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Le gouvernement à mi-mandat : un nouveau souffle ?

Le gouvernement à mi-mandat : un nouveau souffle ?

Le gouvernement Akhannouch est pratiquement à mi-mandat aujourd'hui. Il a déjà accompli deux ans dans une mandature de cinq ans allant jusqu'à octobre 2026. Il faut bien parler de mi-mandat de fait dans la mesure où il ne lui reste plus que deux autres années, «utiles» dira-t-on, l'exercice 2026 étant celui du processus devant conduire au scrutin parlementaire de la Chambre des représentants; la Chambre des conseillers, elle, a un mandat de six ans (2021-2027). Cette année-là sera en effet marquée par les préparatifs de l'élection dès 395 membres de la Chambre basse lesquels vont commencer en avril 2026.

Cela dit, comment se présente la situation de l'exécutif actuel ? Des traits paraissent devoir être mis en relief. Le premier a trait à ce qui a été entrepris à mi-chemin. La référence d'évaluation ne peut manquer de se baser sur les annonces sinon les engagements ?- de son programme d'investiture d'octobre 2021. Globalement, de quoi s'agit-il ? D'une croissance annuelle moyenne de 4%; d'une amélioration des équilibres macroéconomiques; de la création d'un million d'emplois; de 250.000 autres emplois directs dans les petits et grands chantiers publics; de 100.000 postes d'emploi dans la pêche et la pisciculture; d'une réforme fiscale ainsi que des entreprises et établissements publics; de la réduction des disparités régionales à 39% au lieu de 46,4%; d'une hausse du taux d'activité des femmes à 30% au lieu de 20%; sans oublier la refonte du système éducatif et la mobilisation d'un Fonds spécial à hauteur d'une allocation d'un milliard de DH en faveur de la promotion de l'amazigh. Tout citoyen et tout opérateur peuvent mesurer le décalage entre ce catalogue optimiste de départ et les réalités de cette fin 2023, exception faite du secteur de la formation professionnelle et de l'éducation.

La barque est surchargée

Ce gouvernement pouvait-il faire mieux ? Il faut être conséquent : il n'a pas bénéficié de conditions favorables, tant s'en faut. La pandémie Covid-19 2020-2022 a été une grande épreuve et son impact social et économique continue encore de peser sur les comptes de la nation. Elle a été suivie par le conflit Ukraine – Russie, déclenché en février 2022, et ses effets sur le renchérissement des prix des hydrocarbures des matières premières et le coût de la logistique. Il faut y ajouter une forte inflation et partant la détérioration du pouvoir d'achat des citoyens.

Enfin, comment ne pas évoquer la catastrophe naturelle du séisme dans la région d'Al Haouz, le 8 septembre dernier. Au total, la barque est lourde, surchargée pour ce gouvernement et il a dû dans l'urgence, ces dernières semaines, revoir le projet de Loi de Finances 2024 quasiment arrêté à la veille de ce tremblement de terre. Déjà, les prévisions retenues pour la prochaine année étaient de 3,2% de croissance; elles ont été revues à la baisse par le FMI à 2,4%. Le programme de reconstruction décidé par SM le Roi pour les régions sinistrées, de l'ordre de 120 MDH pour cinq ans, va nécessiter le recours partiel à des concours étrangers, des aides et des dons mais surtout des institutions financières intergouvernementales (FMI, Banque mondiale, BEI, ...). Ce qui repose la question de la soutenabilité de la dette qui est de 71% du PIB en 2023 (54% de dette intérieure et 17% de dette extérieure) pour ce qui est du Trésor déjà et de 83% au titre du taux d'endettement public global. Autre aspect : que va devenir, sur toutes ces bases, le programme d'investissement pour 2024 et au-delà ? Il faudra bien re-prioriser ce qui avait été arrêté le 1er janvier 2023 et les hiérarchiser ne va-t-il pas pénaliser ou étirer dans le temps des chantiers ? Des arbitrages sont à faire dans les réformes, sauf sans doute dans les piliers de l'État social.

Et le programme de 2021 ? Et le NMD ?

L'on doit noter, par ailleurs, que ce gouvernement ne fait plus tellement référence à son programme de départ mais qu'il met davantage en relief des axes. D'ailleurs, aucun membre de cet exécutif ne mentionne plus les engagements pris dans le programme d'investiture d'octobre 2021. La navigation et le pilotage se font désormais à vue... Dans ce même registre, le nouveau modèle de développement (NMD), publié à la fin mai 2021, paraît frappé d'obsolescence comme s'il n'était plus un référentiel stratégique jusqu'à l'horizon 2035. Pourtant, il devait être un vecteur de galvanisation des énergies nationales de nature à conforter et à consolider un modèle marocain dans tous les domaines.

Ce qui frappe aujourd'hui, c'est ceci : la capacité réformatrice procède globalement de SM le Roi. Elle se traduit par de fortes impulsions déclinées autour de feuilles de route et de caps enjambant la législature (2021-2026) et allant au-delà de cet agenda. C'est vrai pour les étapes de la protection sociale, le développement durable social et territorial, l'éducation, l'habitat avec le plan 2024-2028 adopté le mardi 17 octobre lors d'une réunion présidée par le Roi.

Reste cette interrogation de principe : ce gouvernement aura-t-il le souffle pour tenir un rythme réformateur et volontariste qui lui impose une responsabilité politique dont il demeure comptable ? Pourra-t-il en même temps mener à bien tout ce qui reste à entreprendre dans de nombreux domaines (réformes pénales et sociétales, code de travail, fiscalité, régionalisation avancée, gouvernance de l'administration publique, environnement d'affaires et d'investissement,...).

 

 

Par Mustapha SEHIMI
Professeur de droit (UMVR) 
Politologue

 

 

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