Par Mounir Serhani
Écrivain-universitaire
On a l’habitude de préjuger les ouvrages confectionnés par les spécialistes, les médecins, les économistes, ou autres, en leur reprochant le manque de vulgarisation, le pédantisme scientifique répugnant et sans doute leur style «hautain» qui pioche uniquement dans le lectorat élitiste.
Or, certaines exceptions contredisent notre «mauvaise foi» et nous apprennent à être humbles, modestes, à nous «rebiffer» devant le savoir descendu sciemment de sa tour d’Ivoire, sans pour autant se compromettre !
J’ai vécu cet état d’esprit, ce revirement, quand j’ai entamé, par pure curiosité, l’ouvrage de l’amie de mon ami, par hypallage la mienne, Dr Imane Kendili, psychiatre, addictologue et sexologue : La drogue expliquée à mes enfants, paru chez Orion éditions.
Un travail de grand calibre, une analyse minutieuse des cas victimes des méfaits des drogues. Une vision tout à fait différente ! Une écriture ayant une syntaxe particulière : celle qui détruit l’érudition ésotérique des spécialités. L’auteure nous parle et installe l’ambiance «psychiatrique» sans trop nous
«perdre» dans le labyrinthe des séminaires rejetant le lecteur lambda à cause du ton ex cathedra ! Un sujet à ne pas prendre à la légère ! Du lourd, du sérieux, emballé dans une langue qui ne fait pas peur, mais qui alerte; un texte qui nous fait comme un «éveil mental», nous rend lucides pour être à même d’appréhender un «trou noir» dont nous ignorons les rouages.
Certes, le livre tait les indicibles, et le lecteur averti voit précisément les strates cachés, car c’est un texte qui se lit en palimpsestes et culmine dans la mise en garde sincère et émouvante : l’addiction est un sort aux aguets !
Elle menace tous ceux qui la prennent pour le piège dans lequel seuls les autres tombent, sombrent, des fois sans retour, et tel un noyé combatif chercheront à s’accrocher à n’importe quel feuillet, en vain, quand c’est trop tard, que c’est irrévocable !
Imane Kendili nous brusque et nous dit les choses (la réalité) cartes sur table pour dire que le mal de la drogue est tellement démocratisé qu’il n’épargne personne et qu’il ignore toute hiérarchie, toute appartenance. N’est-ce pas un livre sur l’humain ? N’est-ce pas un message, bien que lancé comme une bouteille dans l’océan, finissant par arriver à l’autre rive ! Il existe donc des livres sérieux aromatisés, pourvu qu’on ait l’oreille tendue ! À bon entendeur salut, à mauvais entendeur, pas de salut !