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Les politiques économiques : un art, pas un dieu

Les politiques économiques : un art, pas un dieu

Les débats sur les sphères académiques et dans les Banques centrales, et les études empiriques scrutant la crise des subprimes et la crise financière et économique qui en avait découlée,  avaient pointé du doigt  les politiques monétaires restrictives de la FED et de la zone Euro jugées excessivement focalisées sur la stabilité des prix sur le marché des biens et services. Si les conclusions de ces débats ne remettent pas en cause l'indépendance des Banques centrales, elles insistent sur la nécessité de mettre en place des Policy mix non seulement entre les politiques monétaires et budgétaires mais également de prendre en compte l'insuffisance de l'aspect micro des politiques prudentielles en introduisant dans les Policy mix des politiques macro-prudentielles dont le but est d'évaluer les risques systémiques qui hantent les marchés dans leur ensemble.

 

Pour sortir des retombées de la crise de 2008, les USA et la zone Euro avaient,  dans un premier temps, mis en place des politiques budgétaires laxistes (plan de relance de Obama en 2009, et celui de la zone Euro dans la même année). Pour les USA à titre d’exemple, le plan de relance a concerné les allégements fiscaux, la protection sociale, l’enseignement et l’énergie. Dans un deuxième temps, ce sont les politiques monétaires expansionnistes basées essentiellement sur le  Quantitative- easing qui ont pris le relais, après l’épuisement des marges de manœuvre des politiques monétaires traditionnelles et des politiques ZIRP (Zero Interest Rate Policy). Si cette même politique de Quantitative- easing qui est aujourd'hui responsable de la grande inflation qui frappe le monde aujourd'hui, l'origine de ce cercle économique désastreux est bel et bien la politique monétaire restrictive de l'avant crise découlant d'une pensée monétariste, qui veut que l'indépendance des Banques centrales rime avec isolément et que la politique monétaire soit focalisée sur la stabilité des prix de manière excessive sans se soucier des autres objectifs de la politique économique.

 

Or, en temps de crises, c’est la flexibilité des banquiers centraux  à  la Rogoff qui légitime encore plus l'indépendance de la Banque centrale dans le sens où la politique économique n'est pas un Dieu mais un ensemble d'outils qui doit être manié de manière optimale selon chaque contexte. Ce sont les politiques  de «stop and go» conçues par un Keynes, très écouté dans les milieux politiques de l’après-guerre, qui ont permis les Trente glorieuses et  la sortie du monde occidental de la grande dépression de 1929 et des effets de la Deuxième guerre mondiale. Et ce n'est que la stagflation de la fin des années 70, un phénomène jadis  nouveau dans l'histoire économique, qui donne à  la pensée monétariste un poids considérable dans les politiques économiques et qui aboutit sur l'indépendance des Banques centrales comme cadre institutionnel de politiques monétaires basées sur des règles (le ciblage d'inflation en l’occurrence). Pour dire que depuis la croissance de masse du lendemain de la révolution industrielle, les politiques économiques changent au gré du contexte et de la conjoncture économiques. Et la crise de 2008 en est la preuve par excellence dans le sens où les politiques de relance marquaient un retour aux politiques keynésiennes. Il n'y a pas de politique économique optimale pour tout moment et n'importe où mais des politiques économiques imposées par le contexte économique qui change d'un pays à l'autre et d'un moment à  l'autre.

 

Dans ce sens, une question pertinente qu'on ne se pose plus en ces temps de crise au Maroc, qui avait suscité beaucoup de débat après le changement des statuts de  BAM en 2006 et la crise des subprimes en 2007-2008 : sommes-nous en tant que pays émergent à revenu faible, concernés par les standards de la zone Euro  de 2% d'inflation (ciblage implicite d'inflation) et 3% du déficit ? Nous n'avons pas tout ce temps de «s’ingénier» pour compromettre deux leviers de la politique économique, à même de soutenir l’activité,  ce qui a débouché sur une croissance anémique et une inflation galopante. Dans les Lois de Finances successives, la discipline budgétaire imposée par l’indépendance de BAM se faisait dans la majorité des cas aux dépens des dépenses d'investissement. En d'autres termes, depuis plusieurs années,  la croissance économique enregistre des taux très bas, sans que la politique monétaire et la Banque centrale ne revoient leur objectif d'inflation de moins de 2% ou apporter un soutien à  l'économie ou aux politiques de relance. Cette focalisation excessive de la Banque centrale sur la cible d'inflation contribue au ralentissement de l'activité économique d'année en année pour enfin engendrer un choc à la baisse de l’activité économique qui alimente lui-même les pressions inflationnistes. Les politiques économiques : un art pas un Dieu

 

 

Par Selma Sidki, professeur d’économie

Université Ibn-Tofail

 

 

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