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Coronavirus/Prévention routière : L’agence travaille sur le post-confinement

Coronavirus/Prévention routière : L’agence travaille sur le post-confinement

L’Agence nationale de sécurité routière a mis en place un plan triennal 2020-2022 ambitieux déclinés en 9 axes majeurs.

Grâce au confinement, il y a eu, à fin mars 2020, une diminution de 39,93% du nombre de tués sur les routes marocaines par rapport à mars 2019.

L’Agence prépare d’ores et déjà un plan de communication dédié à la période post-confinement. Le point avec Benacer Boulaajoul, directeur de l’agence nationale de la sécurité routière.

 

Propos recueillis par F. Ouriaghli

 

Finances News Hebdo : Vous êtes à la tête de l’Agence nationale de sécurité routière, qui remplace le CNPAC. Pouvez-vous rappeler à nos lecteurs la différence entre ces deux institutions dédiées à la lutte contre les accidents de la circulation ?

Benacer Boulaajoul : Après quarante-deux années d'existence du Comité national de prévention des accidents de la circulation (CNPAC), l’heure du changement est arrivée. Plus de quatre décennies durant, le CNPAC a capitalisé une expérience considérable dans le domaine de la prévention et de la sécurité routière ainsi que dans les différentes missions qui lui ont été dévolues, notamment en matière de communication, de sensibilisation et des études & recherches.

Ces attributions ont été assumées avec dévouement et abnégation au fil de toutes ces années de la part des femmes et des hommes qui se sont succédé dans la gestion et l’exercice des activités du CNPAC.

Bien qu’avec des attributions limitées, le Comité a réussi à être une force de propositions auprès des pouvoirs publics et un acteur-clé dans la conception et la mise en œuvre des politiques nationales dans le domaine de la sécurité routière.

Dès le début de cette année 2020, une nouvelle institution publique créée par la loi 103.14 a vu le jour : l’Agence nationale de la sécurité routière (NARSA). Il s’agit d’une étape historique dans le management institutionnel de la sécurité routière dans notre pays, dans la mesure où la NARSA gérera tous les métiers liés à la sécurité routière.

A travers les missions dûment précisées dans la loi précitée au lieu de celles confiées au CNPAC dans un décret uniquement, l’objectif visé par le gouvernement est double : améliorer les conditions de sécurité routière et améliorer la qualité des services rendus à l’usager.

Ainsi, l’agence est appelée à exercer les pouvoirs liés à la sécurité routière, en contribuant à l’élaboration et à la mise en œuvre des stratégies et des projets de textes législatifs et réglementaires. L’Agence développe également des programmes d’enseignement de la conduite, les examens pour l’obtention des permis de conduire, le contrôle et l’homologation des véhicules, l’accréditation des établissements de formation initiale et continue à la conduite et des centres de contrôle technique des véhicules.

La NARSA veille au suivi technique et à la gestion du système de contrôle automatisé des infractions et les équipements liés au contrôle routier. Elle peut engager, dans le cadre de partenariat et de coopération, la mise en œuvre de projets liés à l’amélioration de la sécurité routière, au soutien, à l’appui et au développement d’études et de recherches scientifiques.

L’Agence organise également des opérations de sensibilisation, de communication et d’accompagnement, et élabore des plans et programmes pour l’éducation routière. La NARSA assure aussi le développement d’un système complet et intégré de collecte de données relatives aux accidents de la circulation.

 

F.N.H : Quelles sont les grandes lignes du premier Plan triennal de l’Agence nationale de sécurité routière ?

B.B : Le plan triennal de la NARSA 2020-2022 tourne autour de 9 axes :

La mise en place des mécanismes de bonne gouvernance pour l’agence

La bonne gouvernance est considérée comme l’une de ses priorités, notamment en instaurant une culture de reddition des comptes. De ce point de vue, une série de mécanismes sera mise en œuvre. Il s’agit notamment des comités de gouvernance, de stratégie, programmes et investissements et d’audit. D’autres chartes et documents spécifiques pour améliorer le contrôle interne, les guides référentiels pour les processus internes ainsi qu’une cartographie de risque sont nécessaires.

