◆ Il existe de grands écarts entre les 12 régions du Maroc en termes de dépenses tiers payant pour les services utilisés par les bénéficiaires de l’AMO.
◆ Le système de santé est aussi confronté à l’iniquité de la couverture sanitaire et d’offres de soins.
Par M. D. & B. C
La pandémie qui sévit à l’échelle nationale et internationale a montré une fois de plus l’urgence pour les Etats d’œuvrer à la consolidation de leurs systèmes de santé afin d’en accroître la résilience. Faudrait-il le rappeler, le droit à la santé est un droit humain fondamental consacré par le droit international (OMS, Déclaration universelle des droits de l’Homme, etc.).
L’article 31 de la Constitution marocaine de 2011 enjoint les pouvoirs publics d’œuvrer à la mobilisation des moyens disponibles afin de faciliter l’égal accès des citoyens aux conditions leur permettant de jouir du droit aux soins de santé. C’est dans ce contexte que s’est tenue récemment, par visioconférence, une rencontre co-organisée par la Trésorerie générale du Royaume (TGR) et l’Association pour la fondation internationale de finances publiques (Fondafip) sous le thème : «Quel droit à la santé au Maroc et en France ? Financement de la santé, territoires et intelligence artificielle».
La question du financement de la santé a été remise sous le feu des projecteurs dans les pays développés, avec l’irruption de la crise sanitaire liée à la Covid-19. En l’espace de quelques semaines, la pandémie est parvenue à saturer les capacités d’accueil des systèmes de santé jusque-là considérés comme étant solides.
Pour un pays comme le Maroc, contraint d’élargir la couverture sociale et sanitaire de la population, le financement de la santé s’avère être une composante cruciale. Pour cause, si les recommandations de l’OMS en matière de financement de la santé tournent autour de 12% du Budget général des États, le Maroc ne consacre que 6% du BGE à ce secteur névralgique.
Les ménages marocains assument 50% des dépenses de la santé. Ce qui reste encore élevé si l’on se réfère aux recommandations de l’OMS qui fixe un seuil de moins de 30%.
Prédominance des inégalités
Il ressort des échanges de cette rencontre un point focal lié, entre autres, à l’iniquité de la couverture sanitaire et d’offres de soins. L’analyse présentée par Jaafar Heikel, épidémiologiste et docteur en économie sur l’Assurance maladie obligatoire (AMO), a permis de dégager plusieurs tendances, dont la disparité régionale et intrarégionale des dépenses de santé chez les personnes bénéficiant de l’AMO.
«Aujourd’hui, il existe de grands écarts entre les 12 régions du Maroc en termes de dépenses tiers payant pour les services utilisés par les bénéficiaires de l’AMO. A titre d’exemple, pour la région de Drâa-Tafilalet, celles-ci tournent à 383 DH par personne contre 1.114 DH pour la région Casablanca-Settat, avec une très grande iniquité régionale», révèle t-il.
L’on note également un grand fossé entre les dépenses de l’AMO dans le secteur privé par rapport au secteur public et selon le type d’assuré. A cela s’ajoute une incohérence dans les dépenses par famille de soins aussi bien entre secteur privé et public qu’entre les différentes régions du Royaume.
Miser sur la prévention pour limiter les dépenses
Le directeur de la Planification et des Ressources financières du ministère de la Santé, Abdelouahab Belmadani, a mis en relief des pistes allant dans le sens de la rationalisation des dépenses de santé afin d’améliorer le financement du secteur. Le responsable du ministère de la Santé prône la mise en place des politiques publiques pour agir en amont et réduire les coûts des prises en charge.
«Il faut intervenir en amont et cela commence par la prévention. Cette approche permettra de faire des économies sur le budget de la Santé», dixit Abdelouahab Belmadani. Ce dernier plaide également en faveur de l’élaboration d’une carte sanitaire équitable afin d’améliorer l’offre et les coûts de soins.
Dans le même ordre d’idées, de nouveaux mécanismes de financement de la santé doivent être de mise, à l’instar des taxes sur les produits nocifs pour le financement des soins des maladies provoquées par ceux-ci.