L'Etat ne parvient pas à réduire son train de vie
La progression des salaires des fonctionnaires devrait alourdire les dépenses publiques.
Par B. Chaou
A quoi bon améliorer ses recettes fiscales, si dans le même temps on s’avère incapable de réduire ses dépenses ? C’est la question qu’il faut se poser lorsque l’on observe les chiffres de la Trésorerie générale du Royaume (TGR), arrêtés au mois d’avril 2019, et attestent d’une progression des dépenses de fonctionnement de 12,8%.
En d’autres termes, l’Etat continue toujours de vivre au-dessus de ses moyens. D’après Youssef Abouali, enseignant chercheur en économie, «toutes les rubriques du budget de l’Etat sont amenées à augmenter. Aucun gouvernement ne peut arrêter la hausse des dépenses. Cependant, il doit faire en sorte d’augmenter les recettes à travers divers moyens, tels que la bonne répartition de la charge fiscale ou encore une meilleure gouvernance».
Les dépenses de matériel ont alourdi la facture de l’Etat. Elles ont augmenté de 8,4% à 16,7 milliards de DH. Ce qui montre, d’après Youssef Abouali, une mauvaise gestion des ressources et des dépenses non maîtrisées.
Par ailleurs, les remboursements, dégrèvements et restitutions fiscaux ont eu également un impact sur les charges : ils s’élèvent à 3.251 MDH contre 1.993 MDH, en hausse de 63,1% (1,3 Md de DH). Cette augmentation s’explique en grande partie par l’accroissement des remboursements, dégrèvements et restitutions au titre de la fiscalité domestique, avec un montant de 3,23 milliard de DH contre 1,93 milliards de DH, en raison de la hausse des remboursements de la TVA à 3 milliards de DH à fin avril 2019 contre 1,581 milliard de DH une année auparavant.
Dépenses de fonctionnement du budget général
Une bonne tenue des ressources atténuerait la hausse des dépenses de fonctionnement, sauf que l’appréciation continue de ces derniers anime la crainte autour de la situation de la balance du Trésor public, surtout après l’augmentation des salaires des fonctionnaires.
Yasser Tamsamani, économiste et chercheur affilié à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Sciences Po Paris, relativise cependant. «Les choses ne suivent pas toujours une tendance linéaire; l’augmentation des salaires ne poussera pas automatiquement à la hausse des charges de fonctionnement sur le long terme. Nous pouvons supposer que l’augmentation des salaires incitera les fonctionnaires à la consommation, ce qui aura une influence par la suite sur la croissance. Cela permet de nuancer les discours alarmants», dit-il.
N’empêche que nous pouvons supposer que l’effet des habitudes de consommation des fonctionnaires ne sera pas immédiat sur la croissance, et que la hausse des charges salariales aura pour effet un creusement du déficit dans un premier temps. De plus, rien ne laisse supposer un impact direct sur les revenus fiscaux de l’Etat.
Rappelons que cette hausse des salaires se décline en une augmentation mensuelle de 500 dirhams net pour les fonctionnaires de l’échelle 6 à 9, et pour les échelons de 1 à 5 appartenant à l’échelle 10. Cette hausse a déjà pris effet dès le 1er du mois courant, avec un versement de 200 DH. Le même montant sera rajouté en janvier 2020, en plus d’un montant de 100 DH à partir de janvier 2021. Pour ce qui est des fonctionnaires de l’échelon 6 et plus de l’échelle 10, l’augmentation s’élève à 400 DH, et elle sera versée sur la base de 200 DH à partir du 1er mai déjà, et 100 DH en janvier 2020 et 2021.
Une paix sociale qui coûtera cher à l’Etat, car la facture salariale d’ici 2021 est estimée à plus de 7 milliards de DH. Si la masse salariale est restée relativement stable à fin avril 2019 (36.054 MDH contre 36.121 MDH en glissement annuel, en baisse 0,2%, soit-67 MDH), cela pourrait donc bientôt changer.
«Au regard de la hausse de l’inflation au Maroc, il est tout à fait normal que les salaires des fonctionnaires augmentent. Il faut d’ailleurs que les salaires soient indexés sur l’inflation pour assurer un bon rapport entre les revenus et les dépenses», précise Abouali.