La poursuite du déploiement de ses structures au niveau central, régional et local

La NARSA s’attachera à déployer les représentations régionales de l’agence, à établir ses structures de gestion et à leur fournir les ressources matérielles et humaines nécessaires afin de remplir au mieux ses missions en faveur des usagers.

Ainsi, des représentations régionales seront déployées pour veiller à l’amélioration de la qualité des services de proximité au profit des usagers et assurer la coordination avec les autorités locales et les divers partenaires afin d’améliorer les conditions de sécurité routière au niveau régional. En outre, des unités de gestion seront installées au niveau des centres d’immatriculation pour renforcer la politique de proximité de l’Agence.

La mise à niveau et l’amélioration des différents services rendus par l’agence

Compte tenu des tâches confiées à l’Agence, un ensemble de services doit être assuré aux usagers, dont on peut citer :

Formation des candidats à l’examen de permis de conduire à travers les auto-écoles; Examen pour l’obtention du permis de conduire; Immatriculation et enregistrement des véhicules; Délivrance des documents électroniques et administratifs aux usagers; Homologation des véhicules; Contrôle technique des véhicules à travers les centres de visite technique; Contrôle automatisé des infractions liées au code de la route; Expertise en accidentologie;

Le développement des systèmes d’information

Les systèmes d’information sont l’un des principaux outils sur lesquels repose la stratégie de l’agence. Le développement et la modernisation de ces systèmes d’information augmentera la performance des services, leur célérité, l’équité d’accès, la traçabilité et la matérialité des procédures. Dans ce contexte, la digitalisation et la dématérialisation des procédures sont incontournables pour atteindre ces objectifs.

C’est un choix stratégique irréversible. En outre, l’accent sera mis sur l’élaboration d’un nouveau système d’information pour suivre et analyser les données relatives aux accidents corporels de la circulation. Ce nouveau système permettra à la NARSA d’asseoir les véritables conditions de mise en place d’un Observatoire national de la sécurité routière.

Un tel observatoire permettra de suivre la situation instantanée de la sécurité routière dans notre pays à travers une batterie d’indicateurs comportementaux et de sécurité routière. Il permettra aussi de promouvoir la recherche & développement dans ce domaine.

L’ouverture aux technologies modernes et encouragement de la recherche scientifique ainsi que le développement de l’expertise

Les bonnes pratiques au niveau international en matière de sécurité routière montre que le recours aux nouvelles technologies crée de la valeur ajoutée. Plusieurs domaines sont potentiellement ouverts à ce recours. Il s’agit notamment de la gestion intelligente du trafic, la mobilité urbaine, le contrôle automatisé des infractions au code de la route, le suivi du comportement des usagers, etc. Ces projets seront réalisés soit directement par la NARSA ou dans le cadre de partenariat avec les acteurs concernés, notamment les collectivités territoriales.

Investissement dans l’éducation des générations futures

Les études réalisées aussi bien au niveau national qu’international montrent que le facteur humain est prépondérant dans la causalité des accidents de la circulation. Ainsi, le grand défi pour les pouvoirs publics est de mieux encadrer ce comportement.

Les études montrent aussi que ce comportement peut être encadré par une bonne infrastructure qui répond aux normes usuelles, un contrôle efficace et efficient pour lutter contre la délinquance routière et par l’éducation du public.

Toujours est-il que cette éducation doit être concentrée sur les jeunes générations, c’est-à-dire les enfants. Seule une éducation adaptée aux écoliers, selon le niveau scolaire et l’âge, et qui s’inscrit dans la durée, est à même de préparer des générations bien imprégnées de la culture dédiée à la sécurité routière, avec un ancrage des valeurs autour de la cohabitation, le respect des règles de la circulation et l’indulgence sur la voie publique.

De ce fait, la NARSA mettra en œuvre tout un programme intégré pour atteindre ces objectifs. Ce programme comprend des outils ludo-pédagogiques, des applications e-learning, des actions de proximité directement dans les milieux scolaires et de la jeunesse ainsi que des investissements physiques concernant la création de centres éducatifs dans plusieurs régions du Royaume. Ce programme a un nom fédérateur «Génération sécurité routière» ou «Jil Essalama».

