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Coronavirus : Le dilemme fiscal de l'Etat

Coronavirus : Le dilemme fiscal de l'Etat

Entretien avec Abdelaziz Arji, expert-comptable, auditeur commissaire aux comptes, fondateur du cabinet Eurodefi-Audit, président de la Commission appui aux entreprises de la CFCIM.


 

L'État se trouve devant le dilemme de collecter l'impôt et de faire face aux dépenses occasionnées par la pandémie.

Malgré ces contraintes, la Direction générale des impôts a consenti des assouplissements pour soulager les entreprises.

 

Propos recueillis par B.C

Finances News Hebdo : Quelles sont les mesures fiscales phares adoptées afin de soutenir les entreprises face à la crise actuelle ?

 Arji Abdelaziz : Tout d’abord, la déductibilité des dons accordés au fonds spécial pour la gestion de la pandémie du Covid-19. Plusieurs entreprises ont versé et continuent de verser leur contribution volontaire au fonds de solidarité Covid-19 initié par sa Majesté le Roi.

Afin d’encourager cette action, les contributions accordées audit fonds, qualifié d'utilité publique, sont traitées comme des dons revêtant le caractère de charges déductibles du résultat fiscal. Les entreprises auraient pu contribuer plus massivement à ce fonds si les contributions versées avant le 31 mars 2020 pouvaient faire l’objet d’une déduction dans les bilans 2019. D’autant plus que 2020 sera sans doute comptablement une année catastrophique durant laquelle cette charge ne servira pas d’amortisseur fiscal. La DGI a finalement adopté le principe selon lequel la pandémie et l’état d’urgence ont été déclarés en 2020. Le fait générateur est de ce fait lié à l’exercice 2020. Par conséquent, la charge sera imputable à l’exercice 2020.

J’aurais à déplorer cependant que des salariés, surtout ceux disposant de hauts revenus, auraient souhaité contribuer au fonds Covid19. En effet, ils ne pourront pas déduire cette contribution de leur salaire avant calcul de l’impôt sur les revenus.

L’autre mesure importante est la suspension par le Comité de veille économique des avis à tiers détenteurs (ATD). La question est de savoir si les ATD antérieurs à la date du 18 mars et qui sont placés par les banques dans un compte provisoire, seront également suspendus. Hélas ! seuls les ATD qui étaient programmés à être émis à partir du 18 mars 2020 sont concernés par la suspension jusqu’au 30 juin 2020.

Je cite également comme mesure, le report des échéances des obligations fiscales.

 

 F.N.H. : Pourquoi la TVA et les droits de timbre ne font-ils pas l’objet de report ?

A. A. : La DGI a argué pour justifier cette décision qu’il s’agit d’impôts et taxes pour lesquels l’entreprise n’est qu’un intermédiaire qui collecte et verse lesdits impôts et taxes.

 

F.N.H. : Durant cette crise, il est difficile pour les entreprises de réunir certaines pièces justificatives, à l’image des factures. Comment se fera le remboursement de TVA supposé être déposé avant fin mars ?

A. A. : L’administration fiscale n’a pas repoussé le délai de dépôt des demandes de remboursement. Toutefois, les contribuables auront toute la latitude de compléter les dossiers avec les pièces justificatives manquantes dès qu’elles le pourront. Je déplore que le dispositif permettant au commissaire aux comptes ou à défaut à l’expert-comptable d’attester la réalité de la TVA à rembourser sans fournir les pièces originales par l’entreprise, n’ait pas été mis en œuvre. Il aurait fluidifié, facilité et renforcé la crédibilité des demandes de remboursement de la TVA pendant le confinement.

 

F.N.H. : Qu’en est-il des contrôles fiscaux et comment vont-ils être programmés ?

A. A. : La programmation des nouveaux contrôles fiscaux était déjà suspendue de facto bien avant la pandémie, du fait de l’amnistie fiscale prévue par la Loi de Finances 2020. Mais l’état d’urgence est venu suspendre y compris les contrôles en cours et qui étaient déclenchés avant le 31 décembre 2019 pour des raisons matérielles rendant impossible la poursuite des contrôles.

 

F.N.H. : Les délais pour les amnisties fiscales seront-ils revus ?

A. A. : A ce jour, les délais prévus pour les amnisties fiscales n’ont pas changé. Mais il faudra s’attendre à un rallongement de ces délais, notamment pour ceux dont la date butoir est le 30 juin 2020. Il s’agit notamment de l’amnistie sur les revenus immobiliers et celle sur les avoirs liquides, mobiliers et immobiliers.

 

F.N.H. : Quel est votre avis sur l’ensemble des mesures fiscales adoptées ?

A. A. : Les puristes du droit ont trouvé que les mesures prises par la DGI étaient en violation du décret-loi 2.20.292 -édictant des dispositions relatives à l’état d’urgence sanitaire publié le 24 mars au BO- qui avait tendance à généraliser le report de tous les délais légaux.

 Personnellement, et à l’instar de la majorité des membres de l’Ordre des experts-comptables, j’ai apprécié et compris le sens des mesures prises par la DGI. En effet, nous voulons d’un côté que les hôpitaux soient bien approvisionnés, que les services publics continuent à fonctionner et que les forces publiques maintiennent l’ordre. Or, l’État n’a quasiment que l’impôt pour financer ces dépenses. Par conséquent, j’ai été très pédagogue avec mes clients. Je les ai incités à payer les impôts et cotisations tant que leur trésorerie le permettait. Cela ne sert à rien de reporter une dépense au risque de la voir se cumuler avec d’autres dépenses au mois de juillet et août, des mois connus pour être difficiles en termes de recouvrement. ◆

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