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«Le labyrinthe de l’archange», vingtième livre de Abdelhak Najib aux Editions Orion

«Le labyrinthe de l’archange», vingtième livre de Abdelhak Najib aux Editions Orion
 
Un livre poignant. Une histoire serrée dans son étau.
 
 
Par Noureddine Bousfiha
Écrivain et poète, spécialiste des littératures
 
 
 
Abdelhak Najib écrit comme il vit, selon l’ordre d’une sensibilité qui le porte à la communion des êtres qui l’habitent. Le «Labyrinthe de l’Archange» qu’il vient de publier n’est pas un livre facile ni non plus indifférent.
 
Le titre à lui seul convoque une symbolique sur laquelle le lecteur averti ne peut dévier. L’évocation du labyrinthe le renvoie pour sûr à penser que le dédale est d’abord un lieu d’égarement et de danger, que tous ceux qui s’y hasardent risquent de se perdre et connaître d’immenses périls. Que L’archange dont il s’agit ici est d’abord charnel. Il ne vient pas rétablir l’ordre, mais pour délivrer un message aux dieux qui se cachent. 
 
 
Récit combien intéressant, dans le sens exact de l’étymologie du terme : «inter esse», être au milieu, parmi les choses et les hommes. Par plusieurs de ses aspects, ce premier tome constitue une contribution importante à l’histoire des couloirs de la mort. Par un autre aspect, plus intérieur, le livre est aussi l’histoire de quelques âmes tourmentées qui font face à leur destin et à la réalité carcérale dans laquelle ils survivent.
 
Des fragments de vies sans lien où on tente de refaire un tout. Passé la lourde, les condamnés sont précipités dans le purgatoire, dans une atmosphère pesante qui les transporte dans un monde implacable où ils ne peuvent enregistrer que des impressions rapides. La conversation s’interdit, la langue s’embarrasse, la fatigue et le doute accablent. Rien n’apaise, rien n’advient comme on peut l’attendre. Leur témoignage est cependant ailleurs, dans la réalité tranchante, poussée jusqu’à ses limites extrêmes.
 
Le Labyrinthe de l’Archange n’est tout simplement pas comparable aux œuvres qui le précèdent. L’auteur s’y montre pressé de raconter, non pas l’histoire des condamnés, mais plutôt celle d’une manière de penser le chaos et la nuit. La seule lecture dérange, secoue, dépiaute, étripe. La réalité qui y est décrite n’est ni peinte, ni imaginée; elle s’avère une vraie descente aux enfers.
 
Outre une langue savamment inventée qui n’exclut ni l’émotion ni la sensibilité, des paroles d’apparence prémonitoire sont proférées dans une terrible promiscuité où l’on vit comme n’y vivant pas. Pas une phrase qui ne souligne l’aspect dramatique ou cocasse des situations. Il y a comme un besoin d’expression exacte pour décrire le trait le plus précis.
 
Les mots ne disent pas la vie mais montrent sa brusquerie. Parfois, ils ne sont pas maniés avec prudence, mais l’auteur sait quel sens leur attribuer. Il jette par ailleurs sur les choses un regard qui va au-delà des apparences. Il va même très loin, entraîné à contresens du mouvement de la spirale. 
 
 
Mais à trop insister sur l’univers carcéral, on risque d’en méconnaître le dessein des personnages qui ont tous quelque chose de commun, quelque chose qui couve : un accent, une brutalité, un aveu qu’ils dévoilent avec un naturel confondant. Deux d’entre eux doivent retenir l’attention : Nabil, héroïque jusqu’à l’absurdité, prenant d’assaut les événements; et le vieil homme qu’on imagine sans peine, se cantonnant volontiers dans un passé qui l’eût égaré.
 
L’un parle avec le feu baladeur dans la bouche, se cogne aux événements et nous invite aux rages, l’autre dont le discours est soigneusement désordonné, nous réserve sa part du mystère. Comment ne pas saluer le talent d’un écrivain qui sait, diantrement, marier les contraires ?
 
Le labyrinthe de l’archange, Éditions Orion. 500 pages. Juin 2021.

 

 

 

 

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