Ouverture sur les partenaires et les professionnels

La sécurité routière, de par sa nature, implique toute une panoplie de partenaires, public, privé et société civile. Chaque catégorie comprend aussi plusieurs acteurs, selon le secteur d’activité. Le rôle de l’Agence serait alors de créer une mobilisation de tous ces partenaires pour les fédérer autour des valeurs de la sécurité routière. Cette mobilisation peut avoir différentes formes qui varient selon les catégories précitées.

Accompagnement des communes et collectivités locales afin d’améliorer la qualité des infrastructures et de leurs aménagements

Les communes territoriales et les collectivités locales ont un rôle extrêmement important à jouer pour améliorer la sécurité routière dans notre pays. En effet, la charte communale accorde une grande responsabilité aux communes dans la réalisation et l’aménagement des infrastructures dans leur périmètre territorial. Elles sont responsables de tout type de travaux liés à la voirie, à son dimensionnement et à la signalisation routière.

De ce fait, leur responsabilité vis-à-vis de la sécurité routière est réelle. La NARSA compte ainsi nouer des relations de partenariat avec ces communes et leur assurer l’accompagnement technique nécessaire. Un guide référentiel pour les aménagements de sécurité routière en milieu urbain a été élaboré auparavant par le CNPAC, et l’agence veillera à son déploiement pour qu’il soit appliqué par les communes pour avoir non seulement une infrastructure de qualité, mais qui respecte les normes de sécurité routière.  

Communication et sensibilisation

L’Agence hérite un capital savoir-faire important de 4 décennies en matière de communication et de sensibilisation sur la sécurité routière. Ce capital expérience sera mis à profit par la NARSA, avec une adaptation aux nouvelles missions de l’Agence. Le nouveau plan de communication de l’Agence nationale de la sécurité routière s’articule autour de trois axes :

- Communication institutionnelle visant à présenter l’agence, ses missions et ses services, afin d’établir une image positive de l’institution;
- Communication comportementale et sociale visant à sensibiliser les usagers de la route sur la sécurité routière;
- Communication sur les services afin de présenter toutes les prestations fournies par l’agence aux usagers.

 

F.N.H : Les objectifs en termes d’accidents de la circulation assignés au CNPAC à horizon 2026 sont-ils toujours en vigueur ?

B.B : Les objectifs de la Stratégie nationale de sécurité routière 2017-2026 sont des objectifs nationaux. Ainsi, la stratégie ne se rapporte pas à une seule organisation et le CNPAC était l’un de ses acteurs concernés par l’implémentation de cette stratégie. Dans la nouvelle configuration du management institutionnel de la sécurité routière, la NARSA est un acteur clé de cette stratégie, mais elle n’est pas la seule.

D’autres départements sont également concernés par cette stratégie, comme les Corps de contrôle, les ministères de l’Education, de la Santé, de la Justice, de l’Habitat, des Finances, de l’Intérieur et d’autres acteurs, sans oublier les professionnels et la société civile.

Par ailleurs, il convient de préciser que la sécurité routière est érigée aujourd’hui en politique publique. Pour toute nouvelle stratégie dans ce domaine, la NARSA sera appelée à contribuer à son élaboration, mais elle sera portée par le Gouvernement à travers le ministère de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau.
En somme, les objectifs de la Stratégie nationale de la sécurité routière en vigueur sont opposables à l’ensemble des acteurs concernés y compris la NARSA.

 

F.N.H : Les moyens financiers et humains dont dispose l’Agence sont-ils à la hauteur des attentes ?

B.B : La NARSA est appelée à répondre à de fortes attentes, non seulement en termes d’amélioration globale de la sécurité routière dans le Royaume, mais également dans l’empreinte qui doit caractériser son action auprès de l’ensemble de l’écosystème de la sécurité routière.

Pour faire face à ce défi, la NARSA doit compter sur la compétence, l’engagement et le sens de responsabilité de ses ressources humaines qui s’élèvent à près de 700 personnes, dont les 2/3 exercent dans les services territoriaux. Est-ce que ces ressources humaines sont-elles suffisantes ? Certainement pas, vu les énormes obligations auxquelles l’Agence doit faire face.

Mais aujourd’hui, tenant compte de ce constat, la solution est à rechercher à deux niveaux : premièrement dans la requalification et le redéploiement des compétences, et deuxièmement dans la dématérialisation et la digitalisation des processus. S’agissant des ressources financières, il convient de préciser que le principe de base consiste à avoir une structure qui s’autofinance, que ce soit pour le budget de fonctionnement ou d’investissement.

