Dans le contexte du Covid-19, comment les commissaires aux comptes accompagnent-ils les entreprises ? Quelle est l'incidence sur l'audit des comptes ? Comment s'opère la la revue des arrêtés trimestriels? Dans cet entretien, Amine Baakili, Président de l'Ordre des experts comptables, nous livre une lecture détaillée sur les implications du Covid-19 sur les missions des commissaires aux comptes.
Finances News Hebdo : Quelles sont les incidences de la pandémie sur les comptes clôturés au 31 décembre 2019 ? Les sociétés doivent-elle mentionner des informations supplémentaires sur les effets de la pandémie dans les rapports de gestion ?
Amine Baakili : L’épidémie de Covid-19 est un évènement qui n’a été décrété et n’a produit ses effets qu’en 2020, les actifs et passifs ainsi que les charges et produits mentionnés respectivement au bilan et au compte de produits et charges au 31 décembre 2019 sont comptabilisés et évalués sans tenir compte de cet évènement et de ses conséquences.
En revanche, la société doit indiquer cet événement dans les états des informations complémentaires faisant partie des états de synthèse (ETIC) dans la partie intitulée « Evénements nés postérieurement à la clôture de l’exercice, non rattachables à cet exercice et connus avant la première communication externe des états de synthèse ».
Cette information portée dans l’ETIC doit indiquer, autant que possible et en fonction de la disponibilité de l’information, des impacts connus et estimables à la date d’arrêté de ces comptes. Même si la crise n’a aucun effet sur l’activité de l’entité, la société doit en faire mention.
Les sociétés doivent également mentionner l’impact COVID-19 dans la partie relative aux perspectives d’avenir au niveau du rapport de gestion.
Les informations sur cet évènement peuvent être de nature qualitative ou quantitative comme la baisse importante du chiffre d’affaires estimé à la date d’arrêté des états de synthèse, la fermeture de sites de production, le recours à des mesures de réduction du temps de travail, les licenciements, la mise en place de plan de restructuration opérationnelle ou financière ou l’évolution du montant des créances échues non recouvrées ou des dettes échues et non réglées, le redressement ou règlement judiciaire d’un débiteur ou d’un créancier important, l’impossibilité d’approvisionnement ou d’écoulement.
«Les sociétés doivent également mentionner l’impact COVID-19 dans la partie relative aux perspectives d’avenir au niveau du rapport de gestion».
F.N.H : Y a-t-il des diligences particulières à mettre en place par le commissaire aux comptes?
A.B : La pandémie de Covid-19, n’étant pas liée à une situation existante à la date de clôture, elle n’aura donc pas d’incidence sur les états de synthèse de l’exercice 2019. Il s’agit d’un événement post-clôture qui nécessitera une communication appropriée par l’organe habilité (conseil d’administration, directoire, gérance).
La mission du commissaire aux comptes consistera, plus particulièrement, à s’assurer que la société auditée fournisse et communique une information appropriée à l’assemblée générale ordinaire qui statuera sur les comptes.
A ce titre, je souhaite rappeler que l’Ordre des Experts Comptables a émis une Directive dans ce sens qui indique les diligences à effectuer par les commissaires aux comptes dans le contexte de la pandémie COVID-19 et les impacts éventuels sur leurs rapports d’opinion.
F.N.H : L'article 6 qui prévoit la suspension de tous les délais légaux et réglementaire en vigueur pendant la période de l’état d’urgence sanitaire, concerne-t-il toutes les entreprises (toutes tailles confondues)?
A.B : Le décret-loi n° 2.20.292 et le décret 2.20.293 portant sur les dispositions relatives à l'état d'urgence sanitaire ont été publiés, le 24 mars 2020, au bulletin officiel n° 6867 bis.
Les textes précités stipulent, entre autres, que tous les délais précédemment fixés par voie législative ou règlementaire sont suspendus pendant la période d’urgence et que les autorités publiques sont habilitées, à titre exceptionnel, à prendre toute mesure d’ordre économique, financier, social ou environnemental pour parer aux effets négatifs de la pandémie. Et cette suspension concerne toutes les entreprises personnes physique et morales indépendamment de leur taille.
Et cette suspension concerne toutes les entreprises personnes physique et morales indépendamment de leur taille.
F.N.H : Qu'en est-il de certaines sociétés (cotées) tenues de publier leurs états de synthèse du premier trimestre, à l'image des établissements bancaires par exemple ? Comment peut s'opérer l'audit et la certification par les commissaires aux comptes ?
A.B : Il s’agit effectivement d’une situation inédite vu que la période d’urgence sanitaire est intervenue alors que plusieurs missions d’audit étaient en cours sur le terrain. La priorité a été de mettre en place un cadre de travail sécurisé pour nos collaborateurs et nos clients.
S’agissant de la revue des arrêtés trimestriels, requise pour certaines sociétés à l’instar des établissements bancaires, les commissaires aux comptes sont tenus d’effectuer un examen limité des comptes dont les diligences sont moins étendues que celles requises pour un audit. En effet, elles consistent essentiellement à s'entretenir avec le management et à mettre en œuvre des procédures analytiques. Les solutions de travail, déjà mises en place avec les clients depuis mi-mars, permettent de répondre à ces diligences et réaliser la revue des comptes trimestriels.
Propos recueillis par Y.S