économique.
Toutefois, des défis spécifiques sont à relever avant de mettre en œuvre l’une de ces méthodes. La première méthode vise à garantir la stabilité financière des banques lorsqu’elles sont exposées à des risques climatiques imprévus. «Il est essentiel de mesurer avec précision le niveau de risques climatiques associés à chaque actif. Cela reste un défi majeur en raison du caractère profondément incertain du changement climatique et des mesures socioéconomiques associées et de l’horizon courtermiste des modèles de risque de crédit habituels par rapport à l’horizon à moyen ou long terme des risques liés au climat», nous apprend l’I4CE.
L’on comprend ainsi qu’en l’absence d’une mesure du risque suffisamment solide, il est inutile d’adopter l’approche du risque. Dans l’approche de politique économique, l’objectif est de canaliser davantage de flux vers l’économie bas-carbone. «La question de la mesure précise des risques liés au climat n’est plus essentielle. L’enjeu est plutôt de trouver un outil de mesure permettant de différencier les activités en fonction de leur contribution au développement d’une économie bas-carbone», ajoute l’Institut de recherche.
Les défis de l’approche de politique économique
Maintenant, dans ce deuxième cas de figure, d’autres défis subsistent. I4CE nous en cite deux : «le premier concerne l’efficacité d’un ajustement des exigences de fonds propres des banques pour augmenter ou réduire certaines catégories de crédits. En effet, il n’existe pas de preuves empiriques claires démontrant une telle efficacité».
Le deuxième défi consiste «à garantir que cet instrument de politique économique ne mette pas en danger la stabilité financière. Pour cela, il faudrait avant tout maintenir l’assise en capital des banques, conformément aux besoins prudentiels tels qu’ils sont mesurés aujourd’hui». Quoiqu’il en soit, le débat sur l’intégration du changement climatique dans les exigences de fonds propres des banques est toujours ouvert et les avis sont très partagés. Il est prématuré pour les régulateurs d’être décidés sur une méthode bien précise. Fin de la série.