Amal Bourquia, Professeur de néphrologie et dialyse, présidente de l'association marocaine de lutte contre les maladies rénales, Éthique médicale, consulting et communication médicales. associationreins@gmail.com, www.amalbourquia.com
La disponibilité de plusieurs vaccins contre le COVID19, leur efficacité annoncée et les informations rassurantes sur leur sécurité sont des nouvelles encourageantes, d’autant que les différentes étapes de validations scientifique et réglementaire semblent être respectées. Les vaccins retenus par le Maroc ont des méthodes de fabrication déjà utilisées en médecine et dite "classiques", donc bien connus et ces vaccins présentent des avantages en termes de stockage.
Fragilité des dialysés
Les patients en insuffisance rénale chronique ont un trouble de l’immunité et les vaccins en général sont moins efficaces chez les immunodéprimés. Il est possible que ce soit le cas pour ce vaccin, d’autant plus que les études n’ont pas inclus cette catégorie de patients.
Par ailleurs les patients en hémodialyse périodique en centre, représentent une population vulnérable importante à cause de leur capacité limitée à faire face au virus et de leur vulnérabilité accrue aux infections. On sait par ailleurs que cette population est plus de risque de développer des complications ou de mourir après infection par le Covid19. Sans oublier que ces patients ont souvent de nombreux facteurs de risque et donc une grande comorbidité.
Il faut noter que la nature même de leur traitement les expose au risque d’infection par le covid19, ils sont dans la plupart des cas obligés de se déplacer au centre de dialyse et donc de se retrouver plusieurs fois par semaine en contact avec d’autres patients et avec les membres du personnel soignant.
Les patients utilisent également des moyens de transport public ou familiaux, vers et depuis les installations de dialyse et sont en contact avec un grand réseau des prestataires de soins de santé qui soignent ces patients aussi bien en milieu ambulatoire et hospitalier.
Ces circonstances exposent les patients à l’infection et aussi à d’éventuels contaminateurs vu le grand nombre de personnes qu’ils sont obligés de côtoyer régulièrement. D’autres communautés rénales ont également insisté sur cette priorité comme par exemple la grande Bretagne qui donne la priorité pour la vaccination des patients traités par dialyse.
La meilleure façon de maximiser la sécurité des patients dialysés est de limiter les expositions au risque. Pour d'autres maladies infectieuses, cela a été accompli grâce à des campagnes dans les centres de dialyse pour augmenter les taux de vaccination des patients et du personnel, y compris pour les virus de la grippe et de l'hépatite B.
Ces leçons, qui mettent l'accent sur la vaccination des patients et du personnel, peuvent être étendues au COVID-19, où, pour maximiser la sécurité, le personnel de dialyse et les patients sous dialyse doivent être une priorité élevée pour la vaccination.
Depuis des dizaines d’année ces patients sont vaccinés contre de nombreuses maladies sans effets secondaires particuliers ou risque de complications. On pense que leur comportement vis avis du vaccin contre le covid 19 serait pareil. Il est à noter qu’il n’y a pas d’études concernant la vaccination de ces patients.
La même procédure est à appliquer aux patients en insuffisance rénale sévère au stade de predialyse. Ces patients peuvent aussi, comme le reste de la population avoir quelques effets indésirables de la vaccination comme une douleur au point d’injection, un mal de tête, une fatigue ou une fébricule.
Sachant que la distance physique n'est pas faisable pour les patients sous dialyse, cette hiérarchisation profite non seulement à ces patients individuels, mais également aux membres du personnel qui les rencontrent fréquemment, y compris les fournisseurs de transport et les membres de la famille qui transportent ces patients.
Comme la durée de l'immunité à long terme n'est toujours pas connue pour le moment il est difficile de donner une réponse exacte aux dialysés qui ont déjà été contaminés par le virus qui veulent se faire vacciner.
Les cas de réinfection au Covid19 n'étant pas assez documentés pour l’instant, la question de l’immunité et réinfection par le Covid19 reste toujours flou et les données scientifiques recueillies pour le moment ne permettent pas de savoir s’il y a un bénéfice à vacciner les personnes qui ont déjà été infectées. Cependant il n’y a pas d’effets indésirables constatés pour les personnes infectées par le Covid19 puis vaccinées avec un recul moyen de 3 mois.
Une bonne surveillance, un contact permanent avec le médecin traitant et un contrôle régulier au centre pour les dialyses, afin de détecter précocement les éventuels effets indésirables est une des recommandations à observer pour la population de dialyses avant et après la vaccination même si les données d’immunogénicité et de sécurité́ à court terme sont rassurantes. Nombreux services de dialyse et de greffe rénale en Europe ont la vaccination de leurs patients.
Le personnel en dialyse
Les différents pratiques d'immunisation recommandent que les travailleurs de la santé soient les premiers à être vacciner contre le coronavirus, il doit en être de même du personnel des établissements de dialyse qui doivent être inclus en tant que receveurs prioritaires du vaccin, et ce quel que soit leur âge, étant donné qu’ils peuvent être contaminé dans les centres mais surtout être un vecteur de contamination et donc un danger pour les malades.
De manière critique, les réponses immunitaires à la vaccination contre le SRAS-CoV-2 sont inconnues en raison du manque de données et des plans de surveillance doivent être mis en place avec des barrières minimales pour évaluer la sécurité et l'efficacité des vaccins.
Les prestataires de dialyse et la communauté de la santé publique devront travailler ensemble pour surmonter les obstacles logistiques potentiels à l'administration des vaccins dans les centres de dialyse afin de maximiser l'utilisation des vaccins dans cette population vulnérable.
La logistique de la vaccination est essentielle pour les patients sous dialyse et le personnel de dialyse est particulièrement bien placé pour administrer des vaccins à cette population très vulnérable à un intervalle de trois à quatre semaines, compte tenu des contacts nombreux et répétés (trois fois par semaine). Les centres de dialyse sont compétents pour suivre l'administration des vaccins et l'infection. De même que pour la surveillance pour évaluer la réponse vaccinale via des tests sérologiques.
Bien que les centres de dialyse se soient bien organisés pendant la pandémie pour protéger cette population de patients fragiles avec peu de cas décrits de transmission au sein de l'établissement, ces centres d'hémodialyse demeurent des milieux à haut risque.
Au sein de l’association REINS, nous soutenons que la priorisation stratégique des patients sous dialyse pour la vaccination COVID-19 augmentera la sécurité dans les centres de dialyse, réduisant le risque d'infection chez les patients qui sont obligatoirement rassemblés lors de séances d'hémodialyse relativement prolongées aux côtés du personnel de dialyse.