Reconnaissance des établissements d’enseignement privé : Les professionnels fustigent l’attitude cavalière de la tutelle

Reconnaissance des établissements d’enseignement privé : Les professionnels fustigent l’attitude cavalière de la tutelle

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Suite au cahier des charges afférent aux critères de reconnaissance par l’Etat des établissements d’ensei­gnement supérieur privé, récemment rendu public par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, certains experts s’interrogent sur la pertinence de certaines conditions qui privilé­gient l’aspect quantitatif au détriment de la qualité de la formation.

L’ouverture pour le dépôt des dossiers de demande pour la reconnaissance par l’Etat des établissements d’ensei­gnement supérieur privé, récemment lancée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, tombe à point nommé. En effet, les opéra­teurs privés attendaient cette décision depuis des années. Il convient d’emblée de préci­ser que cette reconnaissance permet, de facto, aux éta­blissements d’enseignement supérieur privé de délivrer des diplômes équivalents à ceux de l’enseignement public. Cela dit, les établissements privés sont astreints à satis­faire à une panoplie de cri­tères techniques et pédago­giques pour l’obtention de la reconnaissance par l’Etat. Au chapitre des critères tech­niques, le Département de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique exige, entre autres, que l'éta­blissement d'enseignement supérieur privé soit bâti sur un espace architectural adé­quat. De plus, le dossier spé­cifique pour la demande de la reconnaissance par l’Etat précise que les constructions doivent être indépendantes et destinées exclusivement et entièrement aux activités de formation et de recherche ainsi qu’aux exigences de la vie estudiantine, tout en res­pectant les normes de sécu­rité et d’hygiène. Contacté par nos soins sur la pertinence de ces critères techniques, Hassan Sayarh, Directeur général, directeur des études du groupe HEM, estime que les critères «d’infrastructures et d’architecture adéquates» relèvent plus de l’autorisation que de la reconnaissance, qui doit être axée davantage sur la qualité de l’enseignement et sur les aspects pédago­giques. Toujours au registre des critères techniques, les établissements privés sont, par ailleurs, tenus de dis­poser de tous les équipe­ments scientifiques et d’avoir d’autres infrastructures spéci­fiques (buvette ou restaurant, parking, espaces d'accueil, infirmerie et espaces cultu­rels).

L’aspect quantitatif prend le pas sur la qualité

Au volet des critères pédago­giques, le ministère dirigé par Lahcen Daoudi impose aux établissements d'enseigne­ment supérieur privé de dis­poser d’un corps enseignant permanent, assurant 60% du volume horaire global annuel des formations, à condition que 50% des membres de ce dernier soient au moins titulaires d’un Doctorat. A en croire Hassan Sayarh, il serait inappoprié de qualifier cette conditionnalité de dra­conienne.

Toutefois, celui-ci estime que cette exigence ne verse pas dans le sens de l’amélioration des aspects qualitatifs des formations délivrées par les établissements d’enseigne­ment supérieur privé. «Une condition pareille pousse les écoles privées à se soucier plus de l’aspect quantitatif au détriment de la qualité. A mon sens, accorder un intérêt à la qualité de la formation sup­pose avoir des enseignants compétents, qui peuvent être docteurs ou non, permanents ou vacataires», poursuit-il. L’autre critère pédagogique qui retient l’attention est que l'établissement d'enseigne­ment supérieur privé solli­citant la reconnaissance de l’Etat est contraint d’avoir un effectif global suffisant d’enseignants lui permettant d’afficher un taux d’encadre­ment correct.

Par exemple, pour le domaine de la santé, il est nécessaire d’avoir un enseignant pour dix étudiants au maximum, et un enseignant pour 25 étu­diants au maximum pour les filières de gestion, manage­ment et commerce. Ces taux semblent être raisonnables, mais certains professionnels estiment qu’il serait plus opportun d’avoir des four­chettes ou des tranches qui soient moins rigides et moins pénalisantes pour les écoles privées. Au-delà de ces ratios, le directeur des études du groupe HEM reste convaincu qu’il serait plus judicieux que l’évaluation globale donnant lieu à la reconnaissance des écoles privées par l’Etat soit davantage axée sur l’aspect qualitatif que quantitatif. «En posant ce genre de conditions quantitatives, le risque est que le ministère de tutelle et les établissements concernés s’orientent vers une réponse quantitative aux exigences du cahier des charges», déplore notre interlocuteur.

Cela dit, Hassan Sayarh s’in­terroge sur l’opportunité du timing de l’ouverture pour le dépôt des dossiers de demande de reconnaissance qui intervient au mois d’août. De plus, il souligne l’absence de concertation avec les éta­blissements d’enseignement supérieur privé lors de l’éta­blissement du cahier des charges, tout en pointant du doigt la posture cavalière de la tutelle.

Un plan d'action pour les projets de recherche scientifique

Au regard du cahier des charges, les opérateurs privés sont tenus de dis­poser d’un plan d'action pour les projets de recherche scientifique ainsi que son développement sur les 5 années à venir, tout en ayant un budget affecté à cette recherche scientifique. Cette condition est pertinente, eu égard à l’importance de la recherche scientifique qui, selon certains experts, doit être orientée vers les besoins de l’économie nationale mais aussi vers les préoc­cupations pédagogiques de l’établissement en question.

Momar Diao

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