Dun Trade : Un «antidote» contre les retards de paiement dans le privé

Dun Trade : Un «antidote» contre les retards de paiement dans le privé

Entretien avec Amine Diouri, directeur études & communication et responsable du programme Dun Trade chez Inforisk 

 

Dans cet entretien, le responsable du programme Dun Trade au Maroc nous explique comment va s’organiser la mutualisation des comportements de paiement dans le secteur privé via ce programme. 

Le crédit interentreprises dans le secteur privé représente aujourd’hui 420 milliards de dirhams. 

 

Propos recueillis par Youssef Seddik

 

Finances News Hebdo: Vous avez officiellement lancé, jeudi 7 novembre, le programme Dun Trade. Quels sont concrètement ses avantages pour les entreprises marocaines ? 

Amine Diouri : Le Dun Trade est tout d’abord un programme mondial, déjà présent dans 47 pays. Le Maroc devient donc le 48ème pays à le mettre en oeuvre mais surtout le 1er pays africain à tenter cette aventure. J’ajoute que ce programme est particulièrement adapté aux pays qui connaissent de forts retards de paiement et qu’il a, à de nombreuses reprises, fait ses preuves. C’est pour cela qu’à ce jour, 15.000 entreprises dans le monde (appelées partenaires) acceptent de jouer le jeu en partageant leur data comptable clients. 

Les avantages du programme Inforisk Dun Trade sont très concrets pour nos entreprises marocaines : partager de manière transparente et totalement anonyme de l’information sur les retards de paiement subis par les entreprises partenaires du programme. Grâce à ce partage puis à la mutualisation de la data, les entreprises partenaires permettent d’identifier non seulement, les bons mais aussi et, surtout, les mauvais payeurs de leur base clients.

Individuellement, le partenaire peut surtout comparer les retards de paiement qu’il subit par rapport à ses clients et voir comment ces mêmes clients paient leurs autres fournisseurs du même secteur. Au final, l’information que nous lui restituons, lui permet de faire des arbitrages par rapport à ses clients (recouvrement immédiat des clients à risques, business additionnel avec les clients bons payeurs, diminution du courant d’affaires avec les mauvais payeurs), qui auront un impact très positif sur son DSO et donc sur sa trésorerie. 

 

F.N.H. : Dans quel contexte ce programme a-t-il été lancé ? 

A. D. : Le climat des affaires au Maroc est selon moi caractérisé par une certaine méfiance entre opérateurs privés : les retards de paiement y sont pour beaucoup. Je rappelle que le crédit interentreprises (privé) représente aujourd’hui 420 milliards de dirhams, supérieur à l’encours des banques aux entreprises, et que ce crédit interentreprises est porté pour moitié par les grandes entreprises ! De l’autre côté, les TPE souffrent de ces délais de paiement : avec des délais clients oscillant entre 6 et 8 mois, elles sont les premières victimes de défaillances d’entreprises (98%). J’ajoute que les encours d’impayés (chèques et LCN) augmentent de plusieurs dizaines de milliards de dirhams chaque année. Tout cela donne une vision bien sombre de la réalité aujourd’hui. Le Dun Trade vient dans ce contexte essayer de redonner de la confiance aux opérateurs économiques, en rendant transparente l’information qui hier était encore cachée : les bons payeurs seront davantage sollicités, alors que les mauvais payeurs seront aussi plus visibles. 

F.N.H. : Avez-vous trouvé des échos favorables auprès des premières entreprises approchées ? 

A. D. : Avant son lancement officiel la semaine dernière, nous sommes allés à la rencontre d’une cinquantaine d’entreprises, toutes tailles confondues, pour leur présenter le programme Dun Trade et ses avantages. Le retour y fut très positif : une dizaine de ces entreprises sont déjà partenaires, d’autres devraient signer dans les prochains jours. Pour toutes, le retour fut excellent car elles y ont vu un espace d’expression, de partage de l’information sur les retards de paiement. Par ailleurs, être adhérent au programme offre un certain nombre d’avantages aux partenaires (mise à disposition d’une plateforme gratuite de gestion de portefeuille, mise à jour du référentiel clients…). Les entreprises y sont très sensibles. 

 

F.N.H. : Comment s’assurer de la fiabilité des informations sur les fournisseurs/clients ? 

A. D. : Premier élément, le Dun Trade porte sur les informations liées aux clients uniquement. Nous voulons savoir comment sont payées les entreprises partenaires. Pour cela, nous leur demandons chaque mois de nous envoyer une balance âgée, ce qui nous permet d’avoir une data à jour. La fiabilité des données transmises est confortée par la mutualisation de la data : pour un client donné, nous recoupons l’information provenant de différents partenaires sur ladite entreprise. Dernier élément, nous avons en interne des experts data et comptabilité, qui s’assurent de la cohérence de l’information avant qu’elle soit insérée dans notre base de données. 

 

F.N.H. : Que pensez-vous du système de la sanction des mauvais payeurs, comme celui adopté en France ? 

A. D. : Je pense qu’il est nécessaire à un moment donné de sanctionner le mauvais payeur. Pour moi, 2 types de sanctions existent : la sanction pécuniaire et la sanction réputationnelle. 

Rien qu’aujourd’hui, la société française SFR a été sanctionnée pour ses retards de paiement répétés à une amende record de 3,7 millions d’euros par la DGCCRF. Par ailleurs, par le principe du Name and Shame, son nom est étalé dans la presse, ce qui nuit à sa réputation. 

L’exemple français montre clairement que seul un acteur indépendant (à l’instar de la DGCCRF), doté de moyens humains conséquents, pourra sanctionner les récalcitrants. Les entreprises marocaines ne peuvent pas s’autoréguler toutes seules : c’est une pure utopie de croire qu’une petite entreprise pourra faire valoir ses droits auprès de la grande entreprise. Le rapport de force est bien trop déséquilibré et la petite entreprise aura toujours peur de perdre un gros client, même s’il paye mal. 

 

 

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