◆ Le secteur privé pourrait constituer une base pour la relance de l’employabilité en 2021, mais à condition de mettre en place certaines mesures visant à alléger le poids de cette crise sur les entreprises.
◆ Entretien avec Naïm Bentaleb, co-fondateur et Directeur général d’Xpertize Africa, cabinet spécialisé en solution RH.
Propos recueillis par B. Chaou
Finances News Hebdo : Comment le marché de l'emploi évolue-t-il depuis la reprise de l'activité économique en juillet ?
Naïm Bentaleb : Comparativement à l’année précédente, il y a clairement moins de recrutements. Après le confinement, nous nous attendions à un regain d’activité, même timide. Malheureusement, aujourd’hui, le marché de l’emploi n’est pas au mieux de sa forme, et ce malgré les initiatives de relance qui pouvaient donner un peu d’espoir aux entreprises. Par exemple, les initiatives telles que «Damane Oxygène» et «Damane Relance» avaient créé une certaine effervescence, laissant penser que des solutions seraient trouvées pour sauver un bon pourcentage des emplois.
Toutefois, le soufflé est vite retombé et les entreprises se sont résignées à dérouler des plans sociaux. Ajoutez à cela l’incertitude latente quant à la maîtrise de la pandémie, les offres d’emploi se sont amoindries même après la reprise. Les dirigeants pensent plus à des alternatives et les fonctions stratégiques essaient de combler le manque au niveau opérationnel.
Nous remarquons également que les contrats «CDD» et les freelances sont un peu plus récurrents à cause du manque de visibilité qui pousse les entreprises à ne pas vouloir s’engager en recrutement. Il faudra s’attendre dans les mois à venir à une hausse des demandes d’externalisation et de sous-traitance.
F.N.H. : Qui du secteur privé ou public pourrait relancer l'employabilité au Maroc ?
N. B. : Avec la diminution des postes budgétaires, le secteur privé pourrait constituer une base pour la relance de l’employabilité en 2021. Cependant, pour que cela soit possible, il faudrait envisager la mise en place de certaines mesures visant à alléger le poids de cette crise sur les entreprises du privé.
Il faut aussi encourager le recrutement des jeunes diplômés, en proposant notamment certains avantages aux entreprises engagées dans cette optique, et en s’investissant davantage dans l’orientation pour améliorer l’employabilité.
F.N.H. : Quels sont les secteurs qui créent des postes d’emploi depuis la reprise de l’’activité économique ?
N. B. : Les métiers IT, du digital et tout ce qui a trait au e-commerce créent des postes d’emploi. Etant donné que les déplacements sont drastiquement réduits, les achats et transactions commerciales se font en ligne. Les entreprises ont donc dû s’adapter. Il y a eu aussi pour les mêmes raisons un boost dans les services de livraison.
Pour ces métiers-là, les principaux acteurs sont restés actifs. Le tassement est très limité comparé au reste des autres secteurs. Les profils supports tels que les RH et la finance sont aussi très sollicités pour des raisons stratégiques.
Les DG ont besoin de la stratégie de leurs financiers pour optimiser les coûts, faire le prévisionnel, constituer les dossiers de financement… Et les RH sont sollicitées sur la partie organisationnelle, restructuration, aménagement des horaires… Bien entendu, certains secteurs tels que l’agroalimentaire, l’industrie pharmaceutique, les produits de grande consommation sont épargnés. Par contre, d’autres secteurs ont été mis à terre, notamment celui lié au tourisme et loisirs et une bonne partie des services.
F.N.H. : Concernant l'activité des professions libérales, comme les autoentrepreneurs par exemple, l'Etat devrait mettre en place des mesures afin d'intégrer cette catégorie dans l'activité économique à travers des appels d'offres bien ciblés. Qu'en pensez-vous ?
N. B. : En effet, développer les appels d’offres orientés vers les autoentrepreneurs parait être une bonne idée. Néanmoins, la difficulté de cette approche réside dans le fait que si un projet nécessite une dizaine de compétences par exemple, il faudra regrouper 10 autoentrepreneurs n’ayant jamais travaillé ensemble.
Dès lors, la compétence de gestion de projet devient cruciale. Je doute que l’Etat ait la capacité RH de gérer cela, ou alors il lui faudrait également prendre des chefs de projets «Freelance». La problématique va également résider dans la «responsabilité du projet», les pénalités de retard… Ça me semble très compliqué à mettre en œuvre. Par contre, des entreprises qui soumissionneraient à des appels d’offres pourraient, elles, faire appel à des autoentrepreneurs.