Révision des ALE : Mieux vaut tard que jamais

Révision des accords de libre échange : Mieux vaut tard que jamais

 

Le déficit cumulé de la balance commerciale du Maroc envers les USA et la Turquie a franchi la barre des 41 Mds de DH en 2018.

Exportateurs et politiques, à quelques nuances près, saluent la décision du gouvernement qui a, enfin, soulevé la question de la révision des accords de libre échange défavorables au Maroc.

 

Par M.D

 

La guerre commerciale qui oppose la Chine aux Etats-Unis confirme indubitablement le recul du libre-échangisme prôné par l’Organisation mondiale du commerce (OMC) depuis plus de deux décennies.

Au cours de ces dernières années, les puissances commerciales sont de plus en plus enclines à protéger leur marché domestique de l’invasion des produits ou services étrangers susceptibles de fragiliser leur tissu économique et industriel.

Dans ce contexte en proie à l’avancée du protectionnisme, les pouvoirs publics sont-ils en train d’ouvrir les yeux sur ce que les économistes et les opérateurs économiques dénoncent depuis des années. Il s’agit de l’impact négatif des accords de libre-échange (ALE) conclus par le Royaume avec, entre autres les USA, la Turquie et certains pays arabes dans le cadre de l’Accord d’Agadir.

Rappelons que le Royaume est lié par des accords de libre échange avec 55 pays, ce qui représente un marché de plus d’un milliard de consommateurs. La déclaration de Moulay Hafid Elalamy, ministre de l’Industrie, du Commerce, de l’Économie verte et numérique, au Parlement en novembre 2019 augure-t-elle une inflexion de la politique nationale en matière d’ALE ?

«Nous devons reconsidérer certains d’entre eux. Les accords de libre échange qui nuisent au Maroc seront dénoncés», a averti, en novembre dernier, MHE devant les parlementaires.

Il faut noter que cette position tranche radicalement avec les propos du même ministère dans les colonnes de Finances News, il y a quelques temps. Interrogée sur l’opportunité d'opérer des réajustements sur l’ALE avec les USA afin que celui-ci soit davantage profitable au Maroc, la tutelle avait alors rétorqué que «le réajustement de l’ALE suppose sa renégociation, ce qui n’est pas à l’ordre du jour des deux parties».

 

Accords de libre échange : Un déséquilibre flagrant

Le timing de l’assertion du ministre, qui a fait couler beaucoup d’encre, interpelle à plusieurs égards, car l’hémorragie perdure depuis plusieurs années au niveau du déficit commercial enregistré par le Maroc envers la Turquie et les USA, deux puissances commerciales avec lesquelles le pays a conclu un ALE.

«La dernière décennie est marquée par des déficits cumulatifs avec l’Europe, les USA, la Turquie et même avec les pays de l’Accord d’Agadir (Tunisie, Egypte, Jordanie) qui ne représentent que 1,6% du commerce extérieur national», constate-t-on du côté du Centre marocain de conjoncture (CMC).Accords de libre échange au Maroc

Pour avoir un ordre de grandeur, malgré la progression rapide des exportations marocaines à destination des USA, le déficit commercial du Royaume s’est fortement creusé pour culminer à 25,3 Mds de DH en 2018 contre 20,3 Mds de DH en 2017. Alors qu’il n’était que de 7,2 Mds de DH en 2006. Ainsi, en l’espace de 12 ans, celui-ci a plus que triplé.

Dans le même ordre d’idées, l’ALE signé avec la Turquie entré en vigueur en 2006 est aussi en défaveur du Maroc. Si les échanges commerciaux entre les deux pays partenaires se sont chiffrés à 27 Mds de DH l’année dernière, l’on note que le Maroc affiche un déficit commercial de 16 Mds de DH en 2018.

D’ailleurs, lors de la récente visite au Maroc du ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, la question de l’ALE signé par les deux pays, a été mise sur la table. Une délégation turque devrait se rendre prochainement au Maroc pour parvenir à un accord allant dans le sens du rééquilibrage des échanges commerciaux bilatéraux.

Les exportateurs nationaux souscrivent des deux mains à la volonté affichée par la tutelle de revoir en profondeur ces ALE. «Je souscris totalement aux propos de MHE. J’irai plus loin en disant que la majorité des accords de libre échange conclus sont nuisibles au développement économique de notre pays. Pour preuve, ceux-ci ont accéléré le déficit commercial du Maroc envers les pays partenaires», déclare Hassan Sentissi, président de l’Association marocaine des exportateurs (Asmex), joint par Finances News. Et de renchérir : «Il faudra renégocier tous les accords de libre échange si nous voulons industrialiser le Maroc».

 

Accords de libre échange : Il était temps !

«Tous les accords de libre échange signés par le Maroc contiennent des clauses destinées à l’évaluation afin d’ajuster ceux-ci en fonction des besoins des différentes parties impliquées», explique Abdellatif Mazouz, ancien ministre du Commerce extérieur et membre du parti de l’Istiqlal.

«Avec l’UE, l’évaluation a été régulière, ce qui n’a pas été le cas avec les USA», précise-t-il. Interrogé sur le timing de la déclaration de MHE au Parlement, l’ancien ministre du Commerce extérieur constate que le déficit de la balance commerciale a atteint des proportions insupportables.

«Il était temps que le gouvernement pose la question de la révision des accords de libre échange nuisibles au pays puisque certains d’entre eux ont plus de 15 ans d’application», concède-t-il.

Ceci dit, tout l’enjeu des renégociations des accords de libre échange sera de conserver un juste équilibre entre l’ouverture économique du Maroc, et la préservation de l’industrie nationale, avec l’objectif majeur de résorber le déficit structurel de la balance commerciale, dont les causes sont nombreuses.

Ce qui remet en selle le débat sur la nécessité de la diversification et celle du renforcement de la compétitivité de l’offre exportable du pays. Pour rappel, une analyse du CMC fait ressortir que plus de 70% des exportations nationales sont des biens réexportés dans le cadre des importations sous le régime de l’admission temporaire pour perfectionnement actif (ATPA) dont 90% sont absorbés par l’UE. Ces données confortent le défi majeur inhérent au raffermissement du positionnement du pays sur des produits finis à haute valeur ajoutée. Soulignons enfin que l’Asmex, avec le soutien du ministère dirigé par MHE, a bouclé l’étude portant sur l’offre exportable du Royaume qui devrait être présentée au Roi. ◆

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