Conjoncture : les indicateurs macroéconomiques se portent bien, mais les fragilités demeurent

Conjoncture : les indicateurs macroéconomiques se portent bien, mais les fragilités demeurent

Portée par une croissance solide et une inflation maîtrisée, l’économie marocaine affiche des indicateurs globalement positifs. Mais derrière cette embellie conjoncturelle, plusieurs fragilités structurelles continuent de freiner le potentiel de transformation du pays.

 

Par R. Mouhsine

Portée par une croissance solide et une inflation maîtrisée, l’économie marocaine offre en 2025 un visage rassurant. Le dernier World Economic Outlook du FMI confirme la trajectoire positive du Royaume : une croissance de 4,4% cette année, après 3,8% en 2024, puis 4,2% attendus en 2026.

Dans un environnement mondial encore incertain, ces performances placent le Maroc parmi les économies les plus dynamiques de la région MENA. L’inflation, contenue à 1,2%, traduit l’efficacité de la politique monétaire menée par Bank Al-Maghrib, qui maintient un taux directeur de 2,25%. Une stabilité rare dans un contexte international où beaucoup d’économies émergentes peinent encore à absorber le choc inflationniste post-Covid et la volatilité énergétique. Sur le plan budgétaire, les équilibres restent maîtrisés. La dette publique recule légèrement à 68% du PIB, la dette extérieure se stabilise autour de 36%, et le déficit courant demeure contenu à –2,3%.

Le FMI salue aussi la stratégie de diversification du Royaume: les exportations automobiles et aéronautiques continuent d’alimenter la croissance, tout comme les recettes touristiques en hausse de 12% sur les huit premiers mois de 2025. Pour Abdelghani Youmni, économiste et professeur associé à Sciences Po, «cette résilience témoigne d’un modèle marocain capable de transformer les incertitudes mondiales en opportunités».

Selon lui, le redressement agricole et la performance industrielle forment un socle de stabilité : «la pluviométrie abondante du printemps a relancé la production céréalière de 35%, portant la croissance à 4,4%. Le Maroc consolide un modèle de croissance endogène et exogène, appuyé sur la diversification industrielle et l’intégration aux chaînes de valeur mondiales».

Le Royaume bénéficie également d’un investissement public robuste -près de 320 milliards de dirhams par anet d’une attractivité croissante pour les investisseurs étrangers, dont les flux ont atteint 5,8 milliards de dollars entre 2024 et 2025 (+43%). Ces dynamiques soutiennent les grands chantiers liés à la CAN 2025 et à la Coupe du monde 2030, qui serviront de catalyseur à l’investissement privé et à la modernisation des infrastructures.

Une demande intérieure revigorée

Les données du haut-commissariat au Plan (HCP) confirment cette tendance. La croissance atteindrait 4,7% au quatrième trimestre 2025, portée par une consommation des ménages en hausse de 4,4% et un investissement en progression de 12,6%. Les services restent le principal moteur (+4,7%), suivis de l’industrie (+4,4%) et de la construction.

L’agriculture, encore tributaire des aléas climatiques, bénéficie cette année de conditions favorables. Cette vitalité interne traduit un retour de confiance : la hausse des salaires publics et privés, conjuguée à la baisse de l’impôt sur le revenu, a soutenu le pouvoir d’achat et alimenté la dynamique de la demande. Mais derrière ces chiffres flatteurs, plusieurs signaux invitent à la prudence. Le marché du travail reste le talon d’Achille du modèle marocain: 13,1% de chômage et plus de 33% chez les jeunes diplômés.

«Chaque point de croissance ne crée qu’environ 30.000 emplois», rappelle Abdelghani Youmni. «C’est trop peu pour absorber les 500.000 nouveaux entrants sur le marché chaque année. Le pays compte 1,8 million de jeunes sans emploi ni formation : c’est un risque social majeur», poursuit-il.

Pour l’économiste, la réponse passe par une refonte du modèle de formation : «Nos universités forment encore pour des métiers d’hier. Il faut instaurer une véritable alternance entre formation et entreprise, valoriser les métiers techniques et accélérer la féminisation du marché du travail; la participation des femmes ne dépasse pas 21%». Autre défi : la productivité, qui progresse lentement. Le FMI insiste sur la nécessité d’améliorer le climat des affaires et la gouvernance publique, tandis que le secteur informel (près d’un tiers du PIB) continue de brouiller la lecture des performances réelles.

Dépendances et vulnérabilités

Le Maroc reste exposé à deux dépendances majeures : l’énergie et le climat. «Nous importons encore 94% de notre énergie», souligne Youmni, précisant que «la facture énergétique a atteint 11,5 milliards de dollars en 2022, avant de retomber autour de 114 milliards de dirhams en 2024. Cette volatilité pèse sur la balance commerciale et fragilise la souveraineté économique».

Mais le pays avance dans la bonne direction : les énergies renouvelables représentent déjà 37% du mix électrique, et devraient dépasser 52% d’ici 2030, grâce aux projets Noor, Tarfaya et aux futurs complexes d’hydrogène vert. «Chaque point de substitution d’énergie fossile par du renouvelable permet d’économiser environ 2 milliards de dirhams par an», ajoute-t-il.

Sur le front agricole, le FMI continue d’alerter sur la vulnérabilité climatique. La croissance marocaine reste fortement corrélée aux précipitations, preuve que la transition vers une agriculture plus résiliente n’est pas encore aboutie. Youmni estime que «le Maroc doit repenser son modèle agricole, trop centré sur quelques filières exportatrices, et favoriser l’émergence d’une véritable classe moyenne rurale». Malgré ces fragilités, les perspectives demeurent favorables.

Les grands projets structurants, les investissements publics soutenus et l’ouverture maîtrisée de l’économie devraient permettre de maintenir une croissance robuste au-delà de 2026. Mais, prévient Youmni, le véritable enjeu est désormais qualitatif : «la croissance doit se traduire en inclusion. Les réformes de la santé, de l’éducation et de la fiscalité, ainsi que la généralisation de la protection sociale, détermineront la capacité du Maroc à transformer cette dynamique en prospérité partagée». 

 

 

 

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