En outre, vis-à-vis de la loi 103-14 et de ses décrets d’application, la NARSA doit assurer la continuité de l’engagement de l’Etat et du CNPAC auprès des prestataires pour tous les contrats, conventions, marchés ainsi que toutes les obligations conclues avant l’entrée en vigueur de cette loi et qui se rapportent aux missions et attributions confiées à l’Agence. Dans ces conditions, l’Agence doit bénéficier des aides de l’Etat jusqu’à liquidation de ces engagements et retrouver son équilibre budgétaire.

 

F.N.H : Avec le confinement et l’état d’urgence sanitaire, les accidents de la circulation ont considérablement baissé. Ne craignez-vous pas une recrudescence des accidents après le déconfinement ? Comment s’y préparer ?

B.B : Dans la situation de crise sanitaire que nous vivons actuellement, et avec les restrictions liées aux déplacements des citoyens mises en place par les pouvoirs publics pour les protéger contre cette pandémie de Covid-19, le trafic routier a baissé d’une manière considérable en milieu urbain comme sur le réseau routier en rase campagne, notamment à partir du 20 mars 2020. Cette baisse drastique de la mobilité a eu un impact direct sur le risque d’accidents et, par conséquent, sur le bilan des accidents et des victimes.

Ce constat est universel et ne concerne pas uniquement que le Maroc. Scientifiquement parlant, le risque d’accident est fortement corrélé au trafic et à la circulation routière. Un parc automobile aussi important soit-il, s’il ne se déplace pas, il est normal qu’il ne va générer aucun risque d’accident.

Les statistiques provisoires du mois de mars 2020 comparées à mars 2019 font ressortir une diminution de 31,28% dans le nombre des accidents corporels, une baisse de 39,93% dans le nombre de tués et un fléchissement de 44,24% dans le nombre de blessés graves.

En outre, le bilan provisoire au titre des trois premiers mois de l’année 2020, en comparaison avec les données provisoires des trois premiers mois de l’année 2019, se présente comme suit : une diminution de 6,61% des accidents de la circulation, un fléchissement de 19,98% des tués et une baisse de 20,12% des blessés graves.

La comparaison du bilan provisoire de la période allant du 20 au 31 mars 2020, avec la même période de l’année 2019, fait ressortir des baisses spectaculaires :

- Une diminution de 80,05% des nombres des accidents corporels ;
- Une réduction de 76,09% des nombres des tués ;
- Une baisse de 82,55% des nombres des blessés graves ;
- Une diminution de 79,90% des nombres des blessés légers.

Cependant, il est certain que la reprise de l’activité de façon normale dans notre pays après cette période de confinement que nous espérons qu’elle soit courte autant que possible, aura un impact sur la hausse de la mobilité et par conséquent sur le risque d’accident.

Consciente de la spécificité de cette conjoncture, et afin de capitaliser sur ce nombre important de vies épargnées sur les routes, la NARSA prépare à cet égard un plan de communication dédié à la période post-confinement où la vigilance doit plus que jamais être de mise. Il s’agit d’un plan de communication intégrée déployant un arsenal de supports média, digitaux conjugués à des actions de proximité avec les usagers de la route.

Par ailleurs, il est à signaler également qu’une bonne partie des services gérés par la NARSA sont actuellement à l’arrêt, comme les examens de permis de conduire et le contrôle technique des véhicules.

Après ce confinement, nous nous attendons à une affluence massive des usagers vers nos locaux et vers les professionnels qui gèrent des services au nom de la NARSA.

Un plan de reprise est en cours de finalisation et sera présenté à Monsieur le ministre de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau pour validation avant sa mise en œuvre qui, par la même occasion, accorde une importance capitale à ce dossier et assure un suivi régulier et de très près.

Le souci majeur pour nous après le confinement est d’assurer la sécurité et la protection de notre personnel et des citoyens usagers de nos services. Le plan proposé couvre tous les leviers potentiels pour assurer cette sécurité, et ce à travers des mesures d’hygiène, des processus de mobilité au sein de nos locaux et la gestion des flux tout en respectant les mesures de distanciation préconisées par les pouvoirs publics.

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